IV.3. L’espace comme objet de savoir

Il existe un statut en quelque sorte « épistémique » de l’espace dans la représentation communicationnelle. Nous avons une mémoire de l’espace, du lieu, grâce à laquelle il devient un objet de savoir. Dans le temps, la perception de l’espace ravive la mémoire et fait surgir des souvenirs. La géographie qui rationalise l’espace en le décrivant. Une fois décrit, une fois rationalisé, l’espace va devenir un objet de savoir. La géographie permet de penser l’espace en termes symboliques. Voyons respectivement les exemples « LU » en France et « 798 » en Chine.

« LU »: un exemple de conservation du site dans son état originaire.

« LU » a été fondée en 1846 à Nantes ; les deux initiales L et U rappelant respectivement les noms d’un couple : Jean-Romain Lefevre et Pauline Isabelle Utile : Lefevre-Utile, prononcez LU. Ce couple avait trois enfants, dont un qui, travaillant dur, a amassé quelque argent et a racheté leur affaire à ses parents. En 1895, il a bâti sa première usine, et inventé son produit – le « petit beurre », vedette des enfants, qui est devenu une star de la publicité. Mucha, Cappiello et Benjamin Rabier ont été ses publicitaires. Jacques Hénocq, agent publicitaire, a gagné en 1994 le premier prix de l’affichage au festival de New York avec une affiche pour ce « petit beurre ». Le Petit Lu n’était plus un simple biscuit, il devenait emblématique du goûter des petits Français.

Au fur et à la mesure du développement de l’urbanisme, nous voyons rarement de grandes entreprises installées au centre ville, ce qui est le cas pour « LU ». L’usine de « LU » a déménagé depuis longtemps et son siège national à Nantes est devenu un centre d’art et de culture résolument contemporain qui a ouvert ses portes le 1e janvier 2000. Désigné comme « Lieu Unique », il conserve les fameuses initiales. Il est aussi un lieu de vie totalement ouvert sur sa ville, avec un restaurant, un bar, une librairie, un disquaire et une crèche. La tour a été équipée d’une machine destinée au traitement du sucre, à la fois artistique et innovante. Il reste aussi une fresque représentant le logo des biscuits « LU ».

Qu’en est-il des sites comme lieux de communication en Chine? Avec le développement économique et le progrès social, la culture et l’art font partie de la vie quotidienne des citadins qu’ils agrémentent tel un plat délicieux. A Pékin, certains sites d’usine comme 酒厂/jiuchang、草场地/cao chang di、宋庄song zhuang, sont transformés en centres culturels. On prendici « 798 » comme cet exemple :

« 798 » était le numéro d’une usine militaire dans le passé qui a cessé ses activités après la Révolution culturelle. Réaffectée à l’art, elle est devenue depuis ces dernières années un centre culturel avec des services diversifiés : galerie décorée de peinture, librairie, cafétéria, restaurant, exposition…Dans cet espace, chaque objet est utile comme signe de communication : une grande pièce de machine ayant beaucoup servi a été installée à l’entrée du centre comme enseigne de la zone artistique de Pékin (première photo). Des ateliers sont transformés en ateliers de peintres comme « 798 Times space » (deuxième photo) et la galerie de Yi Ran (troisième photo), qui expose un tableau aux couleurs vives ; D’anciens tuyaux repeints et une Jeep recouverte par les chiffres « 798 » suggèrent que, si le lieu n’a pas changé de nom, il a une nouvelle destination. Centre culturel symbole de la modernité, il attire par son style « avant-gardiste » beaucoup de jeunes et tout un public aisé ouvert à la culture occidentale. En réalité, le développement du centre « 798 » avec ses multiples services accélère le développement économique et culturel de tout le quartier qui fait la fortune des promoteurs immobiliers.