Le savoir relatif au calcul littéral

Nous avons étudié les programmes officiels du collège en France et au Liban. Un résultat important de cette étude est d’avoir pointé les effets d’un découpage du programme français dans lequel la propriété de distributivité de la multiplication, qui semble être l’élément théorique fondamental du calcul littéral, est introduite d’une part, à la suite du calcul numérique (ce qui pose des problèmes sur les continuités et ruptures entre arithmétique et algèbre) et d’autre part, séparée des thèmes comme le développement et la factorisation des expressions littérales qui sont travaillées dans les années ultérieures. Or ce découpage semble être une explication importante au fait que les éléments théoriques sont "oubliés" et ne sont pas repris dans les manuels et par certains professeurs notamment dans le type de tâches "réduire une expression littérale".

En ce qui concerne le Liban, même si la situation est un peu différente puisque le développement et la factorisation sont enseignés la même année, en classe de cinquième (alors qu’en France le développement apparaît en quatrième tandis que la factorisation est enseignée dans la classe de troisième), il y a également un déficit d’éléments technologico théoriques pour les élèves car il semble que les professeurs utilisent des éléments théoriques relevant de l’algèbre des polynômes qui n’est pas enseignée.

Mais, dans un cas comme dans l’autre, nous avons montré que les définitions proposées étaient fondées sur le sens commun, que les explications données au moment des corrections pouvaient l’être également, qu’il y avait une forte utilisation des ostensifs et que, donc les élèves n’avaient pas de moyens de contrôle de leurs résultats.

L’étude faite dans les manuels mathématiques, nous a permis de montrer que le chapitre "Calcul littéral" apparaît seul, séparé de celui traitant les équations et que les tâches proposées sont travaillées sans aucune finalité que le calcul en lui–même. Ainsi le développement ou la factorisation des expressions littérales apparaissent comme des objets et non des outils pour réaliser d’autres types de tâches. Les organisations mathématiques des séances de classe observées chez les quatre professeurs montrent un découpage des séances en de multiples tâches relevant d’un ou deux types et un nombre important de phases de correction. Ceci nous semble être une caractéristique de ce chapitre.

De plus, dans ce chapitre, nous avons déterminé une centration forte sur deux types de tâches : "développer et/ou réduire une expression littérale" qui sont définies différemment d’un manuel à un autre. Ce dernier résultat nous a conduit à faire un détour par rapport à notre projet de recherche en étudiant l’utilisation de ces termes dans les manuels mathématiques, par les professeurs et les élèves.

Nous avons constaté que ces termes sont souvent employés avec leur sens de la vie courante (réduire c’est diminuer ou ramener à un état plus simple) et sont peu reliés à des éléments théoriques. Nous avons montré qu’un même type de tâche (du point de vue du savoir mathématique) pouvait être référé par des mots de consigne différents (développer, supprimer les parenthèses, réduire, simplifier) suivant la forme de l’expression littérale. D’où la difficulté des élèves pour connaître et identifier ces types de tâches en se basant sur la propriété de la distributivité de la multiplication sur l’addition. Là encore, il semble bien que la propriété de distributivité de la multiplication sur l’addition dans l’ensemble des réels, n’est pas suffisamment mis en avant dans les manuels (de plus, il y a variété de formulations) et dans les pratiques des professeurs comme un élément qui permet de réaliser les tâches et de contrôler.