« En fin de compte, […] Une publicité réussie ou non, ne dépend pas complètement de l’économie, mais de son contenu culturel […] et de la notion de valeur qu’elle inspire » 170 . La publicité encourage au maximum le consommateur à parcourir de bon gré le chemin culturel qu’elle propose. Elle devra donc s’articuler aux structures de la culture, du profil social, de la place économique réels, mais aussi – et peut-être surtout – rêvés, désirés. Une bonne publicité serait en quelque sorte celle qui renvoie au consommateur, l’image de soi qu’il désire. La publicité joue un rôle de médiation ; cette relation n’est plus seulement celle de consommation, mais plutôt une relation culturelle.
Le publicitaire se donne intentionnellement un rôle culturel comme un écrivain, un poète, un artiste, il structure son message autour de formes culturelles implicites ou explicites afin d’exprimer cette valeur ajoutée symbolique qui pourra susciter le désir.
Mais la France comme la Chine doivent affronter ce qu’il est convenu d’appeler la mondialisation des échanges : la plus ou moins libre circulation des marchandises, des idées, voire des manières de vivre. Il s’ensuit l’établissement progressif d’une forme d’interculturalité. Dans ce travail, nous nous sommes interrogés sur la part de la culture propre à un pays dans sa publicité. Nous avons étudié l’importance relative de la culture et de la transculturalité dans la publicité française et dans la publicité chinoise.
Mais, il ne faut pas se leurrer, les publicités chinoises vantant des produits modernes et une consommation de type occidentale tout en étant de tradition chinoise, ne concernent, pour l’instant, qu’une minorité. Actuellement, on compte d’un côté environ 250 millions de chinois qui peuvent être des consommateurs en ayant le même niveau de vie et les moyens des pays occidentaux, et pour le reste de la population, c'est-à-dire plus d’un milliard de gens, la consommation fondée sir le désir/plaisir, n’est pas de mise : leur rêve est simplement de pouvoir disposer des produits de base nécessaires à la vie, voire de manger à leur faim. Mais si tout le monde ne peut pas consommer à sa guise, en revanche, tout le monde peut voir des publicités, qu’elles soient sur des affiches ou à la télévision. Et ces publicités ne suscitent pas toujours l’acquisition, bien sûr, mais certainement le désir de pouvoir un jour acquérir ou consommer.
Depuis l’ouverture de la Chine vers l’extérieur et surtout depuis son entrée dans l’OMC 171 , la consommation s’oriente vers les nouveautés étrangères, les marques mondialement célèbres, les produits fins et les produits de luxe. La société chinoise se tourne donc progressivement vers la valeur ajoutée. Les entreprises étrangères s’appuient sur cette tendance pour occuper le marché. Cela contraint les entreprises chinoises travaillent elles aussi la qualité, la crédibilité de leur production (bon produit, bon service) et son image dans l’espace public.
Pour la Chine, l’explosion de la communication publicitaire symbolise le développement économique et sous-entend aussi certaines orientations politiques. En effet, la démarche des agences publicitaires ne se limite pas au domaine économique, elle joue aussi un rôle important dans la dimension politique et idéologique de la communication.
« La culture est une réalité importante dans la vie des sociétés humaines. C’est à la fois une force d’homogénéisation et de différenciation. Elle constitue un support primordial de la cohésion sociale, en unifiant d’une façon symbolique et émotionnelle le corps social. En même temps, elle différencie le groupe. » 172 Notre travail s’est efforcé de montrer que le consommateur, aussi bien français que chinois, ne cherche pas à acquérir tel ou tel produit, seulement pour son usage, mais aussi pour la satisfaction psychologique, culturelle, idéologique et sociale qu’il lui procure : le consommateur achète un statut, de la considération et une « face », trois données qui sont différentes selon qu’on est chinois ou français. A travers la marchandise, nous acquérons une identité, nous achetons du sens.
Bien que les montants investis dans la publicité d’intérêt public soient inférieurs à ceux qui sont investis dans la publicité commerciale, la première joue un rôle de plus en plus importante dans les deux sociétés, car elle vise à transformer les attitudes et les comportements en vue du bien commun - à raffermir ou à abolir des habitudes. C’est une des raisons pour lesquelles la publicité commerciale parasite parfois la publicité d’intérêt public pour accroître sa crédibilité et mieux convaincre le consommateur.
La société chinoise est passée d’une économie planifiée, centralisée et dirigée par l’Etat à une économie de marché. C’est cette évolution qui permet de comprendre les bouleversements contemporains de la communication publicitaire. Elle permet, en particulier, de comprendre dans quelles conditions s’élabore la transformation de la sublimation exprimée par la publicité. Tandis que la culture chinoise classique fait reposer la sublimation sur la représentation de valeurs fondées sur des conceptions collectives de l’identité, la communication publicitaire contemporaine, inspirée par la culture occidentale, s’engage dans une logique de la sublimation fondée sur l’exaltation de valeurs individuelles et sur la formulation d’un idéal social qui repose sur un idéal social et politique, sur un idéal de la subjectivité et sur un idéal des pratiques sociales formulés dans des logiques qui articulent, même si elles peuvent être contradictoires, la culture chinoise classique et les cultures occidentales contemporaines.
LI jianli, la culture de publicité, Beijing, Edition de l’université de radio-diffusion de Pékin, 1998, p.5.
Le 10 novembre 2001.
Jean Fleury, La culture, France, Bréal, 2002, p. 128.