La publicité de la plupart des banques françaises s’oriente de plus en plus vers la vie quotidienne des citoyens. On peut citer comme l’exemple, « Il existe une vie active après la vie active » (publicité pour BNP Paribas, voir le détail dans la partie du langage) et « L’amour, c’est un baiser qui dure toujours. » (Publicité pour le Crédit Lyonnais).
Dans la première publicité, ce que nous voyons sur le dossier d’un fauteuil au bord d’une piscine, c’est une robe tunisienne ou marocaine, symbole de voyage, de vacances et donc de moyens financiers. Le texte « la petite laine de ma grand-mère Françoise » joue volontairement à contresens. La « grand-mère » dont il s’agit ne reste pas comme ses ancêtres calfeutrée chez elle, avec son petit gilet de laine sur le dos, mais elle voyage, elle va se réchauffer aux pays du soleil : sa « petite laine » est cette robe traditionnelle maghrébine. En outre, la petite laine fait écho dans l’esprit des contemporains au « bas de laine » dans lequel les « anciens » étaient censés entasser et cacher leurs économies. Entre l’image et le texte, il y a presque une antinomie et c’est ce qui fait la saveur et le sens de l’ensemble, comme son message caché.
Etant actif, on doit penser à la retraite que l’on prendra - normalement. L’avenir après la retraite est prévue, et sera bien protégé par BNP Paribas. Pour inciter à l’épargne retraite, BNP joue sur l’antanaclase homophone et homographe : « il existe une vie active après la vie active ». Le second emploi de « vie active » désigne la vie professionnelle, la vie de ceux qu’on appelle les actifs. Le premier, « vie active », qualifie une vie pleine d’activités hors du contexte professionnel. BNP joue sur la double connotation implicite de l’adjectif qui suggère dans un sens les contraintes de l’exercice d’une profession et dans l’autre le loisir. Le mot « vie » a à lui seul un impact important : premièrement, il encourage les actifs à épargner dès maintenant s’ils espèrent une vie agréable plus tard ; deuxièmement, il est là comme un antidote pour chasser la hantise cachée au fond du cœur des travailleurs: après une vie professionnelle, c’est une vie monotone et la mort qui nous attendent. Si on suit le conseil implicite de cette banque, on pourra avoir une vie agréable après la retraite.
La deuxième publicité analysée est celle du Crédit Lyonnais : « L’amour, c’est un baiser qui dure toujours » (voir dans la partie consacrée à l’influence de la culture nationale). Dans son rédactionnel, cette publicité utilise une formule mêlant l’anglais et le français : « Happy liste » peut renvoyer à un univers plus prosaïque que celui des grands sentiments, celui de la consommation. Le Crédit Lyonnais ouvre un compte spécial aux futurs mariés pour qu’ils se tournent vers cette banque et ses services, pour leur liste de mariage, plutôt que d’aller vers un magasin traditionnel. Happy Liste se caractérise par sa nouveauté, sa facilité et le fait qu’elle ne promet que du bonheur, comme l’affirme son slogan : « Pour le meilleur et pour le meilleur » opposé à l’expression consacrée « pour le meilleur et pour le pire ».
Troisième exemple, Crédit Coopératif
Le Crédit Coopératif est un groupe organisé autour d’une banque mutuelle associative ; C’est une société anonyme à capital variable, dans laquelle chaque sociétaire a du pouvoir. Cette institution connaît et partage les ambitions de ceux qui l'ont choisie, les objectifs et la situation de chaque type de clientèle avec laquelle est s’efforce d’imaginer des relations beaucoup plus humaines que les rapports traditionnelles entre l’entreprise et ses « adhérents » dans les domaines sanitaires et sociaux, éducatifs, sportifs, culturels et bien d'autres. Nous essayons de voir par cette série de publicités comment sa vocation est de « concourir au développement des personnes morales qui composent l’économie sociale ». L’économie sociale désigne, en français, l’activité économique qui n’est pas destinée au profit mais à l’amélioration de la société.
La version « partage si t’es un homme » qui attire l’attention des lecteurs par sa provocation machiste montre en fait que depuis plus de vingt ans, le Crédit Coopératif est le leader des services bancaires solidaires. Cette banque propose des services qui donne un sens à l’épargne : 15 euros pour le tennis de Zoé, 7 euros pour le cinéma de Fred, 7, 50 euros pour la baby-sittter, 1,05 euros pour le pain de ce soir. La notion de partage fonde la solidarité et l’économie associative.
La version « faites le bien, faites le vite, changer de banque » allie deux critères très valorisants actuellement : réussite et rapidité. Le changement rapide de banque apportera la « vraie » réussite, puisque avec la Carte Bleue Agir, à chaque retrait que vous effectuez, 6 centimes d’euros sont versés à une association humanitaire ; on apporte ainsi un petit « plus », là encore à l’image de ce qui se passe au sein de la famille : des crayons pour Juliette, une salade pour le dîner, des carottes pour le hamster. Cette Carte Bleue Agir peut changer la vie, et aussi la vie des autres.
