1.2.1 – L’âge d’or de la dynastie

Le temps de cette association correspond à l’âge d’or de la dynastie des Duplain. Les frères sauront créer un réseau familial et commercial, innover en matière d’antiquariat et publier un nombre considérable d’ouvrages qu’ils soient licites ou illicites. Chaque point fera l’objet d’un traitement particulier dans ce travail.

Pierre et Benoît s’associent en 1740 sous l’appellation des « frères Duplain », dénomination sous laquelle ils sont connus et reconnus. Lorsque l’un ou l’autre des frères est amené à voyager, il donne procuration à celui qui gère les affaires à Lyon. C’est le cas de Pierre le 14 mars 1740

‘Il donne pouvoir de pour luy et en son nom pendant son absence, veiller au bien de leur commerce, vendre et acheter marchandises, les payer comptant ou au terme que sera convenu ; accepter purement et simplement ou sous bénéfice d’inventaire les successions qui pourroient lui échoir, ou s’immiscer simplement dans lesdites successions, intenter et défendre toutes instances et procès, plaider, substituer promesses à plaids, élire domicile, traiter et transiger, passer tous actes nécessaire. Et généralement faire tout ce que le constituant pourroit luy même 84  :’

La littérature n’a apportée que très peu d’indications sur cette période (1740-1760). La plus célèbre citation se trouve dans le « Rapport de Cl. Bourgelat, sur le commerce de la librairie et de l’imprimerie à Lyon » 85 , réalisé en 1763. Ce directeur de l’Académie d’Equitation de Lyon, nommé inspecteur de la librairie rédige un rapport sur l’état du commerce de la librairie à Lyon qu’il adresse à M. de Sartine, lieutenant général de police. Les frères sont appréciés par Bourgelat de par leur droiture et la qualité de leur production, tant française qu’étrangère :

‘Pierre Duplain est sindic de la Communauté. Sa douceur et sa droiture le rendent estimable à tous égards ; son commerce embrasse les livres pour lesquels il a obtenu des privilèges et des permissions du sceau, ainsi que les livres qu’il tire de Paris et de l’étranger. ’

Benoist Duplain, son frère, cy-devant son associé, fait le même commerce avec honneur 86 .

Quelques allusions aux frères sont faites dans le tome deux de la Correspondance littéraire et anecdotique entre Monsieur de Saint Fonds et le Président Dugas 87 . Les citations portent sur certaines publications des Duplain ainsi que sur le catalogue de vente de la bibliothèque de M. le comte d’Hoyn 88 . Marius Audin dans le volume six de Somme typographique 89 ne traite pas la famille Duplain. Il se contente de nommer Pierre , syndic de la chambre syndicale, qui accompagne le 26 août 1760, Christophe Larochette , avocat en parlement (faisant fonction de lieutenant de police) et un huissier au domicile de Denis-Joseph Vialon pour y perquisitionner. Ce dernier étant accusé d’avoir imprimer une chanson Sur l’air du cantique du Chaste Joseph, celle-ci contenant « dix-huit couplets relatifs à la fabrique des Etoffes de soyes de cette ville, aux Maîtres Marchands et aux Maîtres ouvriers de ladite fabrique ». Le Catalogue des lyonnais dignes de mémoire 90 de Claude Bréghot du Lut, La vie intellectuelle à Lyon dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle 91 de Pierre Grosclaude, comme Lyon et les lyonnais au XVIIIe siècle 92 de Maurice Garden, s’ils mentionnent les Duplain, n’apportent aucune indication sur cette famille. Louis Trénard dans Lyon, de l’Encyclopédie au préromantisme 93 se risque à classer Benoît Duplain comme spécialiste de la publication de « thèses médicales et chirurgicales », ce qui n’est pas avéré.

