3.5. Synthèse

Dans les sections précédentes, j’ai passé en revue l’acquisition de toutes les consonnes en finale de mot. J’ai également offert un survol de l’acquisition du /s/ en position de rime branchante à l’intérieur du mot, et d’appendice à la fin de la section (3.3). Enfin, les liquides en position de rime branchante à l’intérieur du mot ont été abordées à la fin de la section (3.4). À partir de ces descriptions, plusieurs grandes tendances peuvent être mises en exergue.

Premièrement, comme pour les consonnes en tête d’attaque de syllabe accentuée, l’existence d’une influence potentielle de la fréquence des consonnes dans la langue adulte sur la fréquence de ces mêmes consonnes dans le parler de Marilyn n’est pas attestée. En fait, pour les liquides, le rapport CsFinal/CsAttaque est même inversé entre la langue adulte et le parler de Marilyn. De même, le /s/ est tenté 167 fois en finale de mot et 2109 fois en tête d’attaque de syllabe accentuée, c’est néanmois le /s/ en finale de mot qui est acquis en premier. Ceci met en évidence l’influence plus importante de la position syllabique sur l’acquisition des consonnes. À partir des données disponibles pour les liquides en finale de mot, notamment l’asymétrie d’acquisition entre /l/ et /ʁ/ en comparaison avec leur fréquence respective dans le corpus, et celles obtenues avec les consonnes en tête d’attaque de syllabe accentuée, on peut estimer que l’influence de la fréquence de la langue adulte est au mieux faible pour l’acquisition des consonnes. Je présenterai l’analyse concernant la faible influence de la fréquence des consonnes cibles de Marilyn sur l’ordre d’acquisition de ces consonnes chapitre 4 section .

Deuxièmement, comme pour les consonnes en tête d’attaque de syllabe accentuée, un processus général de dévoisement affecte toutes les consonnes obstruantes voisées. Il faut malgré tout noter que le dévoisement en finale de mot se prolonge plus longtemps que pour les consonnes en attaque. Si on compare les occlusives avec les fricatives, on constate que le phénomène de dévoisement est actif sur une plus longue période pour les fricatives que pour les occlusives.

Troisièmement, tout comme pour les consonnes en tête d’attaque de syllabe accentuée, les occlusives et les fricatives, en dehors du phénomène de dévoisement, sont sujettes à des substitutions. Ces substitutions sont de deux types. Des substitutions portant sur le lieu d’articulation, ou des substitutions portant sur le mode d’articulation, ces deux types de substitutions pouvant être combinés. La substitution de lieu d’articulation, qui affecte à la fois les fricatives 28 et /t/, est due à l’harmonie dorsale. Si une occlusive dorsale est présente en attaque, alors la coronale en finale de mot, qu’elle soit fricative ou occlusive, sera substituée par une occlusive dorsale (p.ex. baguette [baɡɛt] → [kɛk] ; case [kaz] → [kak]). L’inverse existe également pour l’harmonie de mode observé dans ce dernier exemple. Si une consonne continue est en attaque (ou est produite dans la branche de l’attaque) alors /t/ en finale de mot sera remplacé par une fricative, comme dans le mot chaussette [ʃosɛt] produit [lɛs]. Enfin, un phénomène d’élision a lieu dans un contexte spécifique. Si un mot cible comporte une fricative ou l’occlusive /t/ en finale de mot, et que cette consonne finale est précédée par une nasale en attaque de syllabe accentuée, alors la fricative ou le /t/ en finale de mot sont élidés, comme dans les mots : tennis [tenis] produit [ni] et tomate [tomat] produit [ma]. Tous ces phénomènes ont été observés systématique pour la période allant de 1;10.17 et 2;00.25.

(177) Résumé des phénomènes observé entre 1;10.17 et 2;00.25
(177) Résumé des phénomènes observé entre 1;10.17 et 2;00.25

Pour terminer, après la période mentionnée ci-avant, les fricatives post-alvéolaires qui étaient jusqu’ici soit élidées soit substitutées par /s/, sont ensuite substituées par /f/ avant d’être de nouveau substituées par /s/ dans certains cas.

Enfin, aucun phénomène de substitution lié à un processus particulier ne semble affecter les sonantes durant la période considérée (1;10.17 à 2;11.14). Les nasales sont acquises en l’espace d’un mois sans traverser de phase de substitution. Le /l/ présente le même comportement que les nasales et est acquis à 2;04. Le /ʁ/, par contre, n’est toujours pas acquis à la fin de l’étude.

La fricative /s/ et la liquide /l/ en rime branchante à l’intérieur du mot sont acquises de la même manière que les nasales et /l/ en finale de mot, c’est-à-dire sans passer par une période de transition. Ces deux consonnes sont acquises à 2;07.

Dans la prochaine section, après une brève reprise des différents processus qui ont lieu pour les consonnes quelle que soit leur position dans le mot dans ce corpus, je présenterai les différents phénomènes qui seront analysés dans le prochain chapitre.

Notes
28.

Je rappelle qu’aucun mot KVF n’est présent dans le corpus étudié.