2.4. Synthèse

L’analyse des processus d’harmonie consonantique et de métathèse observés dans les productions de Marilyn valide l’hypothèse proposée au chapitre 2, section , sur le développement langagier de l’enfant. Cette hypothèse défend l’existence d’influences prosodiques et articulatoires qui sont reflétées par les premières productions des enfants. En accord avec Inkelas et Rose (2003, 2007), je proprose que des pressions externes, physiologiques ou motrices, puissent contraindre la production de formes lexicales chez les jeunes enfants. Par contre, ces facteurs externes à la grammaire ne peuvent permettre de rendre compte des différences de comportement observées entre formes CVCV et CVC dans les productions de Marilyn. En effet, aucune analyse basée strictement sur des considérations d’ordre articulatoire ne peut facilement expliquer pourquoi la même séquence d’articulations peut se comporter de deux manières distinctes au sein d’une même phonologie ; la forme des mots, encodée ici en termes de structure prosodique, doit être prise en compte pour expliquer les comportements distincts observés. Cette analyse utilise un cadre de représentation qui prédit une différence de comportement possible entre consonnes finales et non finales dans les langues à accent final comme le français (dont la tête du pied est à droite). On retrouve de telles différences aussi bien chez Marilyn que chez d’autres enfants francophones comme Clara, enfant francophone documentée dans Rose (2000). Ce cadre d’analyse est aussi justifié par le fait que, à notre connaissance, des différences d’harmonies ou de métathèses entre mots CVCV et CVC ne sont ni prédites ni attestées dans les productions d’apprenants de langues à accent non final (dont la tête du pied est à gauche et permet d’incorporer les attaques de syllabes à noyau vide au sein de la structure accentuelle).

L’approche proposée dans cette section permet une analyse unifiée des patrons d’harmonie consonantique et de métathèse observés chez des enfants francophones. Elle permet aussi de formuler une hypothèse claire et falsifiable concernant des différences possibles dans les productions des apprenants de langues à accent final et apprenants de langues à accent non final.

Pour terminer, je récapitule en (218) la hiérarchie des contraintes établie à partir des trois interactions possibles pour les lieux d’articulation et qui permet de rendre compte des différents processus produits par Marilyn :

(218) Hiérarchie des contraintes (interactions entre lieux d’articulation)

Dans la prochaine section, j’aborderai les divers processus affectant les fricatives, et ce, quelles que soient leurs positions dans les formes produites par Marilyn. J’analyserai également la différence de comportement qui existe entre les fricatives labiales et les fricatives coronales.