En France, durant tout le premier quart du XIXe siècle, il est impossible de trouver la trace de la publicité dans la presse. Dans les années 1825-1830, tout change brusquement. Lié à son industrialisation, le mouvement de la libéralisation de la presse entraîne sa diversification et sa spécialisation. La publicité lui fournit une grande part de ses recettes et occupe de plus en plus d’espace. Les courtiers en publicité sont apparus en France à ce moment là. De plus, des mesures fiscales très sévères envers la presse donnent à la publicité de plus en plus d’importance pour l’équilibre financier des journaux. Emile de Girardin, véritable précurseur de la publicité moderne, a compris le premier que le principal frein au développement de la grande presse était le coût élevé de l’abonnement. Il lui apparaît nécessaire de faire de l’insertion publicitaire payante dans son journal des Connaissances utiles, feuille mensuelle. Le 1er juillet 1836, Girardin lance La Presse, quotidien dont le prix de l’abonnement est fixé à la moitié de celui des autres journaux. Bientôt La Presse compte 10 000 abonnés pour atteindre ensuite 60 000, ce qui est énorme compte tenu de l’époque. Le journal fait une grande place à la publicité, notamment aux annonces. Ces premières annonces concernent surtout des ventes d’immeubles et des affaires financières. Par la suite, Charles Duveyrier ouvre à Paris des bureaux chargés de regrouper les annonces et a intégré sous contrat la publicité dans trois grands quotidiens de l’époque : Les Débats, Le Constitutionnel et La Presse 15 . Les premières agences de publicité se créées : Charles-Louis Havas crée l’agence qui porte son nom en 1835. Son rôle est d’abord de collecter des ordres pour les journaux. Peu à peu, l’agent de publicité devient plus indépendant. Il traite avec les supports pour son propre compte et devient un courtier. Cette évolution de la presse et de la publicité qui lui de plus en plus liée résulte du développement urbain lié à l’industrialisation rapide qui attire de la main-d’œuvre de la campagne vers les villes. Cette montée en puissance des villes industrielles va de paire avec la politique de scolarisation qui, elle monte aussi en puissance (scolariser est une manière de former des citoyens, de stabiliser les nouvelles classes urbaines et surtout de permettre l’intercompréhension entre des groupes qui parlent leur langue locale et, pour la plupart ne savent pas ou savent peu de français). La concentration urbaine liée à la maîtrise de la lecture du français par le plus grand nombre a formé un public potentiel de lecteurs en grand nombre pour les nouveaux journaux à grand tirage.
Le caractère et les formes de l’annonce évoluent rapidement au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle ; en même temps, les enseignes sont progressivement remplacées par des tableaux appliqués contre les murs, ancêtres de l’affiche moderne. Après la guerre de 1870, les modes de production et de consommation sont de plus en plus soutenus par la publicité. Pour les peintres et les illustrateurs, l’affiche est un nouveau moyen d’expression qui permet de toucher facilement les masses et de renforcer les liens entre l’art et l’industrie. Jules Chéret perfectionne la technique de la lithographie afin d’améliorer l’impression en couleur et en grand format qui représente l’affiche moderne et qui permettra, onze ans plus à Toulouse-Lautrec de produire sa première affiche, « La Goulue » pour le Moulin-Rouge. Mais l’affiche n’est pas seule. En 1880, le chocolatier Suchard ajoute des images à ses tablettes de chocolat et inaugure la politique qui incite les enfants à faire collection de ces images, une manière de fidéliser le client.
Au cours de la première guerre mondiale, les affiches sont envisagées plutôt comme des instruments de propagande destinée aux civils ou comme message d’encouragement à la solidarité avec les troupes du front, et ont participé massivement à la mobilisation des ressources humaines et financières du pays. C’était le moment historique où la publicité, comme forme de propagande, s’oriente pour la première fois vers la politique.
