4.4. Synthèse

Dans cette section, j’ai proposé une contrainte nommé Acc(mode) qui se base sur la difficulté articulatoire à produire un mot deux consonnes possédants deux modes d’articulation disctincts. Cette contrainte est similaire à celle proposée pour les lieux d’articulation (*SeqLing) dans la mesure où une suite d’articulations différentes est plus difficile à produire par l’enfant qu’une suite d’articulations identiques. Cette contrainte Acc(mode) a permis de rendre compte, en interaction avec la hiérarchie des contraintes déjà établie pour Marilyn, de l’harmonie progressive du trait [cont] dans les mots de type CVC dont la séquence est [Occ…Fric]. Cette contrainte, couplée, entre autres, à la contrainte IdentTête(cont,Pd) a également permis de rendre compte de l’harmonie regressive du trait [cont] dans les mots du type CVC dont la séquence est [Fric…Occ] et dont l’occlusive est soit labiale soit dorsale. Ceci est dû à la dominance des contraintes de préservation Max(Lab) et Max(Dor) dans la grammaire de Marilyn. Pour le cas où l’occlusive de cette séquence est une coronale, le fait que la contrainte Max(Cor) soit dominée par toutes les autres contraintes a permis de rendre compte de l’harmonie progressive de [+cont] observées dans les données. Enfin, j’ai montré que l’élision des obstruantes en finale de mot de type CVC quand la consonne qui précède est une nasale est une conséquence de l’intéraction, entre autres, entre Acc(mode) et le fait qu’aucune nasale n’est produite en finale de mot par Marilyn formalisée par la contraintre *Cplx(rime). On peut considérer ici qu’il s’agit d’une stratégie d’harmonie nasale avortée à cause de la non disponibilité d’une structure syllabique dans la forme de surface. Pour terminer, je suis revenu sur le problème que posaient les données des mots de type CVCV dont les deux consonnes possèdent des modes d’articulation différents et qui sont tronqués de leur première syllabe dans les productions de Marilyn. Sans apporter de réponse définitive à ce problème, je l’ai comparé aux observations faites à propos du comportement des consonnes /f/, /v/ et /ʁ/ dans les productions de Marilyn. J’ai proposé que ces éléments n’étaient pas présents dans l’input fourni au générateur par Marilyn du fait de l’impossibilité qu’a Marilyn à produire de tels éléments, cette impossibilité étant basée sur une maîtrise articulatoire encore insuffisante.

Dans la prochaine section, je discuterai d’autres facteurs externes qui peuvent influencer l’ordre d’acquisition des consonnes par Marilyn. Je montrerai que la fréquence des consonnes dans la langue adulte et la fréquence des consonnes tentées par Marilyn n’ont pas d’influence directe sur son ordre d’acquisition des consonnes, du moins pour les occlusives en tête d’attaque de syllabe accentuée. Comme nous le verrons, seuls des facteurs articulatoires permettent en fait de rendre compte de cet ordre d’acquisition, une conclusion compatible avec l’approche analytique générale adoptée dans cette thèse.