Nous remarquons qu’un grand nombre de publicités s’appuient sur des stéréotypes fortement ancrés et sur des valeurs positives attachées à quelques idées qui fondent la vie sociale. La culture est considérée « comme l’ensemble des manières d’être d’agir et de sentir, plus ou moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent d’une manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes, en une collectivité particulière et distincte » 88 La culture comporte un ensemble de normes sociales que les membres d’une collectivité intériorisent, mettent en œuvre (en général) dans leurs actions, et qu’ils peuvent même assimiler au point d’y voir leurs propres désirs d’être et d’agir. Dans cette perspective, nous utilisons le terme stéréotype pour désigner des manières toute faites de penser et de ressentir la vie en société. Dans ce cas, les stéréotypes (terme auquel nous ne mettons aucune connotation péjorative) sont généralement des condensations de tendances à voir le monde et la vie dans une culture donnée. Ils ne sont bien entendu pas la réalité, mais un vecteur de compréhension et de dialogue entre les membres d’une même culture. Ils sont souvent anciennement installés dans une culture et y inscrivent des sortes d’évidences partagées dont nous pouvons trouver les traces dans la publicité.
Chaque culture a ainsi son propre répertoire de stéréotypes différemment développés, doublés de système de valeurs qui les valident aux yeux des membres de ces cultures. Les Chinois ont pour thèmes favoris des stéréotypes vecteurs des valeurs suivantes : bonheur, famille, richesse, longévité, enfant, or… ; et les Français : amour, beauté, vie, jeunesse, santé, nature, vacances…
Nous nous proposons ici d’analyser quelques syntagmes figés qui semblent prioritaires dans les deux pays, tels qu’ils apparaissent dans les publicités. Ainsi en Chine, les thèmes du bonheur, de la famille et de 平安/ping an/ la sécurité sont particulièrement fréquents, tandis qu’en France, beaucoup de publicités évoquent la vie, l’amour et la jeunesse. Ce n’est pas pour autant que ces idées sont incompatibles les unes avec les autres : pour les jeunes chinoises, le bonheur est certes à trouver dans la vie de famille, mais aussi dans l’amour, comme en témoigne entre autres la littérature depuis toujours. Il ne faut pas penser non plus que ces valeurs sont figées : de plus en plus de jeunes chinoises pensent que leur réalisation et leur bonheur peuvent se construire dans l’amour, ou en prenant des vacances… ; il en est de même pour les Françaises pour ce qui est de l’importance accordée à la famille, aux enfants… Cela étant dit, nous avons choisi de privilégier les publicités qui, en nombre, convoquent les grandes valeurs traditionnelles dans chacun des deux pays.
G. Rocher, Introduction à la sociologie générale, Tome 1 : « L’action sociale », Paris, Ed. H.M.H., coll. Points n° 13, 1968, p. 111.