2.3.7.4. Structure de la rime et du noyau

La tête du constituant syllabe est, comme nous l’avons vu, la voyelle. La voyelle constitue également la tête du noyau et de la rime, deux autres sous-constituants prosodiques dominant la voyelle (ou consonne syllabique) à l’intérieur de la syllabe. Ces deux sous-constituants peuvent, comme tous les constituants prosodiques, être branchants ou non. Quand ils sont branchants, leur tête se situe à gauche. Les représentations possibles pour ces constituants sont illustrées en (20).

(20) Représentations possibles de la rime et du noyau

D’après ces représentations et les travaux de Kaye (1992), quand un seul segment est présent dans la rime, il doit faire partie du noyau comme en (20a). Par contre, quand deux segments sont présents dans la rime, deux représentations sont possibles, soit le segment qui n’est pas tête est intégré à un noyau branchant (20b), soit il est intégré à une rime branchante (20c). Enfin, quand trois segments sont présents dans la rime, les deux constituants, rime et noyau, sont branchants (20d). Il est important de noter, que dans les sections suivantes, je pourrai faire référence au second membre d’une rime branchante comme étant une « coda », bien que ce terme ne désigne pas dans ce travail un constituant prosodique (voir section ).

En français, seules les voyelles peuvent être présentes dans le noyau. 9 Par contre, le français permet la réalisation de rimes et de noyaux branchants. Comme seules les voyelles peuvent faire partie du noyau, le noyau branchant permet de représenter les diphtongues descendantes comme [uj] dans rouille (21 a) ou les voyelles longues (21b). Le français standard ne possède plus de voyelle longue dans son lexique (p. ex. diachroniquement, bêle [bɛːl] → [bɛl]), elles peuvent malgré tout apparaître dans les données d’acquisition afin de compenser l’élision d’un segment dans la rime (p. ex. merci [mɛʁsi] → [mɛːsi] (21c)).

(21) Exemples de noyaux branchants

Comme indiqué, la rime branchante est également possible en français mais est limitée quant au matériel segmental possible en position de dépendance. Ainsi, dans cette position, en français, seules les obstruantes qui ont leur trait de voisement légitimé par la consonne de l’attaque qui suit (22a) et les liquides (22b) peuvent apparaître. Il est à noter que cette restriction ne s’applique pas aux consonnes en finale de mot comme nous le verrons dans la section suivante.

(22) Exemples de rimes branchantes

Enfin, le français ne présente pas de rime comportant trois segments. Les séquences CVGC à l’intérieur d’une syllabe ne sont ainsi pas attestées (il existe quelques rares exemples provenant de mots d’emprunt comme foil [fɔjl] ou e-mail [i.mɛjl] mais comme nous le verrons dans la section suivante, dans ce cas, la consonne finale ne fait pas partie de la même syllabe que la semi-voyelle).

En résumé, le français standard possède des noyaux branchants et des rimes branchantes mais pas les deux à la fois. Dans la prochaine section, je discuterai du cas des consonnes en finale de mot.

Notes
9.

Comme la majorité des linguistes (p. ex. Jakobson, Fant et Halle 1952, Clements et Keyser 1983, Kaye et Lowenstamm 1984, Levin 1985, Ladefoged et Maddieson 1996), je considère que les semi-voyelles sont les réalisations phonétiques de voyelles qui ne sont pas en position de tête de constituant. Ainsi, [j] et [i], par exemple, possèdent les mêmes traits.