1.3.1.2. Lien entre importance de l’information et niveau de rappel

Trois processus différents permettent d’expliquer le lien entre niveau d’importance et rappel de l’information et interviennent à différents moments du processus de traitement des éléments textuels (voir Passerault, 1984 ; Denhière et Le Ny, 1980).

Le premier processus interviendrait au moment de la phase d’encodage du texte, le deuxième interviendrait au moment de la phase de conservation du texte et enfin le dernier concernerait davantage la phase de récupération de l’information.

Concernant le premier processus qui interviendrait au moment de la phase d’encodage, deux types d’explications particulières permettent de souligner le lien existant entre le niveau d’importance et le traitement privilégié de ce type d’information: une sélection des informations importantes du texte et un traitement multiplié de ces informations.

Au cours du processus de traitement d’un texte, le lecteur focaliserait davantage son attention sur les informations qui paraissent centrales, ce qui aurait pour conséquences que celles-ci soient sélectionnées et traitées prioritairement et de façon plus profonde. Anderson (1982) défend cette même idée sous le terme d’attention sélective. Selon cet auteur, le sujet traiterait dans un premier temps les informations du texte à un niveau minimal ce qui lui permettrait de mettre en place une forme d’évaluation et ainsi de pouvoir attribuer un niveau d’importance particulier à chacun des éléments textuels. Une attention plus particulière se porterait sur les informations qualifiées d’importantes qui seraient alors plus facilement rappelées car davantage traitées.

La deuxième explication relative à cette phase d’encodage est l’hypothèse élaborative. Selon cette hypothèse, dans un texte, il existe des informations que l’on pourrait qualifier de surordonnées et qui sont centrales, et des informations sous-ordonnées. Ces informations surordonnées centrales partageraient de nombreuses connexions avec les informations sous-ordonnées. Ainsi, lorsqu’un lecteur serait amené à traiter les informations sous-ordonnées, il traiterait par la même occasion les informations surordonnées qui lui sont liées. Ces informations surordonnées feraient donc appel à davantage d’élaboration au cours de la phase d’encodage ce qui permettrait de fournir une explication cohérente à leur plus grande stabilité en mémoire. Contrairement à l’explication précédente, il n’y aurait ici aucun processus de sélection de l’information, toutes les informations textuelles seraient traitées et encodées.

Le second processus interviendrait au moment de la phase de conservation de l’information. Selon ce processus, lorsque le sujet se trouve confronté à l’information textuelle, l’ensemble des unités du texte serait traité et encodé mais les unités surordonnées finiraient par « subsumer» les unités sous-ordonnées qui arriveraient à ne plus se distinguer et perdraient progressivement leur identité. Ceci aurait pour effet de les rendre difficilement discriminables par rapport aux informations surordonnées. Cette hypothèse pourrait expliquer l’oubli à long terme des informations sous-ordonnées d’un texte : au fur et à mesure qu’elles seraient subsumées par les informations surordonnées, elles seraient oubliées.

Les processus intervenant lors la phase de récupération sont de deux ordres, d’une part l’hypothèse que l’on qualifie de « critères de réponses » et d’autre part l’hypothèse d’une accessibilité différenciée de l’information.

Concernant l’hypothèse de «critères de réponses», Passerault (1984) expose l’idée que l’individu qui est amené à traiter une information textuelle rappelerait simplement les informations importantes et négligerait volontairement les informations peu importantes dites de détails. Cependant, lorsque l’on demande à des sujets de lire un texte et de rappeler l’ensemble des informations qu’il contient, il apparaît que malgré cette forte insistance sur le fait de devoir rappeler les informations de détails, les individus rappellent plus d’informations surordonnées que sous-ordonnées. L’hypothèse des «critères de réponses» n’est donc pas validée par ces résultats. En effet, si l’on suppose que le sujet néglige volontairement les informations de détails, le fait de le recentrer sur le rappel de ces informations aurait dû permettre de diminuer cette différence de rappel entre les informations importantes et les informations peu importantes, or ce n’est pas le cas.

L’hypothèse de l’accessibilité différente prévoit que les informations surordonnées sont plus facilement rappelées car elles demeurent plus facilement accessibles que les informations sous-ordonnées. Au moment de la lecture, l’ensemble des informations textuelles serait à nouveau traitées, cependant, de part leur position en haut de la hiérarchie, les informations surordonnées seraient plus faciles à retrouver pour le sujet. Les unités sous-ordonnées seraient, quant à elles moins facilement récupérables. Pour pouvoir les récupérer, le sujet aurait obligation de devoir traiter toutes les unités textuelles qui leur sont surordonnées. L’explication fournie par Kintsch et van Dijk (1978) fait référence à ce type de processus.

Les informations textuelles ou propositions seraient traitées par cycle dans un système à court terme. Ce système à court terme étant limité, il ne peut contenir l’ensemble des propositions traitées. Ainsi, seules les propositions surordonnées sont maintenues dans ce système afin de pouvoir être rattachées aux propositions contenues dans le nouveau cycle de traitement. Certaines propositions participeraient ainsi à un grand nombre de cycles ce qui expliquerait leur plus grande disponibilité car davantage traitées.

De plus, selon Kintsch et van Dijk (1978), les propositions surordonnées serviraient d’indices de récupération des propositions sous-ordonnées.

Kintsch et van Dijk se situent dans une perspective qui fait entrevoir à la fois les processus intervenant lors de la phase d’encodage et également les processus intervenant lors de la phase de récupération. Ceci démontre que même si les explications fournies précédemment semblent pertinentes quant au fait de la liaison entre niveau d’importance et rappel de l’information, il semble délicat de vouloir déterminer lors de quel processus (encodage, maintien, récupération), une telle différence entre rappel des informations surordonnées et sous-ordonnées peut trouver sa source.

L’effet d’importance sur le rappel à non seulement été étudié de manière isolée mais également en interaction avec l'intensité affective. Martins, en 1982, s'est intéressé à l'importance et à l'intensité affective des informations lors de la compréhension et de la mémorisation de récits. Les principaux résultats ont démontré que les propositions appartenant aux paragraphes jugés importants sont plus fréquemment rappelées que celles appartenant aux paragraphes peu importants. De plus, les propositions appartenant aux paragraphes d'intensité affective forte sont plus souvent rappelées que celles appartenant aux paragraphes d'intensité affective faible. Nous reviendrons ultérieurement sur cette relation entre importance et intensité affective dans le deuxième chapitre.