4.1.2.5. Discussion générale

L’objectif de cette expérience était d’étudier l’influence de la connotation émotionnelle de l’information sur le processus de compréhension. Les principaux résultats obtenus sur les temps de lecture et sur les temps de reconnaissance par rapport à l’effet de la valence émotionnelle indiquent que la valence émotionnelle négative, cohérente avec la thématique générale de «L’Erika» ralentit le traitement du sujet par rapport à la valence émotionnelle positive. Nous attendions que les informations négatives, cohérente avec la thématique générale soient mieux traitées par les individus or ce résultat est contraire à notre prédiction. Si ce facteur avait été significatif pour les pourcentages de réponses correctes à l’épreuve de reconnaissance, il aurait été possible pour nous de dire qu’il y a un ralentissement du traitement mais que ce processus se met en place pour favoriser un meilleur encodage en mémoire à long terme.

Sur ce seul résultat, nous ne pouvons que nous rattacher aux faits que l’intensité affective négative se manifeste plus nettement que l’intensité affective positive. Le dispositif de traitement mis en place par le sujet est plus particulièrement sensible aux informations textuelles dont la tonalité affective est intense.

Un autre résultat important démontre que la probabilité de reconnaissance d’une proposition ou d’un énoncé semble varier en fonction directe de son importance relative puisque comme nous l’attendions, les énoncés macrostructuraux sont reconnus plus rapidement que les énoncés microstructuraux.

De plus, cette importance de l’information interagit avec la valence émotionnelle. Les énoncés importants macrostructuraux sont mieux reconnus que ceux issus de la microstructure pour les énoncés à valence émotionnelle négative (temps de reconnaissance plus courts et proportion de réponses correctes supérieures). Le pattern inverse de résultat est observé pour les énoncés à valence émotionnelle positive.

D’après ce résultat, et en lien avec les travaux de Martins (1982), il y a bien une interaction entre les informations affectives et leur importance relative. Les données de cette expérience montrent que les situations de traitement requièrent de prendre en considération les facteurs affectifs qui agissent en parallèle et de manière interactive avec l’importance relative accordée. Les sujets semblent avoir associés les informations connotées négativement avec la macrostructure et les informations connotées positivement avec la microstructure. Comment expliquer le fait que ce soit les informations négatives qui aient été le mieux reconnues pour la macrostructure et les informations positives pour la microstructure?

Nous avons vu un premier résultat apparaître dans lequel le sujet accorde plus d’importance aux énoncés issus de la macrostructure par rapport à ceux de la microstructure. De plus, l’intensité affective de l’information intervient. Il est raisonnable de penser que des faits dramatiques sont activement traités et mémorisés, dans la mesure où ils sont associés à des valeurs d’intérêt absolu.

Les informations négatives sont toujours plus prenantes que les informations positives. Le sujet a donc associé l’information la plus intensément affective avec l’importance relative accordée.

Dans cette expérience, nous avons pu également montrer qu’une induction émotionnelle positive a tendance à donner lieu à des temps de reconnaissance plus longs qu’une induction émotionnelle négative. Ce résultat est conforme à notre prédiction et va dans le sens des travaux de Bower, Guilligan & Monteiro (1981), Perrig & Perrig (1988). L’état émotionnel induit chez le sujet a un effet sur les performances des individus. Cet effet se révèle sur les ressources attentionnelles allouées au cours de la lecture. Or, il s’agit ici, des temps de reconnaissance et non pas des temps de lecture. L’information visionnée dans l’épreuve de reconnaissance a déjà fait l’objet d’une première lecture sous une autre forme. Il est donc possible d’affirmer que cet effet se révèle uniquement sur une relecture de l’information et pas lorsque l’information est nouvelle.

Par ailleurs, l’induction rentre en interaction avec la valence émotionnelle de l’information. Bower, Guilligan et Monteiro en 1981 et Perrig et Perrig en 1988, avaient souligné un effet de facilitation du traitement dans le cas d’une congruence entre la valence des informations et celle de l’induction. Dans cette expérience, les sujets induits négativement ont eu plus de facilité à lire les informations positives plutôt que négatives. D’après ce résultat, il semble que la congruence entre l’état émotionnel induit du sujet et la connotation affective du texte a ralentit la vitesse de lecture des informations négatives, tandis qu’elle a favorisé un traitement plus rapide des informations positives. Cependant, un effet de congruence facilitateur se révèle sur les temps de reconnaissance des énoncés pour une induction positive associée à la valence émotionnelle positive des énoncés.

En référence à l’hypothèse sur l’effet de l’induction en lien avec l’introduction, les résultats montrent une interaction entre l’induction émotionnelle par les images et l’introduction pour une introduction négative. Dans le cas où la connotation de l’introduction est congruente avec celle de l’induction, les temps de reconnaissance sont meilleurs. Ce résultat montre que la connotation émotionnelle de l’introduction du texte renforce l’effet de l’état émotionnel induit chez le sujet.

