VIII.1.2. La publicité et la sexualité dans la publicité chinoise

Dans le domaine du sexe, pour des raisons culturelles et religieuses depuis très longtemps les Chinois se montrent très réservés et très puritains. Ainsi, dans la liste des vices, ils classent toujours le sexe au premier rang. C’est ainsi qu’on n’ose pas parler ouvertement du sexe. Un proverbe chinois résume bien la situation : «on change de couleur dès que l’on parle du tigre » : le visage change de couleur dès qu'on aborde le sujet du sexe.

L’éducation sexuelle est un problème délicat tant à l’école qu’en famille. Tout le monde pense que c’est honteux d’en parler en public. En France, il existe des livres destinés à tous les publics concernant la sexualité. En Chine, nous ne trouvons quasiment aucun livre sur ce sujet, mais l’éducation sexuelle commence à y être considérée comme un sujet d'étude. Pour l’instant, la sexualité reste cependant pour tous un sujet assez mystérieux.

Dans la vie réelle, la question du sexe est seulement abordée dans le cadre d’un projet de procréation ou pour l'éducation des enfants. Le sexe est demeuré longtemps un sujet tabou, enfermé dans le silence. Au cours des dernières années, en particulier avec le progrès et le développement de l’ouverture permettant la réforme de l'économie, la pensée jusqu’alors emprisonnée a été libérée. Des sexologues et des chercheurs sont allés partout pour diffuser des connaissances sur la sexualité en organisant desexpositions. De plus, grâce aux médias, le mot « sexuel » prononcé devant une large audience ne paraît plus trop choquant. Ce thème est même évoqué dans les conversations courantes. La conception de l’amour faisant intervenir la sexualité a connu une lente évolution. En voici deux exemples : l’un concerne la télévision centrale chinoise (C.C.T.V.), qui, pour la première fois, a fait l’expérience de diffuser le 28 décembre 1999 une publicité sur les préservatifs contre le sida; l'autre concerne les distributeurs automatiques de préservatifs. C’est encore un problème délicat aux yeux des Chinois. Les publicitaires utilisentavec une grande prudence dans la communication despublicités à connotation sexuelle.

Aujourd’hui, afin de susciter le désir des lecteurs, de nombreux publicitairesen Chinecommencent à utiliser le corps humain, surtout celui des jeunes femmese. Nous avons choisi quatre publicités pour voir comment les Chinois procèdent pour celadans la communication publicitaire.

(1) 天天月圆, 天天我有好气色 (Publicité pour la protection de la santé des femmes)
[tian tian yue yuan, tian tian wo you hao qi se]
Traduction : tous les jours la lune est ronde, tous les jours j’ai une bonne mine

Yu Lina, une vedette de télévision, célèbre en Chine, présente un produit nommé « Elixir féminin » dont la fonction est d’améliorer la circulation sanguine et donc la santé.

La présence de la lune est une allusion claire mais discrète au cycle féminin. Remarquons que l'idée est renforcée par le visage rond de la vedette. Le message est clair : une femme n’est réellement femme que dans l’harmonie de son cycle, qui est favorisé par l’Elixir. Le résultat est alors évident : cette femme pleinement femme ne peut que recevoir les hommages des hommes : comme en témoigne le bouquet de roses rouges.

(2) 干了它 (Publicité pour la Bière Luoben)
[gan le ta]
Traduction : « porterun toast » (Publicité chinoise pour la Bière Luoben)

Cette publicité représente deux verres de bière placés l'un contre l’autre en position pour trinquer, ce qui se dit « gan bei » en chinois. A première vue, le verre de bière nous suggère une ambiance de rencontre et nous donne envie de rejoindre les convives. La publicité joue sur le mot « Gan ». Selon les règles de la prononciation chinoise, chaque caractère peut posséder quatre tons, chaque ton lui donnant une signification particulière. Le texte de cette publicité est Gan (premier ton) le ta, c’est-à-dire « buvez-en tout d’un coup » en chinois. Le quatrième ton, quant à lui, concerne une action, cela évoque « l'actionde faire l’amour », sens suggéré par l’image des deux verres, faisant penser aux fesses d’une femme. Le discours en minuscule, en bas de l’image, explique que « l’homme a beaucoup de peine à résister à cette séduction. Si on a envie d’en boire, on fait  “cul sec” ».

Cette présence d’éléments sexuels dans la publicité prouve que le discours publicitaire utilise le sexe dans sa stratégie. A première vue, il respecte les règlements administratifs concernant l’usage du sexe dans la publicité en Chine, mais en réalité, il les transgresse de manière indirecte. Les éléments sexuels sont cachés derrière les codes verbaux et l’image. Enfin, le discours de la publicité peut être lu d’une manière vulgaire : il parle de « faire l’amour ».

(3) 龙之媒制 (Publicité pour la Librairie Long Zhimei : voir le contenu détaillé dans la partie sur la publicité et les médias)
Traduction : Venez ici souvent, vous serez plus fort.

Cette publicité a été lancée pour Long Zhi Mei (c’est-à-dire, littéralement, “la médiation du dragon”), librairie des publicitaires de Pékin. C’est l’endroit où les publicitaires viennent souvent pour puiser leur inspiration créatrice en vue de leurs projets. Cette publicité représente trois paquets d’un médicament àmultiples fonctions, issu de la tradition chinoise. Une bande rouge portant le nom de la librairie est attaché à la marchandise bien emballée.

Dans la tradition chinoise, et contrairement à l’Occident, la préoccupation de la santé n’est pas uniquement liée à la maladie. Si le médicament reste curatif, un grand nombre d'autresmédicaments sont vendus librement à titre préventif. Les Chinois prennent donc des médicaments pour se maintenir en bonne santé. Beaucoup de Chinois croient que les médicaments de tradition chinoise peuvent guérir radicalement dela maladie, et accroître la capacité de faire l’amour. Le discours de cette publicité suggère explicitement le pouvoir aphrodisiaque : « venez ici souvent, vous serez fort pour faire l’amour ». Ainsi, cette publicité représente-t-elle la librairie de Long Zhi Mei comme ayant le même pouvoir qu’un médicament traditionnel chinois : elle renforce la créativité des publicitaires tout comme le médicament renforce les capacités physiques.

(4) 会呼吸的内衣 (publicité pour le produit Speedup)
[hui hu xi de nei yi]
Traduction : Linge de corps qui sait respirer.

Cette publicité met en scène une bouche composée d’un soutien-gorge et d’un slip en rouge vif.

Les sous-vêtements sontde plus en plus présents sur le marché chinois. Ici une marque chinoise (et non étrangère) 138 met l’accent par le biais de la bouche (par laquelle on respire) et suggère aussi le baiser, sur la qualité du tissu synthétique qui permet au corps de « respirer ».

En second lieu, de manière plus spécifiquement chinoise, il faut savoir que dans la culture comme dans la médecine chinoise la bouche exprime les émotions, la réflexion. On peut donc compléter l’interprétation « moderne » par une interprétation plus spécifiquement culturelle : avec son sous-vêtement, on excite l’activité de la rate et on suscite donc une émotion « raisonnable » mais certaine.

Cette publicité interprète la sexualité en image et en discours à la fois : la bouche suscite une sensibilité à la sexualité, parce que ce sont les produits destinés aux points sexuels de la femme ; le verbe « respirer » du discours permet aux lecteurs de sentir la respiration d’une femme. C’est pourquoi, « respirer », verbe principal du discours, exprime une certaine sensibilité à la sexualité.

Notes
138.

Cela rappelle que Salvador Dali (1904-1989), artiste espagnol, a conçu un canapé ayant une forme de lèvres.