3.1.1. Modèle de van Dijk & Kintsch et émotion (1983)

Nous avons vu précédemment que le modèle de van Dijk et Kintsch (1983) constitue l’un des principaux modèles de compréhension de textes. Les auteurs ne spécifient pas les multiples rôles que les émotions peuvent avoir dans le traitement d’un texte mais postulent que les émotions correspondent à une structure de contrôle active et occupent une seule fonction. À la lecture de descriptions vagues et abstraites, les ressentis émotionnels des sujets peuvent avoir un contrôle sur le processus de lecture. Ainsi, les émotions auraient la capacité de guider le lecteur pour créer une représentation cohérente de la situation décrite par le texte. Les ressentis émotionnels dirigeraient l’attention des lecteurs et les aideraient à décider quelle information doit être activée et quelle information demeure pertinente pour la situation (voir Miall, 1988).

De plus, selon van Dijk et Kintsch (1983), les différentes connaissances émotionnelles ne seraient pas stockées dans les mêmes structures mnésiques. La connaissance très générale sur l’émotion impliquerait des informations sur des caractéristiques de différentes émotions et serait stockée dans la mémoire sémantique alors que la connaissance plus situationnelle sur l’émotion concernerait la mémoire autobiographique (structures de connaissance à propos d’épisodes émotionnels) et serait stockée dans la mémoire épisodique.

Dans le modèle de Construction-Intégration (Kintsch, 1988, 1998), Kintsch va encore plus loin et démontre la nécessité de prendre en considération les émotions ressenties par le lecteur. En effet, en situation de lecture, les réponses émotives du lecteur peuvent être très intenses et devenir alors plus importantes que le contenu même du texte. Kintsch conclut que l’information textuelle est susceptible d’intervenir sur les ressentis émotionnels du lecteur et qu’en fonction des propositions utilisées dans un texte, des émotions positives ou négatives peuvent apparaître modifiant l’intégration du texte. Par exemple, dans la situation où les gens doivent résoudre un problème en choisissant entre deux issues textuelles, l’une positive et l’autre négative, il a alors observé que l’issue qui renvoit à des informations plutôt positives a été fortement activée par les lecteurs tandis que celle qui était reliée à des informations plutôt négatives était inhibée et devenait moins accessible. La validité de ces prédictions a été empiriquement confirmée et renforce l'idée que la valence liée à l'information joue un rôle important dans l’orientation de l’individu en compréhension de textes. Nous reviendrons ultérieurement sur cette hypothèse de l’intervention de la valence émotionnelle à travers diverses expériences.