2.2.4. Occlusives substituées

L’acquisition d’un phonème, dans la section précédente, concernait le phonème considéré comme un tout indissociable (i.e. dans son intégrité). Or, un phonème, comme nous l’avons vu au chapitre 2 section , peut-être décomposé et donc défini par des traits phonétiques (type API) et/ou phonologiques. Dans cette section, l’acquisition progressive de ces différents traits, ainsi que leur interaction, seront abordées par le biais des substitutions et des élisions de phonèmes attestées dans les données produites par Marilyn. Je détaillerai donc les fréquences de substitution par type d’occlusive et présenterai les différents types de substitutions qui affectent ces occlusives. Nous verrons alors que les occlusives dans leur ensemble subissent des phénomènes d’harmonie consonantique et de métathèse. Le pourcentage bien plus élevé de substitutions des occlusives voisées montrera qu’au moins un autre phénomène de substitution est à l’œuvre dans ce sous groupe. Ce phénomène est celui du dévoisement (les occlusives voisées étant substituées par leur contrepartie non voisée), qui se poursuit plus longuement pour /ɡ/.

Pour commencer, je présente, dans les deux graphiques en (89) ci-après, la part de réalisation, de substitution et d’élision pour les occlusives voisées et non voisées, et ceci pour toute la période sous étude (1;10.17 à 2;11.14). En comparant, à partir de ce graphique, la fréquence de substitutions entre les occlusives non voisées et voisées, on s’aperçoit que les substitutions sont bien plus fréquentes pour les occlusives voisées que pour les occlusives non voisées au début de la période étudiée. En contrepartie, les occlusives non voisées sont plus fréquemment réalisées comme la cible pendant cette même période, comme nous l’avons déjà constaté dans la section précédente. En ce qui concerne l’élision, les deux types d’occlusives présentent des fréquences similaires et surtout très faibles.

(89) Comportement des occlusives voisées et non voisées

Comme signalé au début de ce chapitre, les consonnes en cours d’acquisition ont déjà acquis certains traits de la forme cible. Les traits qui sont acquis sont donc produits, ceux qui ne le sont pas sont substitués dans tous les contextes. Enfin, certains traits peuvent être acquis mais substitués dans un contexte spécifique.

En se concentrant plus particulièrement sur les substitutions, on observe deux comportements principaux exemplifiés en (90) ci-après. D’une part, on constate une substitution qui concerne le lieu d’articulation de l’occlusive cible (a). Cette substitution affecte l’ensemble des occlusives, les non voisées comme les voisées. D’autre part, on observe un dévoisement général des occlusives voisées (b). Ce dévoisement peut être combiné à un changement de lieu d’articulation (c).

(90) Exemples de substitutions pour les occlusives

Ce dévoisement des occlusives voisées permet d’expliquer l’écart entre les fréquences de substitutions des occlusives non voisées qui sont peu élevées et les fréquences de substitutions des occlusives voisées, lesquelles sont bien plus élevées. On peut conclure au vu de ces observations que le phénomène de dévoisement est présent sur une plus longue période que les phénomènes de substitutions du lieu d’articulation. Ceci explique pourquoi, comme nous l’avons vu dans la section précédente, les consonnes voisées sont acquises (i.e. réalisées comme la cible) après les consonnes non voisées.

Avant d’établir le calendrier des différents patrons de substitutions qui affectent ces occlusives, je présente et exemplifie ces différents patrons de production. Dans la prochaine section, je présente donc, dans un premier temps, les patrons de substitutions des mots produits avec au moins deux syllabes et présentant soit une métathèse soit une assimilation de lieu d’articulation.