III.3.7. Proverbes

Les proverbes expriment des vérités générales dans une culture donnée. Ils expriment aussi des règles de base, des normes de vie et des pratiques sociales propres à une société. En général, ils révèlent des caractéristiques propres à une identité sociale ou culturelle en exprimant des idées tenues comme vraies en général, des croyances, des conseils, souvent une morale. Ils sont, en général, en langue parlée, courts et souvent rimés (un moyen mnémotechnique dans une tradition orale). Ce sont des formes d’énonciation brèves, en langue parlée, connues de tous et facilement mémorisables grâce aux moyens mnémotechniques, tels que les rimes. De ce fait, ils sont souvent exploités par la publicité, aussi bien en France qu’en Chine. En voici trois exemples : deux en français « l’appétit vient en mangeant », «Ne perdez pas le sud » et un en chinois « tailler le costume selon le corps ».

L’appétit de vivre vient en mangeant (Publicité pour Lesieur)

« L’appétit vient en mangeant » signifie qu’il n’est pas nécessaire d’avoir faim pour manger, le simple fait de se mettre à table ouvre l’appétit.

Dans cette publicité, la phrase proverbiale est transformée : « l’appétit vient en mangeant » devient « l’appétit de vivre vient en mangeant ». Ce qui implique que « manger » nourrit non seulement le corps mais aussi l’esprit : bien manger donne des couleurs à la vie, bien manger comble le corps et provoque la faim de vie. En témoigne le jeune couple qui s’enlace quasiment en dansant. Il se fait du bien comme l’indique le rédactionnel inférieur. Le discours et l’image de cette publicité sont si puissants que le consommateur ne fait aucune attention à un couple en plein d’amour : une vieille dame passe entre le couple et la publicité, elle regarde la publicité, au lieu de ce couple.

Comment en vient-on à cet appétit de vivre ? La mise en abyme de l’affiche présentant à la fois un couple enlacé en premier plan et le produit Lesieur représenté sur l’affiche murale propose une double dynamique du désir : celui de manger et celui d’aimer dont la satisfaction nous fait du bien comme le suggère le rédactionnel au bas de l’image. Mais surtout, l’appétit de vivre implique la recherche de la santé et d’une alimentation saine.

Ne perdez pas le sud (Publicité pour le pastis 51)

L’image montre une bouteille de pastis sous forme d’une aiguille de boussole. Normalement, l’aiguille marque le Nord. Mais ici elle marque le Sud, car cet apéritif, comme tous les pastis (Ricard, Pernod, 51, Casanis, etc.) est produit à Marseille, au Sud de la France.

La publicité reprend le syntagme figé (locution, expression) : « ne pas perdre le nord » qui signifie « garder la bonne direction », et savoir ce qu’on veut. Ici, ce syntagme est transformé en « ne pas perdre le Sud », c’est-à-dire rester ferme sur ses décisions vers le plaisir que la consommation – modérée - du pastis peut nous apporter tout en gardant l’authenticité de son identité connotée avec le bonheur des vacances dans le midi.

量体裁衣,打造精品 (Publicité pour un Groupe de Média)

[liang ti cai yi, da zao jing pin]

Traduction : Taillerle costume selon le corps, dresser l’image de l’entreprise.

Le rédactionnel se compose de deux parties, chacune de quatre mots. La première est un proverbe chinois très populaire, la deuxième est le discours proprement publicitaire. Autrement dit, ce slogan est formé d’un proverbe et d’un discours.

Cette publicité présente un consultant aux multiples activités : média, conseil (gestion, administration et marketing. Ce groupe qui possède quatre filiales provinciales s’est fixé pour mission d’aider les entreprises dans leur gestion et leur marketing, et dans la promotion d’une bonne image de l’entreprise sur le marché.

Le proverbechinois liang ti cai yi est composé de quatre mots. Pour mieux interpréter ce proverbe, nous devons l’analyser terme à terme. Le verbe liang signifie «mesurer », ti désigne le corps humain, le verbe cai signifie « tailler » (les grands ciseaux), et yi désigne le costume. La structure syntaxique du proverbe montre la forme V+COD+V+COD. Si on traduit ce proverbe, nous pouvons l’exprimer en français Tailler le costume selon le corps, c'est-à-dire faire correspondre ce que l’on est avec son apparence, avoir un costume à sa mesure.

Ce proverbe se présente sous une forme linguistiquement incomplète, car le verbe cai (tailler) a été remplacé par l’image de ciseaux, mais les Chinois restituent inconsciemment le proverbe dans son intégralité. Cela signifie que la publicité s’adapte pleinement à l’inconscient linguistique chinois : il y a ainsi, une meilleure identification du destinataire à l’énonciateur. Du point de vue esthétique, cette substitution joue un rôle particulier dans la communication. Le proverbe implique que c’est par une bonne évaluation de son fonctionnement qu’une entreprise peut améliorer son image, on peut avoir un costume à sa taille.