2.4.2.3. Conflit entre la marque et la fidélité

La marque et la fidélité sont toujours en conflit car elles sont en opposition. En effet, la notion de « non marqué » peut impliquer simplicité ou réduction structurelle. Si une langue n’a pas de restriction sur les structures non marquées (autrement dit, elle peut posséder toutes les structures marquées qu’elle demande) le nombre de contrastes possibles augmenterait exponentiellement. Or le langage humain ne requiert pas un si grand nombre de contrastes. Il faut donc simplifier le système, et c’est là qu’interviennent les contraintes de marque. Inversement, si dans une langue les contraintes de fidélité n’opèrent plus, le nombre de contrastes ne sera plus assez important pour communiquer efficacement.

Une langue a donc besoin de ces deux forces afin d’être efficace, toutefois la TO ne considère pas les deux forces que sont la fidélité et la marque comme deux blocs monolithiques. Leur représentation est en effet plus fragmentée. Dans la grammaire des langues, le conflit entre les deux forces est le produit d’interactions plus faibles impliquant des contraintes individuelles. Au niveau de ces interactions, les langues peuvent diverger dans leur résolution des conflits entre la marque et la fidélité. Une langue peut donner la priorité à la fidélité sur la marque pour certaines oppositions, mais peut inverser cette priorité pour d’autres oppositions.

Comme nous l’avons vu en section , pour l’enfant, seuls des éléments non marqués sont typiquement rencontrés dans la production de ces premiers mots (Demuth 1995, Gnanadesikan 1995/2004, Smolensky 1996). D’après cette observation, la grammaire de l’enfant possède donc un stade initial où les contraintes dominantes sont les contraintes de marque. 15 J’adopterai l’hypothèse de cette organisation initiale de la grammaire de l’enfant (53) dans ce travail.

(53) Organisation initiale de la grammaire de l’enfant

Cette hiérarchie initiale prédit les patrons généralement observés dans les premières productions enfantines, comme par exemple le fait que seules les syllabes de type CV soient généralement produites à ce stade précoce, les contraintes de marque comme Attaque, Noyau et *Cplx dominant les contraintes de fidélité.

Dans cette section, j’ai décrit le cadre théorique que j’adopterai pour l’analyse des données de Marilyn. J’ai tout d’abord décrit la géométrie des traits qui permet de rendre compte de l’organisation des traits au sein du segment et l’ancrage de celui-ci sur le squelette. J’ai ensuite présenté les différents constituants prosodiques auxquels je ferai appel. Puis, après avoir introduit TO, une théorie basée sur les contraintes, j’ai défini les contraintes qui seront au centre de mes analyses. La section qui suit présentera les facteurs externes à la phonologie qui peuvent avoir une influence sur les productions des enfants.

Notes
15.

À ma connaissance, seuls Hale et Reiss (1998) rejettent cette hypothèse.