L’utilisation d’information imagée pour orienter l’activité cognitive du sujet est efficace mais également, les résultats précédents prouvent qu’un renforcement par le texte peut également influencer le traitement.

Les résultats de cette expérience indiquent également que les énoncés issus de la macrostructure ont été mieux reconnus par les sujets assignés à la lecture d’une introduction négative, que ceux assignés à la lecture d’une introduction positive. Il semble à nouveau que les sujets rattachent automatiquement les informations négatives à la macrostructure. Ceci révèle encore une fois que les sujets tiennent compte véritablement des caractéristiques cognitives qui concernent la signification globale du texte. En effet, la hiérarchie atteint non seulement l’ensemble des propositions du texte au niveau de la valence émotionnelle mais également au niveau d’un petit groupe de propositions qui constitue l’introduction. De plus, les énoncés à valence négative ont été mieux reconnus par les sujets assignés à la lecture d’une introduction négative. L’introduction négative oriente le sujet vers l’information négative. Ainsi donc, d’après ce résultat, il semble que l’introduction d’un texte exerce un effet sur l’orientation cognitive du sujet au niveau de la valence émotionnelle de l’information.

Comme nous l’avons indiqué précédemment, de nombreux travaux ont montré que lors de la lecture d’un texte, les sujets construisent différents niveaux de représentation du texte. Dans cette expérience, les sujets ont réussi à construire un modèle de situation approprié et ne se sont pas attachés à la structure de surface qui est devenue rapidement moins accessible que les autres niveaux de représentation. Ces résultats vont bien dans le sens de ceux observés par Kintsch et van Dijk en 1983, Tapiero en 1992 et Fletcher et Chrysler en 1990, qui ont montré que les traces de la structure de surface deviennent rapidement moins accessibles par rapport à celles de la base de texte. Le modèle de situation, quant à lui, conserve des valeurs relativement élevées. Le fait que les énoncés originaux soient moins bien reconnus que les distracteurs et les inférences montre véritablement que les sujets ont fait appel à leurs connaissances personnelles. Il est possible de supposer que comme le naufrage de l’Erika est un thème d’actualité, les sujets possèdent de nombreuses connaissances sur ce thème, ce qui explique qu’ils ne se soient pas attachés à la structure de surface et aient construit un modèle de situation solide.

Un autre résultat sur lequel nous portons notre intérêt est celui qui concerne l’effet de niveau en lien avec les types d’énoncés à reconnaître. Les différences majeures se situent entre les VSP et les VSS. Nous n’avions pas formulé de prédictions particulières quant à cet effet mais il apparaît que les énoncés VSS et VSP sont les plus sensibles à l’effet de l’importance relative de l’information. Ce sont les énoncés importants macrotructuraux qui sont plus rapidement reconnus et ceci s’applique davantage pour les VSS et les VSP. Différents travaux ont démontré que la structure de surface devient rapidement moins accessible. Dans cette expérience, ces résultats sont répliqués et prouvent que le sujet ne conserve en mémoire que les énoncés VSS macrostructuraux.

De plus, les principaux résultats obtenus quand à l’influence de la valence sur ces énoncés démontrent que les énoncés sont plus rapidement reconnus quand ils ont une valence émotionnelle positive plutôt que négative, ce qui rejoint les effets du facteur simple Valence, sauf pour les énoncés VSS où il n’y a pas de différence. Il apparaît également que les énoncés originaux sont mieux reconnus quand ils ont une valence émotionnelle positive plutôt que négative alors que les énoncés distracteurs et VSS sont mieux reconnus quand ils ont une valence émotionnelle négative.

Nous n’avions pas de différence pour les VSS sur les temps de reconnaissance, cependant, comme elles ont de la difficulté à être traités, il est normale que ce soit simplement celles qui sont les plus saillantes (i.e négatives) qui soient mieux intégrées.

Ainsi, tout comme leur importance relative, les sujets ont retenu l’aspect le plus marquant des VSS qui est en fait leur valence négative, ce qui pourrait expliquer le résultat précédent.

Le sujet ayant accordé plus d’attention aux informations négatives, et les distracteurs s’éloignant véritablement du texte, il est normal que dans l’épreuve de reconnaissance, les distracteurs négatifs soient mieux traités par le sujet.

Les énoncés Distracteur sont plus rapidement reconnus quand ils ont une valence émotionnelle positive, ce qui veut dire que le sujet passe moins de temps à les traiter. Il est donc normal que pour la proportion de réponses correctes, ces énoncés Distracteur à valence émotionnelle positive soient moins bien reconnus que les énoncés Distracteur à valence émotionnelle négative.