2.2.3. Nouveaux traitement des expressions littérales

Pour comprendre les écritures symboliques de l’algèbre, notamment du calcul littéral, nous reprenons le point de vue de Drouhard, 1992. Il défend l’idée qu’on ne peut pas parler de la signification des expressions algébriques en faisant l’impasse sur leur syntaxe. Pour lui,

‘"comprendre ces écriture revient donc à prendre en compte ensemble leur syntaxe 23 (ou conventions) leur dénotation 24 (ou référence), leur sens 25 et leur interprétation 26 ". ’

Pour définir ces concepts, Drouhard reprend les travaux de Frege, 1971.

Le choix des transformations et procédures applicables à des expressions littérales en fonction de la tâche à réaliser dépend de leur sens. Par exemple, les expressions (x-1)2 et x2-2x+1 ont la même dénotation. Par contre, les informations données par les écritures sont différentes et en particulier les transformations formelles, qui leur sont applicables, sont distinctes.

D’ailleurs, Drouhard, 1992 montre que les élèves font les calculs en s’appuyant d’avantage sur la forme de l’expression que sur le sens :

‘"De notre enquête il ressort donc que pour un certain nombre d’élèves, la tâche de mise sous forme canonique (ou sans parenthèses) apparaît comme prioritaire par rapport à la tâche d’effectuation ou, ce qui revient au même, que seules les expressions canoniques sont susceptibles d’être évaluées. Ce qui est intéressant ici, c’est qu’on a une étape intermédiaire sur le chemin qui conduit progressivement les élèves à perdre le « sens » des expressions (mêmes numériques) qu’ils manipulent. Alors que dans le premier degré toute expression, même parenthésée, a une valeur numérique (c’est le but du calcul arithmétique que de découvrir cette valeur), on voit ici des élèves pour lesquelles les expressions parenthésées ne peuvent être évaluées directement : seules les expressions non parenthésés ont une valeur calculable." (pp. 263-264) ’

D’autres recherches, comme celle de Sackur et al., 1997 font le lien entre les pratiques des professeurs et les difficultés des élèves. Ils tentent de donner une explication en termes de sens et de dénotation, aux erreurs des élèves en calcul littéral, en montrant l’approche classique de correction "tester par un nombre" effectuée par les professeurs. Ils expliquent que le professeur qui tente d’avancer l’argument : si a est égale à 2 et b égale à 3, alors (a+b)2 vaut 25 tandis que a2+b2 vaut 13, n’est guère convaincant pour les élèves qui ont fait cette erreur car l’algèbre apparaît comme une affaire de règles :

‘"Peu leur importe que (a+b)2 soit égale à 25 ou à 13 ou à n’importe quelle autre valeur : pour eux, la valeur des expressions n’est pas un critère pertinent. (…) En plus du concept de carré lui-même et de la situation, ils ont besoin de savoir que la valeur de carré doit rester la même pendant son développement. A plus forte raison, ils ne peuvent pas savoir que cette dénotation est conservée par les transformations. Or il est très difficile de discuter de cela avec eux. Quand le professeur n’est pas d’accord avec la transformation : (a+b)2=a2+b2 parce qu’elle ne conserve pas la dénotation, ils pensent que c’est seulement parce que le professeur préfère une autre règle (de transformation) qui serait par exemple : (a+b)2=a2+2ab+b2. Même l’interprétation numérique proposée par le professeur n’est pas pertinente pour eux, s’ils ignorent que les transformations sont censées conserver la dénotation. Pour eux, les procédures étant différentes, les résultats le sont évidemment aussi. Que la même expression puisse à l’issue de deux transformations différentes, donner des valeurs différentes, ne leur apparaît pas comme une contradiction."’

Enfin, nous sommes d’accord avec Sackur et al., 1997, qui disent que les calculs algébriques deviennent vite très répétitifs et les élèves finissent par appliquer simplement par conformité des règles syntaxique, ignorant la dénotation et la dimension de compréhension.

Notes
23.

"Les conventions d’écritures voir les implicites liées à l’écriture des expressions algébriques, par exemple, les trois fonctions du point multiplicatif, le rôle des parenthèses, la non présence de la constante multplicatif 1." (Grugeon, 1995)

24.

"Neil Armstrong et le premier homme sur la Lune ont le même dénoté : l’homme nommé Neil Armstrong. Toutefois, ces deux phrases n’ont pas le même sens : le seconde phrase insiste sur ce qu’il a fait, tandis que la première souligne son patronyme. Par exemple le nombre 2 a plusieurs écritures 4/2, (1+1), √4 réfèrent un même nombre." (Sackur et al., 1997)

25.

le sens d’une écriture nous permet de savoir comment elle est faite, comment on peut la calculer ; il permet également d’avoir des informations sur ce qu’on peut en faire (telle forme est factorisable, telle autre est développable, etc.) Deux expressions n’ont pas le même sens si elles ne relèvent pas du même domaine de description.

26.

"Tout objet qui correspond à la dénotation d’une expression dans un cadre (dans le sens qui lui donne Douady, 1984) donné. Par exemple, l’expression 2x-3 a pour interprétation dans le cadre des fonctions de R dans R la fonction x→2x-3. " (Grugeon, 1995)