je salis, je paye
je jette, je ramasse
j’aime, je respecte
(Publicité pour la propreté urbaine de Grand Lyon)
Cette série de publicités utilise une forme de paradigme de la conjugaison, qui correspond au tableau de la conjugaison des verbes, ou de la déclinaison. Traditionnellement, on entend par paradigme le tableau des différentes formes qu’un mot peut prendre pour exprimer ses relations avec le reste de la phrase.
Cette série de publicités utilise la conjugaison des verbes et fait appel aux souvenirs d’enfance, aux souvenirs scolaires, à l’époque où il fallait apprendre les conjugaisons de manière impérative et par cœur. Il s’agit d’exprimer une norme sociale grâce à l’étroite relation entre « salir » et « ramasser », du fait de l’utilisation de la même personne grammaticale.
Chaque citoyen est un facteur indispensable dans la société comme tout pronom personnel dans la conjugaison des verbes. Il est obligatoire que chaque citoyen ait conscience de la nécessité de conserver l’environnement comme de respecter la structure grammaticale. Cette montre un devoir dans les deux sens du terme (le devoir civique et le devoir scolaire). La protection de l’environnement doit devenir un acte conscient de chaque citoyen pour respecter la propreté urbaine. Si tu jettes, tu ramasses ; si tu salis, tu payes ; si tu aimes, tu respectes.
La publicité implique une relation de conséquence obligatoire. Nous trouvons facilement trouver un exemple interprétant une telle prescription éthique dans la publicité chinoise:
您希望自己晚年生活怎样 (Publicité chinoise d’intérêt public)
[ni xi wang zi ji wan nian sheng huo zen yang]
Vous/espérer/vous-même/tard/année/la vie/comment
Traduction : comment espérez-vous vivre quand vous serez âgé?
L’image (au dessus) est constituée de cléset de signes phonétiques. Les caractères chinois sont 孝(Xiao) qui a le sens à la fois de respect, de bonne action envers les parents et de « bien traiterles ascendants ». (La notion de soin apporté aux parents implique à la fois du respect (statique) et de l’action permanente (les soins dus aux parents).
La graphie du terme « xiao » en Jiaguwen 151 évoque une personne âgée aux longs cheveux, et en jinwen 152 , une personne âgée aux longs cheveux et courbée, située en partie supérieure, s’appuyant sur la tête d’un enfant 子 (Zi), situé en partie inférieure. C’est la tête de l’enfant qui l’aide à marcher. Il est un vrai fils pieux, selon l’enseignement de Confucius (Kongzi).
孤 (Gu) a le sens de solitude, et ces deux caractères sont composés à partir d’une unité de base commune Zi - enfants – qui disparaît phonétiquement, mais constitue l’élément central des deux caractères. Le mot Zi a une fonction essentielle non seulement dans le domaine de la composition du mot, mais aussi dans la signification - Le caractère Zi est surmonté d’une clé et d’une partie phonétique noire formant ainsi un nouveau mot Xiao (respect). Et en même temps, le caractère Zi constitue avec une autre partie/clé située à droite un nouveau mot : Gu (solitaire).
Le sens littéral de Zi est au cœur même de la conception chinoise de la vie. Zi, comme descendant, doit respecter ses parents et leur obéir. Dans la société chinoise, les aînés se trouvent heureux s’ils sont respectés de leurs cadets, et sinon, ils se sentent isolés et solitaires, sans descendants à côté d’eux, comme le signifie le mot Gu: tout seul et sans appui.
Cette publicité qui se lit dans les deux sens, vertical et horizontal, est composée de deux proverbes :
La phrase verticale concerne 子顺养则孝 (zi shun yang ze xiao) la recommandation faite aux enfants – L’enfant doit respecter ses parents, et ses aînés. C’est grâce à son affection que le bonheur accompagne toujours les personnes âgées.
La phrase horizontale montre 子离弃则孤 (zi li qi ze gu) le résultat de l’isolement des parents : le vieillard qui vit sans affection, sans l’aide de ses enfants, sans personne, est très malheureux.
Les deux proverbes qui s’articulent sur Zi, comme repère, comme axe des huit Trigrammes 153 inculquent aux jeunes, un point de vue philosophique de la vie. Xiao (La piété filiale envers les parents) est depuis toujours une conception éthique. Ces deux proverbes nous conseillent de ne pas oublier les parents, c’est notre devoir. C’est une vertu sociale. « […] les idéogrammes se présentent non pas comme des marques arbitrairement imposées, mais comme autant d’êtres doués de volonté et d’unité interne. » 154
Au cours de l’analyse de cette publicité, une autre image sur Xiao 155 nous est venue à l’esprit: la forme du mot Xiao est constitué par des recommandations de vie qui circulent telle l’énergie vitale en suivant les contours du corps. Elle propose un bon exemple aux enfants : on doit apprendre dès le plus jeune âge à être guidé par la raison, comme image par voie organique qui se réfère au Dao. La signification première de Dao est « chemin » ou « voie » ; le caractère évoque avant tout l’image d’une voie à suivre, mais aussi d’une méthode et désigne le chemin que l’on suit pour agir.
Dans cette image, le corps du jeune homme n’est composé que de recommandations.
