Sur la comparaison entre la France et la Chine

Tout au long de notre travail, nous allons comparer des réalités françaises et des réalités chinoises dans le domaine de la publicité : différences et ressemblances ne sont compréhensibles que par les différences historiques et politiques au moment où apparaît et se développe la publicité d’une part et, d’autre part par deux visions traditionnelles du monde et de l’homme, de la place de l’homme dans le monde et des relations sociales que les hommes entretiennent entre eux.

Si dès le début de la longue époque impériale, des formes élémentaires de publicité sont attestées comme nous le montrerons, c’est que la Chine a toujours été un pays de commerce et ce, quasiment depuis ses origines. A l’époque Tang, entre 618 et 907, une ville comme Chang-An (actuellement Xi’an) compte plus de deux millions d’habitants et est probablement le plus grand centre commercial du monde de cette époque. Il n’est pas étonnant d’y voir se développer les premières formes de publicité. Nous verrons que pendant des siècles, il existe en Chine une forme de publicité qui n’est pas si éloignée de ce que connaîtra l’Europe au moment de son développement industriel. Avec bien sûr des logiques différentes dans la manière d’attirer le chaland, de susciter le désir d’achat, de vanter la qualité d’un produit. Une des différences majeures entre l’Occident et la Chine résidant, par exemple, dans le fait que, dès l’époque de la dynastie Ming, et par la suite pendant la dynastie Qing, ce qui confère de la valeur à une marchandise ou à un commerce est la qualité et la valeur de celui qui rédige la publicité. Très tôt les Lettrés ont participé activement à la production d’affiches, d’enseignes, de pancartes, de tracts publicitaires et, plutôt que de vanter tel ou tel produit, la calligraphie d’un poème signé par un auteur connu suffisait à asseoir la réputation du commerce et a attirer les acheteurs. La logique de ce système suit à peu près la formule suivante « si le poète X écrit un poème pour le commerce Z ou pour le tract du produit Y, c’est que ce produit ou ce commerce est de première qualité, d’une qualité exceptionnelle qui fera de moi, l’acheteur une sorte de disciple, de connaisseur du poète X ». Bien entendu, nous trouverons, tout au cours de note travail, des traces de cette logique ancienne.

L’autre grande différence de base entre les logiques publicitaires de la Chine et de la France, réside dans le terreau historique à partir des années cinquante. Le régime communiste a fait glisser la logique publicitaire classique vers une logique depropagande 11 . C’est ce passage de la publicité à la propagande qui a transformé les événements tumultueux de l’histoire récente de la Chine en autant « d’objets » à « vendre ». Aujourd’hui, la publicité chinoise s’est affranchie de la logique propagandiste ou plus exactement, comme nous le verrons, fait bien souvent une synthèse entre la forme propagande et la forme publicité (notamment dans les campagnes dites d’intérêt public).

Une des autres différences de logiques entre la France et la Chine est celle qui découle de manière évidente de la différence entre les écritures chinoise et alphabétique, différence qui organise chacune à sa manière des systèmes de pensée propres, notamment dans la notion d’image et dans le rapport entre l’écrit et le figuré.

Par contraste, la publicité française échappe – au moins en apparence – à la logique de la propagande. En second lieu, peut-être un des points majeurs de différenciation, est que, à notre avis, le système de communication publicitaire français est structuré par l’individualisme, par le sujet en tant qu’individu se réalisant de manière autonome et libre : « vous être libre de devenir ceci ou cela par le biais de tel ou tel produit », alors que la publicité chinoise est fondée sur une approche plus collective de l’identité .

Sur le plan plastique, les deux logiques usent, bien sûr, des valeurs culturelles qui leur sont propres aussi bien pour la symbolique des couleurs, que pour la mise en scène des images, la représentation des « intuitions », des non-dits, des implicites.

Notes
11.

A partir de la fondation de la République Populaire de Chine, la propagande incita le peuple à s’engager dans une forme atténuée de communisme avec pour objectif de dépasser le Royaume-Uni avant quinze ans dans la production des principaux secteurs industriels.