2.5. Synthèse

Dans les sections précédentes, j’ai passé en revue l’acquisition de toutes les consonnes en tête d’attaque de syllabe accentuée ainsi que l’acquisition des liquides présentes dans les attaques branchantes. À partir de cette description, plusieurs processus ou tendances peuvent être mis en exergue.

2.5.1. Consonnes en tête d’attaque de syllabe accentuée

Il n’existe pas ou peu d’influence de la fréquence des consonnes en tête d’attaque de syllabe accentuée de la langue adulte sur la fréquence de ces même consonnes dans le parler de Marilyn, surtout durant la première période (1;10.17 à 2;02.29). Ce qui implique une influence très faible de la langue adulte sur l’ordre d’acquisition des consonnes. En section du chapitre 4, je répondrai également par la négative en ce qui concerne une possible influence de la fréquence des consonnes cibles de Marilyn sur l’ordre d’acquisition de ces consonnes.

Un processus général de dévoisement prend place concernant toutes les consonnes obstruantes voisées. Deux éléments sont à noter. Premièrement, pour le lieu d’articulation coronal, le seul que l’on peut comparer puisqu’il n’existe pas de fricatives dorsales et que les fricatives labiodentales sont élidées durant une longue période, Marilyn acquièrent plus tardivement le voisement pour les fricatives que pour les occlusives. Deuxièmement, l’occlusive vélaire voisée /ɡ/ est l’occlusive dont le voisement est réalisé le plus tardivement, le voisement pour les deux autres occlusives étant acquis aux alentours du même âge et bien plus précocement.

Les occlusives et les fricatives, en dehors du phénomène de dévoisement, sont sujettes à des substitutions. Ces substitutions sont de deux types : des substitutions portant sur le lieu d’articulation, ou des substitutions portant sur le mode d’articulation. Ces deux types de substitutions peuvent être combinés. Les substitutions portant sur le lieu d’articulation affectent toutes les obstruantes. Pour les occlusives, deux types principaux de substitution de lieu sont produits par Marilyn. Ces deux types de substitution proviennent de deux processus phonologiques distincts. Tout d’abord on observe des métathèses qui affectent les mots cibles dont le patron est KVPV, que l’enfant produit PVKV. Ainsi, le mot couper [kupe] est produit [peke]. Enfin, les occlusives coronales sont sujettes à une harmonie dorsale si une occlusive dorsale est également présente dans le mot. Le mot cadeau [kado] est alors produit [kako]. Ces deux processus sont systématiques et ont lieu dés le début de la période étudiée (voir section ). Les substitutions affectant le mode d’articulation ne touchent que très rarement les occlusives. Par contre, on observe des substitutions de mode est très fréquentes pour les fricatives. Ainsi, une fricative peut devenir une occlusive si une occlusive est présente dans le mot, comme dans passer [pase] produit [pete]. Une fricative peut devenir une nasale si une autre nasale est présente dans le mot, comme dans merci [mɛʁsi] produit [mɛni]. Si aucun de ces deux types de consonnes (occlusive ou nasale) n’est présent, les fricatives sont alors substituées par l’approximante latérale /l/, comme dans le mot chaussure [ʃosyʁ] produit [lyly]. Cette dernière substitution est conservée bien plus longtemps par l’enfant que les autres substitutions de mode. Enfin les fricatives subissent conjointement aux substitutions de mode, des substitutions de lieu d’articulation. Ces substitutions de lieux sont provoquées par la présence dans le mot produit d’une occlusive dont le lieu d’articulation diffère de celui de la fricative. La fricative sera alors remplacée par une occlusive de même lieu d’articulation que celle présente en production, comme dans les mots : sac [sak] produit [kak], ou soupe [sup] produit [pup].

Enfin, pour les fricatives labiodentales ainsi que pour /ʁ/, l’élision est le phénomène le plus observé. Cette élision se prolonge au-delà de la période étudiée pour /ʁ/.