En 1922, la première radio française (Poste de la Tour Eiffel) naît officiellement, bientôt suivie par d’autres. Les stations de radio commencent très vite à diffuser des annonces parlées. A partir des années trente, l’affiche se renouvelle pour participer au lancement du secteur touristique et la publicité apparaît aussi pour le cinéma, le théâtre ou les expositions. Des publicitaires comme Francis Elvinger, Max Néama, fondent de grandes agences publicitaires. Marcel Bleustein – Blanchet, juste âgé de vingt ans, crée en 1926 Publicis 16 , à une époque où la publicité porte encore le nom de réclame. Le premier slogan est conçu pour l’entreprise André (le chasseur sachant chausser), préfigure la communication publicitaire de masse.
Pendant la deuxième guerre mondiale, l’occupation allemande a complètement perturbé les activités commerciales en France ; il est difficile de trouver de la publicité commerciale, du fait de l’économie de guerre et des priorités pour l’armement. Si nous voulons parler de la publicité à cette époque, c’était plutôt de la propagande pour ou contre le régime de Vichy et les Allemands. Les techniques publicitaires sont alors au service de la propagande. Dans le même temps, se développe ce qu’on appelle la guerre des ondes et la radio devient une nouvelle arme largement utilisée par le général de Gaulle, les Alliés, mais aussi par les Allemands.
Après la deuxième guerre mondiale, dans un pays aux trois quarts détruit et exsangue financièrement, la presse n’a d’autre recours que de se tourner vers la publicité ou vers les aides de l’Etat. La publicité dans la presse représente 67% du chiffre d’affaire de la presse en 1950, 42% en 1970 17 et 43,2% en 1988. La nécessité de la manne publicitaire, malgré tout réduite, est un des facteurs de la concentration actuelle de la presse.
Au début des années cinquante,la reconstruction et l’expansion industrielles s’accélèrent en France, en partie grâce au plan Marshall ; de nouveaux produits, une nouvelle iconographie et un nouveau style graphique apparaissent, dont la plus marquant est la pin-up, même s’il en réalité anecdotique. Au début des années soixante, les publicitaires commencent à utiliser les résultats des travaux des sciences humaines (sociologie, psychologie, linguistique) pour les formes de la communication et en jouent dans la publicité. Parallèlement, les mêmes sciences humaines prennent la publicité comme objet d’étude. L’apport le plus marquant fut celui de Roland Barthes et de la revue « Communications », qui marquèrent l’époque.
A partir de 1968, la publicité française va conquérir un nouveau terrain d’action : la télévision. La première chaîne de télévision diffuse de la publicité (décret du 1er octobre 1968 autorisant la publicité de marque à la télévision). L’apparition de ce nouveau média entraîne des modifications brutales des budgets publicitaires au détriment de la presse.
La « publicité politique », quant à elle apparaît en particulier à l’occasion de l’élection présidentielle de 1965 qui est la première élection présidentielle au suffrage universel direct. Les hommes politiques doivent maintenant se faire connaître du plus grand nombre et communiquer leurs programmes à l’échelon national et non plus seulement local.
Dans les années soixante-dix, la publicité est présente sur de très nombreux supports (télévision, radio, presse, affichage, cinéma, publicité sur le lieu de vente) ; elle est devenue un facteur déterminant dans la stratégie des entreprises, alors que la société de consommation est en phase d’expansion. Entre les années cinquante et soixante-dix, les dépenses publicitaires sont multipliées par cinq.
Entre 1970 et aujourd’hui
Pendant cette période, la publicité connaît plusieurs caractéristiques.
G. Weill, Le journal, Paris, Albin Michel, 1934, p.209 in David Victoroff, Psychologie de la publicité, France, P.U.F., 1970, p. 22.
Aujourd’hui, Publicis groupe est le 4ème groupe mondial de communication et le 2ème groupe mondial de conseil et achat média, avec une présence dans 104 pays sur les 5 continents et près de 40 000 collaborateurs.
Réjane Bargiel, 150 ans de publicité, Paris, Unions centrale des arts décoratifs, 2004, p. 88.