2.4.2.2. Les contraintes de fidélité (faithfulness)

La force principale qui contre-balance la marque est la fidélité aux propriétés des formes lexicales mémorisées par le locuteur. Si un output est complètement conforme avec son input lexical (output = input) alors il est dit maximalement fidèle. Les contraintes de fidélité constituent donc l’exigence générale, pour une forme linguistique donnée, d’être réalisée de manière la plus conforme possible à sa forme lexicale de base (stockée dans le Lexique). D’un point de vue fonctionnel, l’importance de la fidélité est claire. Elle permet d’exprimer les contrastes de sens. Elle est donc centrale puisque chaque langue requiert un minimum de contrastes linguistiques pour être fonctionnelle d’un point de vue communicationnel.

Les contraintes de fidélité que j’utiliserai sont définies dans le cadre de la théorie de la correspondance (McCarthy et Prince 1995). La notion de correspondance est définie en (49). Dans cette définition, S1 représente l’input et S2 l’output.

(49) Correspondance (McCarthy et Prince 1995 : 262)

Les contraintes issues de cette théorie que j’utiliserai sont présentées en (50). Les contraintes de la famille Max en (50a), assurent la préservation du matériel de l’input dans l’output. Autrement dit, Max exige qu’un input soit maximalement représenté en surface. Ces contraintes prohibent donc les suppressions d’éléments. Inversement, les contraintes de la famille Dep en (50b) empêchent l’insertion de matériel phonologique dans l’output. Autrement dit, Dep exige que tout élément de l’output dépende de l’existence de ce même élément dans l’input. Enfin, la contrainte de Linéarité en (50c) empêche les métathèses (p. ex. ABC → CBA), de sorte que l’ordre des éléments contenus dans l’input soit le même que celui des éléments de l’output.

(50) Contraintes de fidélité (d’après McCarthy et Prince 1995)

Des versions spécifiques de ces contraintes seront utilisées durant l’analyse. Notamment, je considérerai que ces contraintes peuvent avoir comme variable n’importe quel niveau de représentation : segmental, sous-segmental ou supra segmental.

À ces contraintes, s’ajoutera la contrainte d’identité Ident(T) (McCarthy et Prince 1995) définie en (51).

(51) Ident(T) (d’après McCarthy et Prince 1995)

Pour que cette contrainte d’identité soit impliquée dans l’évaluation d’un candidat, le trait T doit être présent à la fois dans l’input et dans l’output. Ainsi un mot comme soupe [sup] produit [su] n’enfreindra pas la contrainte Ident(+cont). Par contre, si ce mot est produit [pup], la contrainte Ident(+cont) sera enfreinte, le premier segment en input étant [+cont] alors que le premier segment en output est [cont].

En comparaison, les contraintes Max(α) et Dep(α) ne font pas référence à une position particulière sur le squelette. Par exemple, la contrainte MAX sera satisfaite pour un élément α si cet élément, présent dans l’input, est également présent dans l’output et ceci quelle que soit sa position dans l’input ou dans l’output.

Dans ce travail, les relations que toute position de tête entretient avec les éléments qu’elle domine jouent un rôle central. Afin de formaliser la notion de fidélité pour la tête d’un constituant, j’utiliserai la famille de contraintes MaxTête, 13 proposée par Goad et Rose (2004), définie en (52). 14

(52) Contrainte de fidélité portant sur la tête prosodique (Goad et Rose 2004)

Bien que cette contrainte soit techniquement une contrainte de fidélité, elle possède également une référence à la marque. En effet, cette contrainte fait explicitement référence à la tête d’une catégorie prosodique qui, comme nous l’avons vu en section , possède une précédence dans son traitement par rapport aux éléments non tête (dépendants). Dans ce travail, je considérerai cette notion de fidélité à la tête d’un constituant de deux points de vue. Le premier concerne la fidélité à un trait qui se trouve dans la tête d’une catégorie prosodique, formalisée à l’aide de la contrainte MaxTête(T, CatP). Ainsi, une contrainte MaxTête(Dor,MtP) oblige un trait dorsal qui est présent en input dans la tête du mot prosodique, à être présent dans cette même tête en output. Le deuxième point de vue concerne l’application de cette notion à la contrainte Ident. Ainsi, des contraintes IdentTête(T, CatP) seront également utilisées.

Notes
13.

Cette famille de contrainte fait malgré tout l’objet d’un débat (Lyche 2005).

14.

Des contraintes ont été proposées antérieurement pour exprimer la fidélité à la tête d’une catégorie prosodique spécifique comme le pied par exemple (p. ex. Alderete 1995, McCarthy 1997, Pater 2000).