Deux prescriptions sont introduites à deux endroits : l’une a été mise au niveau de sa bouche : « obéir aux parents » ; une autre, à la place de son cœur : « respecter les parents volontairement ». Comme jeunes, nous avons l’obligation morale et sociale de subvenir aux besoins des parents. Nous sommes les premiers responsables vis-à-vis de nos parents comme le montre l’image : nos parents sont toujours attachés à notre palanche. Comme dans ce corps représenté, la vertu est présente en circulant dans tout l’être, et le parcourant.
D’après l’analyse de deux mots Xiao et Gu, il semble qu’on vient de suivre un cours de morale 156 : si nous voulons avoir une vieillesse heureuse, nous devons commencer par respecter nos parents. Cette publicité s’inspire du fait que le bonheur traditionnel chinois est fondé sur la co-habitation de quatre générations sous le même toit. Un idiotisme en est la preuve : « plus de descendants, plus de bonheur et de richesses ». Ainsi « comment espérez-vous vivre quand vous serez âgé? » préconise-t-il que les Chinois se transmettent de génération en génération la vertu traditionnelle.
On peut ainsi observer que dans la culture chinoise, l’image, à l’origine de la création des mots, fonde les structures profondes de la culture. Les Chinois peuvent comprendre de manière empirique la juste signification d’un mot par l’interprétation de sa structure. L’interprétation se fonde souvent sur le sens symbolique et implicite des mots. Dans la vie courante, les Chinois pratiquent les jeux de mots et devinettes et s’amusent à prédire l’avenir à partir des caractères(glyphomancie).Mais on ne peut pas éviter que des charlatans profitent de cette possibilité offerte par la structure des mots, pour abuser les gens crédules.
La société chinoise est fondée sur un système patrilinéaire (un chinois appartient à la lignée du père). Le lien de parenté est plus large que celui pratiqué en Occident : il couvre quatre générations : lignée principale et collatéraux. C’est selon cette structure que s’est édifiée la notion de 家/jia/famille, maisonnée. Jia cimentée par l’affection-respect-obligation (mari-femme, frères-sœurs, enfants-parents, enfants/petits enfants-grands parents), apparaît comme la plus importante des pratiques sociales des Chinois.
Cette tradition de vie se heurte aux contraintes de la vie moderne. Avec un individualisme socio-économique qui monte en puissance, avec une certaine dissolution des relations familiales (notamment en ce qui concerne la co-résidence - quatre générations sous un même toit), avec les difficultés financières, on assiste à une déperdition de la structure familiale classique et de ses rapports coutumiers.
C’est pour dissiper les écarts entre membres d’une même famille et remettre à l’ordre du jour cette « affection » familiale, que les autorités chinoises ont lancé une campagne de sensibilisation à cette thématique.
Quand les parents boivent…les enfants “trinquent”
L’image montre un jeune homme paralysé qui doit marcher avec « une paire de cannes » faite de deux bouteilles à vin à l’envers, il a l’air innocent. Peut-être se demande-t-il pourquoi il n’est pas comme les autres jeunes gens. L’esquisse d’un verre apparaît dans le fond de l’image et le texte écrit en haut et en bas répond bien à cette question: tout cela est dû à ce verre dans lequel les parents se sont noyés. En fin de compte, c’est la génération suivante – celle de l’enfant qui subit du personnage les conséquences de la boisson.
身教重于言教
[shen jiao zhong yu yan jiao]
Traduction : l’enfant marche sur les traces de ses parents (publicité institutionnelle chinoise).
L’image de cette affiche est composée de deux traces de pas partiellement superposées: l’une est une trace du père, l’autre, d’un enfant. Et le texte « l’enfant marche sur les traces des pas des parents» comme une devise est bien cadrée sur la plante du pied.
Cette affiche nous enseigne que nous, en tant que parents, devons faire chaque pas, en pensant au futur de notre jeune génération.
Ces deux publicités recommandent que les parents soient les premiers éducateurs de leur enfant. Celui-ci grandit naturellement en imitant les adultes, en reproduisant les habitudes, le comportement et les conceptions de ses parents.
Caractères gravés sur la carapace de tortue ou autres os d’animaux.
Une écriture moulée ou gravée sur les bronzes pour noter le nom du propriétaire et expliquer les raisons du moulage.
L'interprétation se fait à partir de 8 symboles, les « Huit trigrammes » qu’on appelle souvent ba gua. Un ensemble de figures dont les rapports internes sont régit par des lois de transformation, selon les principes d’alternance Yin et yang. Chaque figures de base est composée de trois traits superposés, traits pleins représentant le yang et traits brisés le yin. C’est ainsi que l’idée du ciel est représentée par trois traits pleins, et celle de la terre par trois traits brisés. Tout au long de l’histoire chinoise, ce système n’a cessé de jouer un rôle important, tant sur le plan philosophique (idée de mutation) que dans la vie courante (horoscope, géomancie et autres pratiques divinatoires).
François Cheng, L’écriture poétique chinoise, Paris, Seuil, 1996, p.14.
Introduit du livre 意匠文字 « yi jiang wen zi » ce tableau est d’une composition originale, auteur 吕胜中 (Lu Shengzhong),Beijing, Edition des Jeunes chinois, 2001, p.507.Les Chinois croient que les mots cachés en image/tableau sont plus implicites et discrets.
Selon le plan pédagogique, les élèves doivent se former sur le plan moral, intellectuel, physique et esthétique.