2.4.2.2. Attaques branchantes du type CʁV

Comme nous l’avons vu dans le graphique en (132), le /ʁ/ présent en attaque branchante est majoritairement élidé et ce jusqu’aux alentours de 2;07 environ. Cette acquisition tardive explique la faible fréquence de réalisation (14%) sur toute la période étudiée. On constate avec le tableau (141) ci-après que seules certaines attaques permettent la réalisation du /ʁ/. Ainsi, les attaques branchantes comportant une occlusive labiale en tête (PʁV) ou comportant une fricative labiodentale en tête (FʁV), ne présentent presque jamais de /ʁ/ en production (respectivement 2% et 0% de réalisation).

(141) Occurrences cibles et réalisation du /ʁ/ en attaques branchantes

En ce qui concerne plus particulièrement les attaques du type PʁV, le /ʁ/ est élidé mais la consonne de tête est réalisée (en (142a-c, e, f)). Toutefois, si l’occlusive labiale en tête d’attaque est voisée, elle sera généralement produite dévoisée par l’enfant comme le montre l’exemple (142b), et ce, jusqu’à l’âge de 2;06 environ. À partir de cet âge, l’occlusive labiale voisée est pleinement réalisée comme exemplifié en (142e). Les exemples du tableau (142) ci-après sont classés dans l’ordre chronologique de leur production.

(142) Exemples de mots cibles comportant une attaque du type PʁV

Les deux seuls exemples où le /ʁ/ est produit sont présents dans le tableau (exemple (142d) et (142f)). Ils ne représentent que deux occurrences sur 84 cibles tentées par l’enfant. De plus, le /ʁ/ n’est toujours pas produit dans ce type d’attaque par la suite. Ainsi, à 2;11.14, Marilyn continue à produire les attaques du type PʁV en élidant le /ʁ/ (142g).

Pour les attaques du type tʁV, jusqu’à l’âge de 2;07, le /ʁ/ est élidé quasi systématiquement. Le /t/ est, quant à lui, réalisé, comme le montre les exemples (a), (b) et (c) du tableau (143) ci-après dont le contenu est classé par ordre chronologique. Cette occlusive peut occasionnellement être voisée, comme dans l’exemple (143d), notamment au contact d’une voyelle nasale. Cette occlusive coronale peut également être substituée par une occlusive vélaire. Cette substitution occasionnelle (143e) devient systématique à partir de 2;05 environ.

Enfin, quand le /ʁ/ est produit à partir de 2;07, /t/ est soit systématiquement substitué par une occlusive vélaire (143f-g), soit élidé (143h).

(143) Exemples de mots cibles comportant une attaque du type tʁV

En ce qui concerne les attaques branchantes du type dʁV, le corpus contient peu de données : seulement cinq occurrences de ce type d’attaque en syllabe accentuée. Tout d’abord, les deux réalisations de /ʁ/ le sont pour l’exemple (144f), ces deux réalisations apparaissant dans la même session. Dans tous les autres cas, le /ʁ/ est élidé et cette élision est combinée à l’élision de /d/ en tête d’attaque.

(144) Exemples de mots cibles comportant une attaque du type dʁV

Les attaques branchantes du type kʁV présentent un comportement similaire aux attaques branchantes du type tʁV. Le /ʁ/ est élidée jusqu’à 2;07 environ. Durant cette période, l’occlusive en tête de l’attaque branchante est réalisée, comme le montre les exemples (145a-e). À partir de 2;07, le /ʁ/ en attaque branchante est quasi systématiquement produit, que ce soit dans des syllabes accentuée (145g) ou des syllabes non accentuée (145f).

(145) Exemples de mots cibles comportant une attaque du type kʁV

Le comportement de l’attaque branchante de type ɡʁV est sujet à variation en comparaison avec celui de l’attaque branchante kʁV. Tout au long de la période étudiée, /ɡ/ peut être élidé, même si ce processus n’est pas systématique. Pour la première période (1;10.17 à 2;2.29), ce phénomène d’élision de l’occlusive en tête d’attaque branchante atteint les 43%, l’exemple le plus fréquent étant le mot grave (146c). Cette élision n’est pas liée à la voyelle qui suit comme le montre les exemples (146b-d). Durant cette période, le /ʁ/ est constamment élidé.

La deuxième période (2;03.12 à 2;11.14), quant à elle, peut être subdivisée en deux parties. La première, allant jusqu’à 2;07 environ, ne présente plus de variation concernant la production d’attaque branchante du type ɡʁV. Le /ʁ/ est toujours élidé mais le /ɡ/ est réalisé (majoritairement réalisé sous sa forme dévoisée) comme le montre l’exemple (146e). À partir de 2;07, le /ʁ/ est presque systématiquement produit. La production de l’occlusive vélaire, quant à elle, est de nouveau variable comme on peut le constater avec les exemples (146g) où /ɡ/ est élidé et (146h) où il est réalisé. Malgré tout, durant cette période, le mot grand, peut être produit en élidant la totalité de l’attaque branchante. Ce comportement peut être dû à la présence de la voyelle nasale qui suit. Comme nous l’avons déjà constaté, la présence d’une voyelle nasale dans le mot cible tenté par l’enfant, en général, perturbe ses productions.

(146) Exemples de mots cibles comportant une attaque du type ɡʁV

Enfin, pour les attaques branchantes du type FʁV (F correspond au fricatives labiodentales /v/ et /f/), le /ʁ/ est élidé tout au long de la période étudiée. L’élision du /ʁ/ est combinée à l’élision de la fricative en tête d’attaque jusqu’à l’âge de 2;08 environ, comme le montre les exemples (147a-f). Après cet âge, le /f/ est produit mais le /ʁ/ est toujours élidé (voir les exemples (147g) et (147h)). En ce qui concerne la fricative labiodentale voisée /v/, le corpus ne comporte pas d’exemple la présentant dans ce contexte après 2;08. Je ne peux donc pas conclure sur le comportement de cette consonne particulière après cet âge et dans ce contexte : vʁV.

(147) Exemples de mots cibles comportant une attaque du type FʁV

En (148) ci-après, je récapitule les productions des attaques du type CʁV par Marilyn. Comme nous l’avons vu, seules les attaques du type KʁV (K représentant /k/ et /ɡ/) et tʁV tentées par Marilyn à la fin de la période étudiée présentent quasi systématiquement le /ʁ/ en production. On peut également mettre en parallèle le comportement de l’attaque branchante FʁV avec celui de l’attaque branchante flV. En effet, ces attaques branchantes présentent la particularité au début de la période étudiée, d’être élidées dans leur totalité (fricative + consonne dépendante). Pour les occlusives en tête d’attaque, seuls dʁV, et dans une moindre mesure ɡʁV, présentent un comportement particulier durant cette première période. Pour dʁV, le faible nombre d’occurrences ne permet pas, néanmoins, de conclure à un comportement stable. Pour ɡʁV, l’élision occasionnelle de l’occlusive peut être mise en parallèle avec le comportement de ɡlV où /ɡ/ est également élidé. En ce qui concerne les autres occlusives en tête d’attaque, l’élision du /ʁ/ est générale, tout comme la réalisation (non voisée le cas échéant) de cette occlusive.

(148) Chronologie de l’acquisition des attaques branchantes comportant /ʁ/

Dans la prochaine section, je présenterai une synthèse des principaux processus observés au cours de l’acquisition des consonnes en attaque de syllabe accentuée ainsi que des attaques branchantes obstruante + liquide.