Conclusion

La publicité ne fait pas que puiser son thème dans l’univers politique. Comme nous venons de le voir, il arrive aussi que le politique fasse usage des stratégies de la publicité.

En France, on peut voir ainsi se développer, des campagnes qui se donnent à voir sous la forme de messages publicitaires. Il convient ici de rappeler que la liberté d’expression est garantie par la constitution. La loi ne peut que veiller au respect de l’égalité d’accès des candidats aux médias. Par ailleurs, il est tout à fait possible en Europe, pour une entreprise, de faire de la publicité sur les sujets de son choix, et par les moyens et pour les motifs qui lui agréent, y compris en empruntant des thèmes appartenant au champ de la communication politique. Il y a toutefois des limites à cette liberté, comme en témoignent des interdictions de publicités qui peuvent « blesser la sensibilité de certains groupes » ou outrager les bonnes mœurs.Cependant en fait il existe des limites, non édictées par les lois mais par le sentiment partagé qu’il y a des images ou des textes dont le caractère provocateur serait insupportable pour le respect des bonnes mœurs ou incompatible avec le respect de la dignité des personnes. La liberté d’expression est la règle absolue, sous réserve d'avoir l'accord des personnes et de ne pas porter atteinte à leurdignité. On peut donc utiliser l’image des hommes politiques et y compris celle du président comme référent dans la publicité commerciale ou comme personnage d’un programme humoristique à la télévision, par exemple le programme de « Cocorico boy » dans les années 80 ou encore les séquences actuelles du faux Journal télévisé sur Canal Plus avec les Guignols de l’Info. Pour les Français cette irrévérence est normale, mais aux yeux du gouvernement chinois, elle serait insupportable. Si on faisait cela, on le payerait par une condamnation.

En Chine, les stratégies de la publicité politique sont différentes de celles de la France. Par exemple, on voit à présentdans la propagande politique des grands dirigeants qui, d’un geste de la main, indiquent la direction à suivre. Le peuple est invité à les suivre sur le chemin de la construction d’une société moderne. En France, la publicité politique peut être utilisée dans les campagnes présidentielles. En Chine, on ne voit pas d’acteurs politiques du gouvernement central dans la publicité commerciale. Avec la progression de l’ouverture de la réforme à l’extérieure, le tabou se lève peu à peu, mais on utilise tout de même avec prudenceles personnalités politiques afin de ne pas prendre des risques exagérés dans la communication publicitaire. C’est en particulier pour cette raison que les Chinois ont été choqués en voyant l’image de Mao dans certaines publicités européennes, comme ce fut le cas d’une affiche pour une exposition artistique. Si des personnalités apparaissent, c'est qu'elles appartiennent à d’autres pays, comme c’est le texte publicitaire «Avec Bandi, il n’y a pas de blessure ne pouvant cicatriser». En fait, l’administration centrale ou le service régional contrôle politiquement toutes les œuvres littéraires, les affiches publicitaires ainsi que la publicité commerciale. La publicité politique en Chine paraît relativement sérieuse dans ses textes et ses images pour délivrerau public une bonne image des personnalités politiques ; par contre en France,dans la publicité politique, nous pouvonsvoir apparaîtredans les textes et les images, une grande liberté rendant la publicité plus animée et plus diversifiée.

Dans la stratégie de la communication publicitaire, la référence aux événements historiques rappelle en fait un moment historique, surtout lorsque c'est un souvenir partagé. La création publicitaire prend donc sa source dans le passé, tout en reflétant la société moderne. On peut remarquer que la communication événementielle constitue un des vecteurs de la communication institutionnelle tant du point de vue des cibles intérieures qu’extérieures. Comme l’a écritFrançois Brune : « En somme, ébahi devant les phénomènes de société et les faits d’époque qu’on lui présente comme son vécu collectif, l’individu ne peut qu’assumer ou se taire. Il ne saurait se soustraire à cette part d’identité sociale que le système prévoit pour lui. » 77 . L’histoire événementielle devient alors la représentation imaginaire qui garantit à la société qu’elle existe, et qu’elle évolue. L’événement représenté appelle le lecteur à considérer cette histoire événementielle comme une sorte de continuité avec son aventure personnelle. Il peut « imaginer vivre » dans l’époque figurée comme si, « il y vivait ». En réalité, il ne fait qu’en consommer les signes. Il est vrai que notre « participation » à telle ou telle époque ne se limite pas à cette insatiable consommation. Nous nous investissons dans cette figuration dont dépend en réalité l’image que nous donnons de nous-mêmes.

Si l’on veut résumer et préciser en même temps, trois points se dégagent :

En France, comme en Chine, le fait politique et l’Etat sont au centre de notion de nation. La France, comme la Chine, ont toujours donné à l’Etat une place centrale dans la définition et l’organisation du pays.

Le second point concerne l’engagement politique et éthique qui peut susciter l’engagement du lecteur de l’affiche ou de la publicité. Non seulement le politique est présent comme thématique de la publicité, mais il est aussi présent dans la publicité parce qu’il peut fonder et structurer l’identification et l’empathie nécessaire à la mise en œuvre de la rhétorique publicitaire.

Enfin, dans le champ politique, il convient de distinguer deux types de rhétorique. Les formes consensuelles de rhétorique font référence à des faits, comme les faits institutionnels ou comme certaines images du pays, qui sont susceptibles de recueillir l’engagement et l’adhésion de tous. Les formes conflictuelles et les formes du débat, au contraire, sont les formes de publicité qui visent à recueillir les engagements, mais en les fondant contre une série d’autres arguments et d’autres engagements. Cette dernière forme n’existe pas en Chine : la domination sans partage d’un parti exclut – pour l’instant - l’idée d’un débat contradictoire public.

Notes
77.

François Brune, Les médias pensent comme moi!, Paris, L’Harmattan, 1996, p.27.