2. Représentation sémantique et représentation situationnelle

Si la base de texte formée par les informations microstructurales et macrostructurales constitue un réseau de propositions généralement important, elle reste cependant pauvre. Il est alors nécessaire que l’individu fasse intervenir ses propres connaissances afin de l’enrichir et de la compléter. La première théorie de Kintsch et van Dijk (1978) réduit la compréhension à un simple calcul propositionnel basé sur la répétition des arguments. Or l’enjeu du processus de lecture va bien au-delà de la simple signification du texte. Le texte en lui-même ne permet d’obtenir que des informations linguistiques à partir desquelles le lecteur commence à mettre en place sa représentation. En 1983, van Dijk et Kintsch proposent la notion de modèle de situation (voir également la notion de modèle mental chez Johnson-Laird (1983) et chez Denis et de Vega, 1993). Le modèle de situation est vu comme une forme de représentation plus élaborée que le modèle sémantique propositionnel. Il intègre les connaissances personnelles mises en œuvre par le sujet au cours de la lecture. Le lecteur utilise des connaissances pragmatiques, linguistiques et des connaissances sur le monde dans le but de produire une représentation de la situation décrite par le texte. Le modèle mental ou modèle de situation consiste donc en une représentation plus riche et plus complexe que le niveau sémantique de la représentation car il est détaché des composantes sémantiques du texte et intègre les connaissances du lecteur. Lorsque le lecteur se retrouve confronté à l’information textuelle, il prend en compte l’ensemble des informations du texte: l’action, le lieu, les différents personnages. Par exemple, Morrow, Bower, et Greenspan (1989) ont démontré que le maintien en mémoire des actions relevant du personnage est à la base des stratégies de compréhension des textes narratifs. Le modèle de situation est donc une reconstruction cognitive d’un fragment du monde.

Le lecteur se construit une base de texte cohérente et s’imagine le monde décrit par le texte en faisant également intervenir des représentations perceptuelles (voir Zwann, 1999). C’est également à partir de ce modèle de situation que le sujet peut acquérir de nouvelles connaissances et raisonner. Cette notion de modèle de situation permet donc de rendre compte de l’interaction existante entre les processus linguistiques dérivés du texte et les connaissances du sujet (Garnham & Oakhill, 1996; Johnson-Laird, 1983; Kintsch, 1988; van Dijk & Kintsch, 1983). Si les lecteurs sont capables de développer une structure propositionnelle appropriée au texte, seuls certains élaborent un modèle de situation adéquat.

Au vue de ce qui précède, la compréhension textuelle passerait par la mise en place des trois niveaux de représentation que sont la structure de surface, la base de texte et le modèle de situation et chacun de ces niveaux est élaboré différemment par le lecteur.