3.2.1. Axe paradigmatique

La maîtrise articulatoire nécessaire à la production de contrastes pour une classe naturelle et une position squelettale données est souvent mentionnée dans la littérature pour rendre compte de neutralisations. Ainsi la région coronale (p.ex. les contrastes entre les consonnes [θ], [s] et [ʃ]) est typiquement atteinte par un phénomène de neutralisation. Ce type de distinction à l’intérieur d’une classe d’articulation majeure est acquis relativement tardivement par rapport à la production de contrastes demandant des distinctions articulatoires moins fines (p.ex. le contraste entre consonnes labiales et coronales) (p.ex. Bernhardt et Stemberger 1998). Ceci peut être dû à la fois au facteur physiologique vu en section précédente et à la précision des mouvements linguaux nécessaires pour un tel contraste. Ainsi, comme nous le verrons dans le prochain chapitre, la distinction entre les fricatives alvéolaires et post-alvéolaires n’est pas acquise par Marilyn à la fin de la période étudiée.

De la même manière Rose et dos Santos (2005) ont proposé qu’une contrainte articulatoire soit à l’origine de la substitution des fricatives alvéolaires par /l/ attestée chez Marilyn. Les fricatives sont articulatoirement plus complexes à produire que les occlusives. En effet, dans le cas des fricatives, la langue, qui je le rappelle est proportionnellement plus volumineuse que l’adulte par rapport au tractus vocal, n’a aucun point d’appui pour se maintenir, à la différence des occlusives alvéolaires ou la langue prend appui sur les alvéoles. Une des stratégies utilisées par les enfants pour éviter la difficulté articulatoire des fricatives alvéolaires est de les substituer par /l/ (Bernhardt et Stemberger 1998). Tel que rapporté dans Rose et dos Santos (2005), cette consonne est disponible dans l’inventaire consonantique de la langue que l’enfant acquiert. Elle a aussi l’avantage de partager le trait de lieu d’articulation Coronal avec les fricatives alvéolaire et le trait [+continu] tout en permettant à la langue d’avoir un point d’appui.