En premier lieu, il est important de rappeler que la publicité comme les arts plastiques est faite pour être vue. Il est donc normal qu’elle suive leurs méthodes, leurs logiques et leurs structures. La publicité murale en particulier se modèle sur le rôle culturel et communicationnel de la peinture.
En outre, si les publicités, tant françaises que chinoises, mêlent images et textes, ces modes d’expression n’ont ni le même sens ni les mêmes implications dans les deux cultures.
Parmi les arts plastiques, nous avons choisi la peinture comme domaine d’emprunt de la publicité. Une des spécificités de la peinture réside dans le fait que les artistes ont composé des œuvres conformes à l’identité et aux sentiments dominants de leur culture et de leur époque. Il est donc naturel que la publicité moderne s’en inspire.
La publicité française, dès le XIXe siècle, s’est emparée de la peinture et des peintres comme Henri de Toulouse-Lautrec ont aussi été des affichistes.
En Chine, les peintures de paysage, de personnages, de fleurs, d'oiseaux et d'insectes font partie d’une tradition « réaliste » et édifiante depuis des siècles. La peinture chinoise ne se limite pas à représenter un objet, elle doit être capable, pour être appréciée, de diffuser, selon les principes de Confucius, un ensemble de valeurs et une morale gouvernant les relations humaines et les relations de l’homme avec la nature.
Si, aujourd’hui, on a plutôt recours à la photographie et à l’infographie dans la création publicitaire, il n’en reste pas moins que la peinture continue à jouer son rôle.
Levi’s
La marque de blue-jean Levi’s représente une jeune femme sosie de « La Source », célèbre tableau de Jean Dominique Ingres (1780-1867). Dans le tableau original, Ingres peint une jeune fille tenant sur son épaule une cruche renversée, en s’inspirant de la statuaire antique et en reprenant les grandes lignes de la Vénus Anadyomène. Le sujet allégorique sert de prétexte au peintre pour peindre son idéal de beauté. La luminosité de la chair qui se détache sur le rocher du fond est obtenue par une peinture sans modelé, réduisant au minimum les zones ombrées.
Dans la publicité, Levi’s met en oeuvre une nouvelle conception de son produit : grâce à sa matière et sa coupe, ce jean donne au corps féminin une ligne semblable à celle de Vénus. La femme partiellement nue attirer le regard du lecteur et fait naître chez la lectrice le désir d’avoir une belle silhouette. L’allusion à la Source d’Ingres valorise ce désir en reliant esthétisme classique et contemporain.
Levi’s ne se contente pas de se servir de sa seule signature pour susciter le désir d’achat des consommateurs mais il a en plus recours à la mémoire d'un référent artistique connu. De cette façon la marque Levi’s, associéeà un tableau connu, jouira d'une bonne réputation sur le marché mondial. Pendant qu’on apprécie des œuvres artistiques, l’image de marque s’installe chez les clients potentiels. L’objectif de la publicité est atteint par la superposition dans l’esprit du consommateur, de l’œuvre d’art et du produit.
La coexistence de la puissance et de la douceur
Le plaisir de conduire la voiture et de la prendre (Publicité chinoise pour TOYOTA)
Cette image est destinée à la mise sur le marché de la voiture TOYOTA CROWN fabriquée par une importante usine de construction d’automobiles en Chine.Au premier plan figure le modèle, au-dessus, il y a des rameaux de saule et des branches de pin et, sur le fond de l’image, onaperçoit au loin, une chaîne de montagnes. Le discours symétriquement composé de 4 caractères est le suivant : la première partie est 刚柔并济 /gang rou bing ji/la coexistence de la puissance et de la douceur, la deuxième 驾乘皆享 /jia cheng jie xiang/le plaisir de prendre la voiture et de la conduire.
Dans la peinture chinoise 37 , les rameaux de saule expriment une sensation de douceur, un signe de l’arrivée du printemps, le bon commencement d’une affaire, et les branches de pin exprimant la fermeté et la fierté, marquées toujours par un pin au sommet. L’utilisation de l’encre monochrome renvoie à la nature intrinsèque de l’objet représenté plutôt qu’à sa réalité sensible.
Le sens du jugement esthétique de cette image est manifesté par ses contrastes internes qui nous expliquent les infinies nuances de la nature tout en se combinant avec l’art du trait, pour nous montrer la cohérence idéale entre l'image des rameaux de saule et des branches de pin, ainsi qu’entre l’objet réel et la montagne au loin. Ce style de contraste associe la tradition (tableau) et la modernité (voiture).
L’objectif de cette publicité créée sur la base de la peinture traditionnelle chinoise ne se limite pas à une présentation de la beauté, mais elle vise à faire valoir l’esprit de la voiture, en d’autres termes, elle devrait êtrecapable de diffuser un ensemble de valeurs esthétiques : le plaisir de conduire en profitant d’un paysage naturel. En Chine, des arbres représentent aussi des philosophies : le pin, pour le confucianisme, le bambou, pour le bouddhisme. L’harmonie peut permettre le passage à l’acte et la réalisation de ce qu’on le désire.
Dans l’affiche publicitaire, la peinture crée d’abord une atmosphère de communication. Par ailleurs, elle cible une catégorie particulière de consommateurs. En outre cet usage dans la publicité est équivalent à une deuxième création artistique, la valeur de la publicité est mise en exergue grâce à la mobilisation du facteur réservé. Enfin, cet usage contraste avec l’art moderne plus difficile d’accès. En se servant des connaissances et des préférences du public pour la peinture classique, la publicité crée une connivence culturelle entre le destinateur et le destinataire.
Les moyens d’expression de base de la peinture chinoise sont le pinceau, l’encre, les pigments et un support, généralement de la soie ou du papier. La peinture chinoise représente souvent des fleurs, des oiseaux et la nature.