La version « vous serez fiers de votre banque » explique qu’avec les services d’épargne du Crédit Coopératif, on partage à la fois de l’argent et des causes publiques qui tiennent à cœur : l’insertion, le handicap, l’environnement, le commerce équitable… Surtout, elle rappelle que la banque est associative et qu’elle est donc la propriété de ceux qui y adhèrent et qu’ils font de cette adhésion une cause politique à défendre.
Cette série de publicités a pour but de changer la mentalité et le comportement des citoyens : placer de l’argent dans cette banque fait participer à de grandes causes : lutter contre la faim dans le monde, protéger les enfants en danger, favoriser l’insertion, aider les personnes handicapées, etc. Selon ces publicités, dans les activités sociales la morale s’intègre à l’économie quand le développement social atteint un niveau économiquement avancé : le développement économique peut favoriser la moralité sociale. L’économie reflète non seulement les besoins élémentaires du public, mais aussi son engagement moral. Le nom « Crédit Coopératif » connoté avec l’éthique et l’humanisme nous aider à nous situer à un niveau supérieur comme le discours le dit « Il y a des gens bien là-haut », parce qu l’épargne solidaire est une valeur qui élève ceux qui en sont acteurs.
中信家家乐
[zhong xin jia jia le]
中信zhong xin = CITIC Industrial Bank (Chine)
家家 jia jia = chaque/toute famille
乐 le = content/plaisir
Traduction : CITIC fait plaisir à chaque/toute famille.
Cette publicité concerne un prêt individuel qui couvre les domaines suivants :
Cette publicité représente un paysage agréable à la campagne : près d’une rivière bordée de roseaux, un enfant regarde au loin. L’enfant, considéré comme sujet, est le représentant de la famille, parce que dans la tradition chinoise (comme au demeurant dans l’esprit des Français) il apporte la joie et est symbole de l’avenir. Le regard de l’enfant que nous voyons le dos sur l’image est donc le même que la nôtre : tourner vers l’avenir. Et toutes ces promesses matérielles et affectives pour la famille sont censées être assurées par la Banque dont le discours publicitaire dénote nettement l’univers matériel et la valeur cardinale de toute famille : « une maison, une voiture et plus d’amour ». Cet objectif de « bonheur familial » sera réalisé grâce à l’argent emprunté à la banque.
L’analyse de corpus nous permet de distinguer trois aspects de l’économie dans la publicité: D’une part, il y a la référence à l’économie dans l’argumentation et la rhétorique de la publicité : c’est le cas de Gaz de France, mais, finalement, c’est une référence assez ancienne de la publicité que de fonder son argumentation sur le prix. D’autre part, il y a certaines publicités qui s’inscrivent dans la culture économique conçue comme un champ de savoir, comme un domaine de l’information : c’est le cas des publicités comme l’expression « Il existe une vie active après la vie active », qui font référence au lexique de l’économie (ici, l’expression « vie active ») pour leur expression et leur argumentation. Enfin, il existe des publicités pour des activités ou des entreprises qui interviennent dans l’économie : c’est le cas des publicités pour les banques.
L’activité bancaire consiste à collecter des fonds, qui, mobilisés sous des formes variables permettent le financement de l’activité économique. Le fonctionnement de la banque représente le niveau du développement de l’économie du pays. Pour les banques françaises, les services de banque couvrent tous les besoins de toutes les couches sociales : les biens matériels, la protection familiale, la culture, les loisirs, etc., alors que la principale fonction de la banque chinoise est d’aider les habitants à satisfaire leurs besoins élémentaires : logement, voiture, éducation…. Son éventail de services n’est donc pas aussi grand que celui de sa partenaire française. En outre, il y a vingtaine d’années, il n’y avait que des banques d’Etat : Banque de Chine, Banque de la Construction de Chine, Banque de l’agriculture de Chine. Mais au fur et à mesure de la progression de la réforme économique, on voit d’un côté la naissance de banques chinoises spécialement commerciales, de l’autre l’entrée de certaines banques étrangères sur le marché chinois: succursales du Crédit Lyonnais, de la Société Générale…Depuis peu, les banques étrangères jouissent de la même possibilité de faire des affaires en Renminbi 164 que les banques chinoises ; cela stimule largement leur enthousiasme pour l’exploitation du marché en Chine. Cette évolution bancaire prévoit un grand espace pour la communication publicitaire. Ainsi pouvons-nous voir que la rhétorique publicitaire s’appuie sur les évolutions idéologiques et politiques qui organisent les transformations de l’économie chinoise. La comparaison entre les publicités françaises et les publicités chinoises s’exprime et se manifeste la différence entre les logiques et les systèmes économiques des deux pays, et par conséquent, des deux cultures dans lesquelles ils expriment leur identité. Pour mieux comprendre la signification de différences dans la thématique de l’économie qui s’exprime dans les publicités des deux pays, nous devons absolument rappeler l’histoire différente de la Chine et de la France sur le plan économique.
La monnaie chinoise.