Deux publicités humoristiques chinoises

非礼呀…互通吸尘器
[fei li ya…hu tong xi chen qi]
Traduction : manque de politesse…Aspirateur Hu Tong.

La scène de cette publicité se passe aux toilettes. L’image est divisée en deux parties : WC pour femmes et WC pour Hommes. Côté femmes, nous voyons le bord d’une robe traditionnelle chinoise aspirée à travers une grille, côté hommes, l’embout d’un aspirateur fiché dans une grille identique suggère la puissance de la machine. La marque du produit est « Hutong », qui signifie en chinois « interaction ou inter réaction ». Cette publicité présente d’une manière hyperbolique cet appareil ménager. Le lecteur peut apprécier son discours humoristique « manque de politesse…Aspirateur Hu Tong ». Cela n’implique pas que la machine manque de politesse, c’est que son aspiration possède une puissante remarquable pour mieux servir.

Le premier degré du rédactionnel suggère qu’une grossièreté a été commise à l’égard de la femme : en tirant sur sa robe on dévoile sa jambe et son pied. Cette « agression » provient d’ailleurs de chez les hommes. En fait il n’en est rien : seul l’appareil ménager (objet sans connotation humaine) est responsable de cet incident révélateur de sa haute performance technique. La raison de s’indigner disparaît au profit de l’amusement.

来,让俺来抱抱! (Publicité pour l' Agence Himalayas)
[lai, rang an lai bao bao]
Venir/laisser/moi/serrer dans les bras
Traduction : Tiens ! Laissez-moi vous serrez dans mes bras !

La fillette tient dans ses bras un adulte européen emmailloté comme un bébé.

Himalayas est une agence qui intervient dans l'élaboration du planning et de la stratégie d'uneentreprise. Son objectif est de répondre aux besoins de l’entreprise pour l’aider à se placerdans un marché très concurrentiel. Comme le texte publicitaire l’exprime: «Tiens ! La petite peut tenir le grand », l’Agence Himalayas est assimilée à un enfant, l’entreprise à un adulte. Même si l'adulte est grand, dans certains domaines, il a besoin de soutien. Et l’enfant, quoique petit, est utile dans certaines circonstances. La jeune Agence chinoise Himalayas représentée par un enfant en costume traditionnel, est capable d’aider les grandes entreprises, mêmes étrangères, à résoudre des problèmes délicats. La référence à Himalayas suggère l’ascension des sommets les plus élevés du monde.

Après analysedes publicités ci-dessus, nous pouvons remarquer qu’elles reposent en partie sur la formulation de prescriptions régissantun ordre établi, de normes, de tabous. Le publicitaire français se sert d’une efficace rhétorique de détournement pour surprendre et divertir les lecteurs en faisant appel au fameux second degré. Dans la publicité de Noos, l’humour se manifeste par le détournement d’une scène habituelle des films policiers. Dans la publicité Wanadoo, l’humour réside dans la curiosité un peu malsaine du vieil homme et le jeu avec la face cachée d’un tableau pour montrer ce qu’on veut rechercher en choisissant cet opérateur. Dans la série Campanile, les deux exemples sont des inversions humoristiques de normes morales établies : les « sept péchés capitaux sont non seulement permis ou tolérés, mais même, par antiphrase humoristique, deviennent de véritables prescriptions. Dans la publicité chinoise « Tiens ! Laissez-moi vous serrez dans mes bras ! », on a recours à l’inversion entre enfant et adulte pour attester dela puissance effective de cette agence : le « corps » est de petite taille, mais il a une puissance gigantesque.

L’humour appartient à la catégorie de la comédie. Le publicitaire introduit la motivation à l’achat dans une ambiance de comédie qui réduit la distance entre le client et le vendeur tout en instaurant paradoxalement une distance avec le réel. Il tient compte de la psychologie du consommateur, il cherche à améliorer son moral, à chasserses soucis et à amoindrir les tensions qu'il subit. Avec le développement de la technique, la publicité a progressivement été acceptée comme un spectacle. Le jeu humoristique devient un remède, un antidote à l’ennui et au vide. Il faut naturellement citer Savignac, pour qui « l’humour est la potion magique, l’élixir anti-stress…qui rétablit l’équilibre, active la circulation et développe le libre arbitre. A déguster quotidiennement.» 65 L’humour est de plus en plus considéré comme une arme stratégique spécifique, comme un moyen de mieux « faire passer » un discours. Il permet de créer ce que tout publicitaire recherche : la connivence, la complicité avec le consommateur. Comme dit Philippe Malaval dans le livre Pentacom: « L’humour apporte une valeur ajouté e créative qui peut faire réagir en provoquant le rire et en facilitant l’adhésion. En préférant l’implicite à l’explicite, le message humoristique joue sur le registre du non-dit et permet de développer la connivence entre les consommateurs et l’annonceur. » 66

Mais le recours à l’humour est délicat, car ce qui amuse une personne peut se révéler blessant ou incompréhensible pour une autre, et ce qui est drôle dans un pays peut ne pas l’être dans un autre : les différents types d’humour varient avec la culture. C'est ainsi qu'on ne peut certes pas trouver l’exemple de Wanadoo dans la Chine contemporaine, mais, même, tout au long de l’histoire chinoise. Est-ce à dire que les Chinois sont définitivement conformistes ? Non, car il faut déplacer le problème : onne peut pas dans latradition chinoise avoir recours à une vérité absolue : les vérités servant de références aux prescriptions morales ne sont pas générales, mais doivent toujoursêtreconsidérées dans leur contexte, dans leur situation d’énonciation. Cette relativité de la vérité implique l’absence de toute idée de transgression, car c'estunconcept inutile. Dans un monde où les choses vont de soi et se transforment perpétuellement, l’idée même de transgression est absente, car l’idée de tabou absolu n’existe pas.

En France, la publicité ayant un contenu humoristique semble plus courantequ’en Chine. Les Chinois ne manquent pas de ressources humoristiques dans leur culture, cependantl'humourest souvent absent dans la publicité. Par comparaison avec la publicité française, quelques éléments contraignent le recours à l’humour dans la publicité chinoise : la publicité chinoise se cantonne encore à une explicitation au premier degré des qualités du produit, par exemple la publicité pour les voitures vantent leurs qualités mécaniques et esthétiques ; les annonceurs sont inquiets quant auxfacteurssecondaires induits dans l’utilisation de l’humour pour les consommateurs potentiels. Ils restent prudents

On remarque toutefois que les publicitaires chinois s’orientent peu à peu versla voie ludique, par exemple à la télévision. Les publicitaires aussi bien français que chinois, comprennent bien que la puissance de l’humour se manifeste dans un espace public où règne la distraction, l'esprit vif et la plaisanterie. Avec l’humour, on peut trouver le moyen de construire un « pont relationnel » entre l’entreprise et ses clients.

Comme nous l’avons déjà vu, la différence entre les cultures française et chinoise est particulièrement marquée dans ce qu’il est possible de traiter sur le plan humoristique. Ainsi dans la publicité française on peut jouer de l’idée et des images de la mort de manière humoristique, alors qu’en Chine, c’est inconcevable. Si cela se produit, cela se limite à la publicité institutionnelle, notamment à propos de la santé. On peut voir de telles publicités intégrant l’image d’une tombe, pour faire peur, aux fumeurs, par exemple. Nous analysons maintenant une publicité française qui fait allusion à la mort:

Notes
65.

Françoise GRABY, Humeur et comique en publicité, Paris, Edition EMS, 2001, P. 44.

66.

Phillippe Malaval, Pentacom, Paris, Pearson, 2005, P. 380.