Les fiches de l’enquête menée à l’ENSSIB par Dominique Varry, Gens du livre à Lyon au 18 e siècle ont permis d’installer un premier cadre de travail. Elles ont été réalisées selon l’organisation suivante : Etat civil, Formation et activité professionnelle. Le généalogiste Fabien Cler, par son travail de recherche familial a permis de compléter la partie état civil et par conséquent les liens familiaux. Des fiches ont été constitutées pour chaque membre de la famille Duplain 94 , pour les alliances familiales proches ainsi que pour leurs principaux associés 95 . L’Almanach de Lyon présenté dans les Pièces maîtresses des sources donne des informations importantes et précises sur l’activité professionnelle des frères. La rubrique « Chambre syndicale de l’imprimerie & librairie » permet de dresser la liste des dix syndics et leurs adjoints qui se sont succédés pour la période 1731-1793 96 . Les trois premiers hommes de la dynastie ont été en charge du poste de syndic, Marcellin est dit syndic en 1735, nous pouvons supposer qu’il l’a été au moins deux années ; Pierre honore cette fonction pendant dix années, 1755-1765 et Benoît pendant quatre ans, 1771-1774. Ainsi, sur la période qui nous intéresse 1735-1774, soit trente-neuf ans, les Duplain cumulent à eux seuls seize années de syndic. Si l’on ajoute les années détenues par leurs associés, Roch Deville, deux ans (1742-1743) et Pierre Bruyset Ponthus 97 deux années (1766-1768), nous constatons qu’ils contrôlent la librairie lyonnaise pendant vingt ans. Ils sont également présents comme adjoints de 1743 à 1744 pour Pierre et 1745 à 1754 pour Benoît, soit onze années.

Graphique : Les syndics de la chambre syndicale de la librairie lyonnaise, 1735-1790
Graphique : Les syndics de la chambre syndicale de la librairie lyonnaise, 1735-1790
Graphique : Les frères Duplain dans la chambre syndicale lyonnaise, 1743-1774
Graphique : Les frères Duplain dans la chambre syndicale lyonnaise, 1743-1774

La principale source qui renseigne sur leur activité est incontestablement leur production littéraire qui sera analysée dans le chapitre deux, L’offre éditoriale des Duplain en France et Europe.

Notes
84.

Procuration Sieur Duplain [Pierre], Sieur Duplain [Benoît], 14/3/1740 - ADR, 3E4690

85.

Bourgelat Claude, « Rapport de CL. BOURGELAT sur le commerce de la librairie et de l’imprimerie à Lyon en 1763 », Revue d’histoire de Lyon, 1914, volume XIII, pp. 51 à 65

86.

Ibid

87.

Bottu de la Barmondière François, Correspondance littéraire et anecdotique entre monsieur de Saint-Fonds et le Président Dugas : 1711-1739, Lyon, M. Paquet, 1900, pp. 85, 303, 304

88.

M. Le Comte d’Hoym, seigneur saxon qui mourrut à Dresde, fut le favori du roi de Pologne et son ambassadeur à la cour de France. Il constitua sa bibliothèque pendant son ambassade.

89.

Audin Marius, Somme typographique : les imprimeurs à Lyon, volume VI, Manuscrit inédit, 5 p.

90.

Catalogue des lyonnais dignes de mémoire, Bréghot du Lut Claude, Péricaud aîné, Paris, Techener, Lyon, Giberton et Brun, 1839, p. 429

91.

Grosclaude, Pierre, La vie intellectuelle à Lyon dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, Paris, A. Picard, 1933, pp. 166-172-173

92.

Garden Maurice, Lyon et les Lyonnais au XVIIIe siècle, Paris, Flammarion, 1975, p. 463

93.

Trénard Louis, Lyon de l’Encyclopédie au préromantisme, Paris, PUF, 1958, 2 vol., p. 13

94.

Annexe 4, volume 2, pp. 65-90

95.

Annexe 3, volume 2, pp. 13-64

96.

Annexe 1, volume 2, pp. 5-8

97.

Annexe 3, volume 2, p. 31