2.3.2. Fricatives cibles

Dans cette section, je présente la distribution des fricatives tentées par Marilyn. Ces fricatives cibles tentées sont également comparées à leur fréquence dans la langue adulte.

Pour chaque session, dans l’histogramme ci-après, j’indique la part de chaque type de fricatives tentées par Marilyn (fricatives cibles) par rapport à l’ensemble des fricatives tentées durant la session. Leur moyenne sur l’ensemble des sessions (MOY.), leur moyenne sur la période allant de 1.10;17 à 2.2;29 (partie 1), ainsi que sur la période allant de 2.3;12 à 2.11;14 (partie 2) et leur fréquence dans la langue adulte (L.A.) sont également indiquées à titre de comparaison.

(106) Fréquences des fricatives cibles en tête d’attaque de syllabe accentuée
(106) Fréquences des fricatives cibles en tête d’attaque de syllabe accentuée

Comme pour les occlusives, on constate une forte variabilité d’une session à l’autre par rapport à la proportion des différentes fricatives cibles tentées par Marilyn. Une différence existe également entre la fréquence des fricatives dans la langue adulte (L.A.) et la moyenne sur l’ensemble des sessions des fricatives cibles de Marilyn (MOY.).

L’hypothèse pour expliquer cette dernière observation est la même que celle formulée pour les occlusives, c’est-à-dire un lexique limité au début de la période d’acquisition (partie 1) dont les mots contenant des fricatives ne reflètent pas les fréquences de la langue adulte, et un lexique plus important à la fin de notre corpus qui permet une plus grande correspondance entre le lexique de l’enfant et le lexique de l’adulte donc des fréquences similaires pour les phonèmes représentés (voir chapitre 4 section pour une discussion d’autres hypothèses possibles et leur réfutation). En effet, l’enfant commence par acquérir des noms puis des verbes, et enfin des pronoms en particulier les pronoms personnels conjoints (je, tu, me, …). Cet ordre d’acquisition a une grande importance pour la fréquence du phonème /ʒ/ en position de tête d’attaque de syllabe accentuée, puisque pour la langue adulte cette fréquence est due à 74% au pronom personnel sujet conjoint je. Ce pronom étant acquis plus tardivement par Marilyn, il est normal que la fréquence du phonème /ʒ/ ne présente pas, chez Marilyn, le même pourcentage que dans la langue adulte (3ème fréquence la plus élevée pour la langue adulte avec une représentation de 19% des fricatives, 5ème fréquence la plus élevée pour Marilyn durant la période 1, représentant 8% des fricatives durant cette période).

En ce qui concerne la grande différence qui existe entre la fréquence de la fricative alvéolaire non voisée /s/ tentée par Marilyn (qui représente 57% des fricatives tentées) et celle de la langue adulte (qui représente 38% des fricatives), elle est principalement due à la fréquence élevée de deux mots chez Marilyn : c’est et ça. En effet, ces deux mots contribuent sur l’ensemble des sessions à 65% des /s/ en tête d’attaque de syllabe accentuée tentées par Marilyn alors que dans la langue adulte, ces mêmes mots ne contribuent qu’à hauteur de 24% à la fréquence du phonème /s/ dans cette position.

Dans la section suivante, je présenterai les données concernant les fricatives réalisées. Nous verrons qu’il n’est pas possible d’établir un calendrier d’acquisition complet pour Marilyn car certaines fricatives ne sont toujours pas acquises à la fin de la période étudiée.