VIII.2.1. La subjectivité et le narcissisme

Les publicités « Alfa 147 Milano » et « K.gold » sont basées sur le narcissisme comme conscience exacerbée de la grande qualité de sa propre image. Or pour Edmund Husserl, toute conscience est donatrice, fondatrice de sens. Elle peut imposer et développer tout un réseau de significations autour de nous. « Le moi est haïssable, mais le narcissisme est délicieux. » 144

Alfa 147 Milano 

Une nouvelle voiture se présente sur un podium comme un jeune mannequin lors d’un défilé de mode. Elle est tellement belle qu’elle capte l’attention des spectateurs et des journalistes venus la photographier.

Cette publicité profite d’une sensation du public pour attirer le regard. Elle tire sa valeur d’une part de la voiture elle-même et d’autre part du contexte d’un défilé. Elle stimule largement le besoin de l’inconscient de montrer la réussite de sa carrière aux autres. La voiture présenté sur un podium occupe la place d’un mannequin et en même temps, elle fait son propriétaire-conducteur un mannequin ; c’est ce que signifie l’utilisation de la seconde personne : vous défilez. L’achat de cette voiture apportera donc la satisfaction d’un désir si souvent refoulé : celui d’être regardé.

K.gold  (Publicité pour un bijou)

Le décor à l’arrière plan évoque un centre commercial. Au premier plan, une jeune femme à la mode porte une série de bijoux en or. On voit bienses épaules dénudées. Elle montre la paume de sa main gauche où sont inscrits des prénoms anglais, un numéro de QQ (outil de conversation sur l’Internet), un numéro vert de téléphone : ces inscriptions vont jusqu’au poignet. C'est une allusion claire à la lecture des lignes de la main, procédé de divination répandue aussi bien en Chine qu’en France. Le rédactionnel, au-dessus de ses doigts explicite le sens de l’icône : « ça fait déjà 101 personnes qui ontengagé la conversation avec moi grâce à mon bijou K-gold… »  .

Autrement dit, le port d’un bijou K-gold ouvre des perspectives de vie, des perspectives uniques de rencontres amoureuses. Il opère comme un porte-bonheur. Notons qu’en plus, les numéros et les noms sont principalement étrangers : avoir des amis (ou amants) occidentaux, ce qui exprime la promesse d’une vie de confort, d’argent et de satisfactions.

Cette publicité attire le regard des lecteurs par le sentiment suggéré de bonheur, d’épanouissement, à la limite de l’extravagance. Dans cette publicité, la grande fierté de la jeune femme se lit dans ses yeux. Elle se trouve intelligente, séduisante, élégante. C’est donc grâce à la conscience de soi que l’homme est capable de prendre du recul par rapport à ce qui lui est extérieur et de l’envisager comme un objet à connaître, de l’admettre ou de le transformer à chaque nouveau regard. La conscience de soi aide l’homme à s’identifier et à se situer dans le monde extérieur. Comme B. Lamizet le dit : « le sujet de la communication est un sujet dialectique de l’intersubjectivité et de l’apparence sociale. […] ces deux instances de la subjectivité apparaissent en toute signification. » 145 Ces deux publicités veulent donc nous transmettre ceci : si on achetait telle voiture ou tel bijou, on deviendrait la star qui pourrait capter tous les regards.

Notes
144.

Savignac, L’affiche de A à Z, Paris, hoëbeke, 2001, p. 33.

145.

Bernard Lamizet, La médiation culturelle, Paris, l’Harmattan, 1999, p. 420.