Le calembour est un jeu de mots fondé sur les parentés phoniques tout en exploitant les différences de sens. Il exploite souvent des expressions figées, bien connues ou à des situations que le contexte permet de décoder. Nous différencions le calembour de l’antanaclase qui s’appuie sur la polysémie d’un même mot.
L’autre Cola du Phare Ouest (Breizh Cola)
L’arrière plan est l’Océan Atlantique, dans lequel il y a un phare, au service des bateaux ; au premier plan, se trouve une bouteille de Breizh Cola sur la partie droite de la page ; le rédactionnel « L’autre Cola du Phare Ouest » est à gauche de l’image. Dans cette publicité, on utilise le calembour « Cola », produit américain, pour désigner le produit local : « Breizh Cola ».
De même, le publicitaire joue sur la prononciation des mots « Phare Ouest ». Du point de vue de la prononciation, Phare Ouest /far wεst/ nom de l’entreprise bretonne, est quasi homophone de Far West. Le Far West rappelle le lieu de naissance de Coca Cola, d’une part, et d’autre part, la terre d’aventure des cow boys qui a hanté l’enfance de nombreux petits Français.
Breizh Cola, mot à mot : « le cola breton », est un produit de la société Phare Ouest. L’image montre que le Phare Ouest en question sera remplacé par le Breizh Cola, qui joue le rôle de phare. Nous avons donc, par l’intermédiaire d’un calembour, la mise en scène d’un autre cola, celui de l’extrême ouest de la France, la Bretagne. La calembour repose aussi sur la figure du phare, caractéristique du littoral atlantique breton.
Hépar (Publicité pour l’eau minérale Hépar)
L’image présente une jeune femme gaie et détendue. Le nom de la marque et une bouteille d’eau Hépar sont placés selon une diagonale haut/gauche, bas/droit. Le rédactionnel « n’eau fatigue, n’eau stress » attire l’oeil du fait que les phrases sont phonétiquement en « franglais », mais que ce « franglais » n’utilise pas la graphie anglaise: au lieu d’avoir « no fatigue », on a « n’eau ».
Le publicitaire joue sur le mot eau et le « no » anglais : «n’ » + « eau » se prononce quasiment de la même façon que « no ». Si l’on préfère, dans cette publicité, on met eau [o] pour remplacer [o] du [no].
Par ailleurs, on remarque que le « no stress » rappelle le « no future » des années soixante-dix et quatre-vingts où certains jeunes arboraient cette expression sur leurs vêtements, façon de contester une société qui leur paraissait ne pas leur ouvrir d’avenir.
Ce jeu repose sur le partage par les lecteurs de l’affiche d’un pré-requis culturel. Le publicitaire joue aussi sur le terme « source » : source d’eau, mais aussi source de magnésium. Il faut entendre cette deuxième source comme une reprise des habituels textes de diététique et de nutrition : source de calcium, source d’oligoéléments, etc.
Dans les deux publicités, les calembours reposent sur le mélange phonique de l’anglais et du français.
Publicités chinoises :
(1)把理想贷回家
把/ba/prendre, saisir,
理想/li xiang/idéal, rêve
贷/dai/prêter de l’argent à la banque
回家/hui jia/à la maison
Amener le rêve à la maison
Pour financer les Jeux Olympiques, la Banque de Chine lance un emprunt valable à l’intérieur du pays : les citoyens Chinois peuvent souscrire à cet emprunt qui offre des intérêts particulièrement importants. La banque et la commission de l’organisation des Jeux Olympique 2008 lancent conjointement cette publicité.
L’image est construite en deux parties. Dans la partie gauche, en haut, nous voyons deux logos, l’un est celui des Jeux Olympiques qui se tiendront en Chine 2008 et l’autre est celui de la Banque de Chine. Au centre, la représentation d’une maison de style occidental. Au registre inférieur, le discours de la Banque de Chine : «Amener le rêve à la maison ».
Dans la partie droite, nous sommes dans une succursale de la Banque de Chine: de jeunes employées reçoivent des clients ; une femme ordinaire d’âge moyen tient dans sa main gauche un contrat qu’elle vient de signer avec la banque. Elle est placée au premier plan.
Rêve d’un côté et réalité du processus de l’autre. La maison est dessinée, la femme qui vient de souscrire l’emprunt est photographiée dans une vraie agence bancaire. Le dessin évoque le rêve, la photo la réalité. Notons d’ailleurs que le dessin de la maison déborde quelque peu sur la partie photographiée : la maison est bien dans la tête de l’emprunteuse.
Cette publicité profite du calembour fondé sur l’homonymie entre deux mots de même prononciation (带/dai/amener ; 贷 /dai/prêter, avec deux sens différents (amener vs prêter) afin d’assurer la vivacité de la publicité et d’attirer l’attention des clients potentiels. On remplace dans ce jeu terminologique le verbe amener (带/dai) par le verbe prêter (贷 /dai) pour indiquer que le rêve d’amener l’appartement sera réalisé par le fait de prêter de l’argent à la Banque de Chine. Le changement d’un seul mot exprime l’essor du rêve chinois en ce qui concerne le logement urbain 57 .
固话悦铃给我新 “声”
家庭乐章不同凡响
[gu hua yue ling gei wo xin sheng
jia ting yue zhang bu tong fan xiang]
固/poste stable, 悦铃/sonnerie agréable, 给我/me donner, 新 “声”/nouvelle “voix”
家庭/famille, 乐章/mouvement, 不同/différence, 凡响/ grande originalité
(Le téléphone m’offre une vie nouvelle,
La sonnerie musicale donne une voix originale.)
