Chapitre 2. L’émotion dans la compréhension

3. Emotion et compréhension

Pendant longtemps, il a été considéré que les processus émotionnels étaient indépendants des processus purement cognitifs et que les émotions n’avaient pour rôle que de perturber le fonctionnement cognitif normal.

Les progrès de la psychologie ont permis de mettre en place des théories sur la nature et la fonction des émotions ainsi que sur leur rôle dans la cognition humaine. Les théories concernant les relations entre les émotions et le système cognitif en général ont beaucoup évolué. Nous sommes passés d’une perspective «physiologique» qui considérait les émotions comme innées, universelles et restreintes à une simple fonction de renseignement sur l’état musculaire et végétatif du corps, à une perspective plus «cognitiviste».

Peu d’auteurs cependant s’accordent sur ce que l’on peut considérer comme une émotion. Ceci peut s’expliquer par la très grande variété de termes utilisés par les individus pour parler de leur état affectif. Le vocabulaire des émotions est très riche: dans nos cultures occidentales, plus de 1000 termes différents existent pour désigner les différentes émotions. Il existe une grande querelle sur la nature des émotions. Chaque théoricien rend compte à sa manière des émotions dites fondamentales.

Dans la littérature, deux courants théoriques principaux émergent, celui des émotions de base à travers la théorie de Plutchik (1980) et celui de la théorie bi-dimensionnelle à travers le modèle « Circumplex » de Russell (1980).

Dans le modèle de Plutchik, huit « émotions fondamentales » multidimensionnelles sont décrites: Joie, Acceptation, Anticipation, Peur, Surprise, Tristesse, Dégoût, Colère. Ces émotions présentent les particularités d’être identifiables sur trois critères : leur intensité, leur similitude et leur «bi-pôlarité», c’est-à-dire, leur opposition les unes par rapport aux autres. Plus l’intensité des émotions est faible, plus elles deviennent difficiles à discriminer.

Un autre courant important évoque l’existence d’émotions «discrètes» et admet que l’état émotionnel ne peut être discriminable que sur deux dimensions. En effet, dans la théorie de Russell (1980), chaque émotion serait déterminée par une valence, c’est-à-dire une valeur émotionnelle (agréable ou désagréable), et un degré d’intensité. Dans son modèle, Russell va modéliser ces différents états émotionnels sous forme de cercle, et les décliner en fonctions de deux axes perpendiculaires qui sont la valence (agréable, désagréable) et l’intensité également appelé degré ou niveau d’activation, d’éveil.

Cependant, au regard des différentes théories existantes, il semblerait que cinq émotions fondamentales apparaissent : la colère, la joie, la tristesse, le dégoût et la peur.

L’intérêt des travaux en compréhension de textes est de pouvoir prendre appui sur l’ensemble de ces théories puisque l’émotion y est analysée en termes d’émotions de base à travers l’étude de textes exprimant de la joie ou de la tristesse mais également en analysant la mise en place de la représentation textuelle à travers des textes relatant des émotions en termes de valence (positive ou négative) et d’intensité (fortement connotée ou faiblement connoté).

L’objectif de la partie qui va suivre est de s’intéresser à l’émotion en compréhension en analysant la façon dont elle est abordée dans les principaux modèles et également de relater les différents axes de recherche qui se sont développés sur ce domaine.