Quand on parle de l’humour, des mots comme légèreté, plaisir, amusement viennent immédiatement à l’esprit. Pour la définition de l’humour, il s’agit d’une « forme d’esprit qui dissimule sous un air sérieux une raillerie cruelle, une situation absurde ou comique » 63 Cette forme d’esprit consiste à présenter la réalité avec drôlerie. On n’est plus dans le registre du sérieux, du rigoureux, du raisonnable, mais plutôt dans celui du jeu, de la détente. Cette approche par l’irrévérence et l’irrespect se retrouve naturellement dans la publicité dans la détente procurée par le comique et le rire, parce qu’elle doit plaire au consommateur, lui donner envie de la regarder, et pourquoi pas d’acheter le produit dont elle parle. L’humour cherche insidieusement à atteindre un effet par des moyens qui peuvent être métaphorisés selon l’expression chinoise « l'arrosage silencieux des plantes », et il s’intègre dans une action de vente en empruntant des chemins détournés. « Un vieux dicton machiste affirme que pour séduire une femme il faut soit l’intriguer, soit la faire rire. Aujourd’hui, la pub fonctionne un peu sur le même mécanisme. » 64
Comme forme principale de la création, le publicitaire transforme l’objectif rigoureux du commerce en se servant d'une intrigue humoristique ; de cette manière, le consommateur relâche sa vigilance et sa prévention à l’encontre d’un produit que la publicité lui propose pour arriver subrepticement à l’aimer jusqu'à avoir envie de l’acheter. La publicité attire son attention en le faisant rire, elle peut mêmemodifier l’image que se fait le consommateur de la marque en rendant l’entreprise plus sympathique en instaurant une relation se situant au niveau du jeu. La publicité humoristique qui s’éloigne de son objectif mercantile vise à séduire le consommateur en détournant les codes publicitaires. Plus la représentation de l’humour fait preuve d’une grande originalité, plus elle est efficace ; mais l’humour doit pouvoir être accessible. S’il n’est pas partagé, la publicité rate sa cible.
A travers l’analyse de quelques exemples choisis en France et enChine, nous allons voir comment l’humour s'adapte à la culture des consommateurs tout enrecherchantdans la communication publicitaire le facteur qui peut intervenirdans leur identification symbolique.
Nous allons commencer par analyser deux exemples de publicités françaises
Noos (publicité pour la télévision à la carte à domicile)
La scène montre un personnage hésitant : il se tient le menton, geste classique de la réflexion et regarde quatre acteurs sur une scène. La représentation renvoie aux films policiers : un témoin, dans un commissariat, derrière une vitre sans tain, doit reconnaître un suspect. Cette reconnaissance se fait rapidement, en quelques instants. Ici, le texte insiste sur le fait qu’ « on vous propose rarement quatre mois pour choisir ». Le temps semble avoir été si long que les « suspects » sont carrément effondrés physiquement et moralement. Un seul, le n°1, tient à peu près debout.
Noos, fournisseur d’accès, détourne de façon humoristique une scène policière ; il se sert de la métaphore du choix d’un suspect par un témoin pour transformer le téléspectateur en témoin (il regarde la télévision) de la qualité de l’offre télévisuelle « à la carte » de Noos. Seulement, le « témoin » a quatre mois pour choisir de s’abonner ou non. C’est ce qui explique la fatigue des personnages de la scène.
J’ai envie d’en savoir plus (Publicité pour Wanadoo)
Nous sommes dans un musée. Un homme d’un certain âge, une canne à la main gauche, soulève un tableau qui représente une femme à moitié nue de dos, pour voir ce qu’il y a derrière la toile.
Que peut donc espérer voir notre vieil homme ? Sans aucun doute le reste de la femme à moitié nue, son visage, sa poitrine, son ventre ?
« J’ai envie d’en savoir plus » veut exprimer l'idée selon laquelle Wanadoo délivre toutes sortes d’informations, et notamment des informations « cachées ».
Cette image fait appel à une vieille tradition humoristique qui fait de l’homme âgé un voyeur trouvant son plaisir dans la vision plus que dans le passage à l’acte. Autrement dit, l’homme désire en voir, et en savoir plus dans ce domaine.
Françoise GRABY, Humeur et comique en publicité, Paris, Edition EMS, 2001, P. 125.
Ibid. P. 10.