4.2. Expérience 2: objectif principal

Les résultats obtenus dans l’expérience précédente semblent indiquer que l’émotion intervient dans le processus de compréhension et qu’elle est capable de guider la manière dont les individus vont traiter l’information textuelle.

La première expérience a montré en lien avec les travaux de Martins (1982;1984; 1993) qu’il y a eu association de la valence émotionnelle de l’information avec le niveau d’importance.

Pour renforcer les résultats que nous avons déjà recueillis, nous nous attacherons dans cette deuxième expérience à analyser l’effet d’informations importantes en relation avec leur intensité affective au moyen d’informations macrostructurales connotées différemment (positive vs négative).

Deux types de textes, portant sur la même thématique que celle utilisée dans l’expérience 1 (le naufrage du pétrolier Erika) seront comparés, l’un ayant une connotation macrostructurale positive et l’autre ayant une connotation macrostructurale négative.

L’intérêt majeur de cette expérience et son apport par rapport à l’expérience précédente est d’observer si le fait de manipuler la force émotionnelle des concepts (utilisation de mots affectivements chargés) contenus dans les deux textes macrostructuraux positifs et négatifs, peut favoriser l’élaboration d’une représentation cohérente et l’intégration de ces mêmes informations (voir Legros, 1989). Le texte utilisé par Legros contenait une dimension dramatique importante et était plutôt négatif. Nous avons choisi de reprendre la thématique utilisée dans l’expérience 1 à savoir le naufrage du pétrolier Erika afin d’observer si le fait de renforcer l’émotion contenu dans ce type de texte par l’intermédiaire des concepts pouvait engendrer des modifications de la représentation élaborée.

La connotation émotionnelle macrostructurale intervient sur la mise en place des différents niveaux de représentations mais il est important d’analyser plus précisémment le modèle de situation qui montre véritablement la représentation du texte que s’est formée le lecteur.

C’est pourquoi, nous nous intéressons cette fois-ci à une analyse plus précise du modèle de situation élaborée en utilisant une épreuve inférentielle.

De plus, l’état émotionnel du sujet est un facteur à prendre en considération puisque cet état intervient sur l’élaboration de la représentation. Or, dans la première expérience, nous avons analysé l’effet d’une induction émotionnelle négative en utilisant des images portants sur la thématique de l’Erika et des images positives plus éloignées de la thématique du naufrage. Nous avons voulu rajouter ici une troisième condition d’induction, à savoir une induction avec des images positives mais cette fois-ci reliées à la thématique de l’Erika. Ainsi, dans cette expérience, les images positives utilisées dans l’expérience 1 sont considérées comme étant neutres.

Enfin, la représentation élaborée n’est analysée qu’en fin du processus de lecture. Pourtant, cette représentation construite en fin de lecture est censée être modifiée chaque fois que le lecteur comprend de nouvelles informations. Au fur et à mesure où il avance dans le texte, sa représentation peut être mise à jour grâce aux connaissances qu’il possède, c’est pourquoi nous nous attacherons à observer le décours temporel de la représentation afin de voir la façon dont elle évolue lorsqu’il y a intégration d’informations émotionnelles spécifiques.

En référence aux travaux de Martins (1982; 1984; 1993), nous attendons premièrement une différence dans l’accès aux informations de la macrostructure en fonction de leur connotation (positive ou négative) qui ne devrait pas permettre la même accessibilité aux informations textuelles.

La représentation textuelle que le lecteur commence à se former lorsque l’on parle de la thématique de l’Erika est plutôt négative. Le lecteur préactive ainsi un ensemble d’informations en lien avec cette thématique. Nous supposons ainsi qu’un texte avec une macrostructure négative sera traité avec plus de facilité par l’individu qu’un texte avec une macrostructure positive.

Deuxièmement nous attendons un effet de la connotation émotionnelle de la macrostructure sur le cours temporel de la représentation.