Sur le fond de la publicité de couleur bleu clair, nous voyons un téléphone accroché à un tambour. Cette publicité est lancée par la société China Net Communication (CNC) dans le but d’offrir un nouveau service : on peut comprendre que la sonnerie « dring dring … » monotone sera remplacée par une musique agréable et choisie selon le goût du consommateur. « CNC prépare « une gigantesque base musicale » élaborée minutieusement selon vos choix, abonnez-vous sans retard. L’abonnement mensuel coûte 5 yuans. Pour l’abonnement, composez, s’il vous plaît, le numéro 116100, ou bien allez sur le site www.bbn.com.cn . »
Cette publicité peut s’interpréter de deux manières différentes, grâce au calembour, pour attirer l’attention des lecteurs : en utilisant deux mots de même prononciation xin sheng, mais de sens tout à fait différents心声vs 新生 : le premier a pour sens « parole vers le cœur » et le deuxième « nouvelle vie ».
Cette double rhétorique du calembour exploite le registre de la psychologie : quand on entend sur le combiné une musique agréable, l’attente du téléphone ne paraît pas aussi longue : qui veut partager rapidement la joie avec la famille peut bénéficier de ce combiné équipé de sonneries agréables. CNC peut nous aider à apprécier une vie nouvelle /新生活/xin sheng huo/ et initier un nouveau trajet/心旅程 /xin lu cheng/ de la communication vers le cœur.
Dans ces deux publicités chinoises, le publicitaire a recours à la rhétorique du calembour afin de renforcer le sens révélé par la publicité : la première indique que la Banque de Chine, partenaire des Jeux Olympiques, apporte une opportunité à la fois bonne et précieuse aux habitants des villes, quand ils veulent devenir propriétaires d’un logement ; et dans la seconde, elle utilise deux fois la rhétorique du calembour afin d’affirmer que CNC peut offrir un service agréable et extraordinaire par le combiné, elle s’adresse plutôt à ceux qui veulent recevoir ce service.
Nous trouvons le calembour comme méthode de rhétorique s’appuyant sur l’homophonie dans la communication tant dans la publicité française que dans la publicité chinoise. Mais le calembour chinois a une particularité propre. Sa compréhension dépend du niveau de maîtrise des caractères utilisés. N’oublions pas qu’en Chine, quand on ne sait pas lire un caractère, on ne peut pas comprendre ce qui est écrit ; on ne peut même pas le prononcer. L’usage du calembour constitue alors un piège linguistique chez ceux (par exemple certains adolescents) qui n’ont pas encore une connaissance linguistique suffisante : même lorsque l’on connaît un caractère, connaître toutes ses significations (autre que le sens de base) demande une parfaite maîtrise de l’écriture chinoise. Maîtrise qui est rare pour le commun des gens. Autrement dit, on est en présence d’une sorte de publicité ségrégative qui s’adresse sans le dire à une certaine couche de la population, une élite cultivée dont on suppose qu’elle est aussi une élite aisée.
Par exemple, pour l’insecticide, le proverbe 默默无闻/mo mo wu wen /mener une vie obscure est devenu默默无蚊/mo mo wu wen /pas de moustiques dans l’obscurité, pour un médicament pour calmer la toux, le discours publicitaire刻不容缓/ke bu rong huan/ qui ne peut souffrir le moindre retard est devenu 咳不容缓/ke bu rong huan/on ne peut pas prolonger cette situation de toux…
C’est pourquoi un tel usage de la publicité éveille l’attention du gouvernement chinois qui pense qu’il s’oppose aux règlements que l’Etat a promulgué concernant l’usage du chinois. C’est ainsi que le publicitaire chinois se sert avec discrétion de cette rhétorique, donc il est difficile pour nous de trouver ce genre de publicité à analyser comme corpus dans notre recherche.
En Chine, depuis 1949, c’était l’Etat qui construisait, distribuaient et louait des logements à des prix très modiques. Par conséquent, plus il construisait, moins il disposait de fonds. Dans ce système, ceux qui avaient une longue ancienneté dans un poste, pouvaient souvent se voir attribuer des logements spacieux et nouveaux, alors que c’était le contraire pour ceux qui avaient peu d’ancienneté ou qui occupaient des fonctions subalternes.
Depuis 1980, le gouvernement chinois a décidé de l’orientation à donner à la vente des logements. Les logements offerts en vente au grand public sont de deux types : l’un, au prix fort, n’est qu’à la portée des gens à haut niveau ; l’autre, vendu pratiquement au prix de revient, est destiné aux gens ordinaires. Pour leur part, les gens qui avaient loué un appartement de propriété publique ont pu l’acheter à un prix moins élevé que sa valeur « réelle » ; l’achat des ces logements à prix moins élevé a été subventionné par l’Etat (les retraités et les enseignants dans cette situation ont eu la priorité d’achat). Cette politique a été très importante pour accélérer la construction des logements résidentiels en Chine. D’ores et déjà, la superficie bâtie moyenne par citadin est passée du 5m² au 26m². La mise en vente des logements ne signifie pas que seuls les riches peuvent posséder des propriétaires immobilières. Le droit au logement est un droit fondamental pour chaque citoyen.