Nous supposons que dans le cas de la macrostructure négative, cohérente avec la représentation du lecteur, un effet facilitateur devrait être observé et devrait perdurer dans le temps.

Pour la macrostructure positive, les informations que le lecteur découvre sont incohérentes par rapport à sa représentation, nous pensons donc qu’un effet pertubateur devrait se révéler dès les premières étapes du traitement mais qu’il devrait s’atténuer dans le temps. Troisièmement, nous attendons également un effet de la force émotionnelle des concepts sur l’élaboration de la représentation finale du lecteur. En référence aux travaux de Legros (1989), nous supposons que d’une façon générale, des informations fortement affectives seront traitées avec plus de facilité par les individus comparativement à des informations faiblement affectives.

Cette force émotionnelle (forte vs faible) devrait avoir des conséquences différentes sur la représentation construite en fonction de la connotation émotionnelle macrostructurale de l’information (positive vs négative).

Dans le cas de la macrostructure négative, cohérente avec la représentation du lecteur, un effet facilitateur devrait être observé mais seulement dans le cas où les informations sont faiblement connotée émotionnellement. Lorsque le texte est trop fortement connoté émotionnellement, un effet perturbateur devrait apparaître du à une accumulation trop importante d’informations négatives.

Pour la macrostructure positive, le lecteur s’attendant à visionner des informations plutôt négatives, nous pensons donc qu’un effet pertubateur devrait apparaître lorsque le texte est faiblement connoté émotionnellement et que cet effet pertubateur est encore plus important lorsque le texte est fortement connoté positivement.

Cette force émotionnelle devrait également intervenir différemment en fonction de la connotation émotionnelle de la macrostructure mais également sur le cours temporel de la représentation.

Nous avons prédit un effet facilitateur pour le traitement d’une macrostructure négative faiblement connotée, cet effet facilitateur devrait perdurer dans le temps.

Pour une macrostructure négative fortement connotée, l’effet pertubateur prédit devrait se révéler plus particulièrement en fin de traitement car le lecteur rencontre de plus en plus d’informations négatives au fur et à mesure où il progresse dans le texte.

En ce qui concerne la macrostructure positive, nous attendons un effet pertubateur important avec un texte fortement connoté émotionnellement et qui interviendra sur l’ensemble du décours temporel de la représentation. Avec une macrostructure positive faiblement connoté, cet effet pertubateur devrait s’atténuer, le lecteur s’habituant progressivement à rencontrer des informations non cohérentes avec sa représentation initiale.

Enfin, concernant l’influence d’un état émotionnel, nous supposons qu’un état émotionnel négatif devrait faciliter le traitement du sujet en référence aux résultats que nous avons observé dans l’expérience précédente. De même, une induction positive devrait faciliter le traitement par rapport à une induction neutre.

Nous cherchons également à montrer un effet de congruence émotionnelle selon la théorie de Bower (1981). Même si dans l’expérience 1, nous avons vu qu’un effet de congruence facilitateur apparaissait uniquement pour l’induction positive, nous voulons continuer à observer cet effet en prouvant qu’une congruence entre la connotation de la macrostructure et l’induction émotionnelle facilite les performances des sujets.

Une induction émotionnelle négative facilitera le traitement du sujet sur les informations macrostructurales négatives. Une induction émotionnelle positive facilitera le traitement sur des informations macrostructurales positives.

De plus, nous attendons un effet de l’induction sur le cours temporel de la représentation en fonction de la connotation émotionnelle de la macrostructure.

Une induction émotionnelle négative, cohérente avec la représentation du lecteur devrait avoir un effet facilitateur sur l’ensemble de la représentation pour les textes dont la macrostructure est négative. En revanche, une induction émotionnelle positive, incohérente avec la représentation initiale, ne sera pas suffisamment puissante et ne devrait intervenir que sur les premières étapes du traitement pour les textes dont la macrostructure est positive.