1.3 – La relève sera-t-elle assurée ?

1.3.1 – L’ambitieux conseiller secrétaire du roi : Joseph-Benoît Duplain de Sainte-Albine

Joseph Benoît fils de Benoît, que nous nommerons Joseph pour plus de commodité, né et baptisé le 12 mars 1747, a pour parrain Joseph Poujol et Claudine Mandiot comme marraine 142 . Après avoir réalisé d’excellentes études à Lyon 143 , il entre en apprentissage à seize ans chez Aimé Delaroche. Il hérite du fonds de librairie de son père « en témoignage de la satisfaction que je ressens de sa bonne conduite, de son ardente application au travail et de son intelligence dans mon commerce qu’il conduit avec moi depuis plusieurs années » écrit Benoît. Ainsi, peut-il « continuer le commerce de la librairie dans lequel il est très versé », commerce « qu’il a mis dans une situation fort avantageuse » 144 . M. Audin donne une bien piètre image de la librairie lyonnaise au moment où Joseph se lance seul dans la profession.

‘Pendant que Didot, à Paris, fait le superbe effort d’où sortira, après la Révolution, la magnifique Collection des « Editions du Louvre », nous nous traînons, à Lyon, dans les plus basses ornières. Malgré toutes les exhortations, malgré les menaces administratives, la fraude continue de plus belle ; les libraires lésés ou qui prétendent l’être se fâchent et actionnent les contrefacteurs 145 .’

A la mort de son père en 1774, Joseph commence son activité de libraire seul, il est alors âgé de vingt-sept ans, il va exercer ce métier de 1774 à 1778 rue Buisson. Très tôt, il se met dans l’illégalité en s’associant avec la Société typographique de Neuchâtel(STN). Dans une lettre rédigée le 13 janvier 1773, il écrit à la STN

‘Nous entrerons volontiers en liaison d’échange avec vous, mais à prix nets de marchand en blanc et non autrement, fournissés moi Nottes de toutes les sortes, je choisirai et voici les miennes 146 .’

En 1773, il publie une série de trois cents deux ouvrages dont le privilège, qui remontait au siècle dernier, appartenait à la veuve Desaint, de Paris, mais que Duplain prétend avoir acquis de Barbou de Limoges et d’Hérissant de Paris. Il est condamné, le jugement est rendu le 27 septembre 1777. Il ne fut pas le seul à être inquiété à Lyon, au même moment les libraires Barret, Buisson, Grabit, Regnault subissent également les plaintes de la veuve Desaint 147 . Joseph pressent que sa fortune ne viendra pas de la librairie traditionnelle, la librairie clandestine s’avère dangereuse (Voir la troisième partie du chapitre deux, l’offre éditoriale des Duplain en France et en Europe). Aussi , imagine-t-il une autre source de revenus, à l’automne 1776, il se lance dans l’édition de l’Encyclopédie de Diderot (affaire relatée dans la partie, l’Encyclopédie de Joseph Duplain.

Notes
142.

Baptême de Joseph-Benoît Duplain, 12/3/1747, AML, 1GG094, film 40, folio 33

143.

Roman d’Amat Jean-Charles, Dictionnaire de biographie française, Paris, Letouzey et Ané, 1970, vol. 12, p. 374

144.

Codicille Duplain [Benoît], 26/5/1770 – ADR, 3E4714

145.

Audin Marius, « L’imprimerie à Lyon », Revue du Lyonnais, 1929, p. 101

146.

Lettre de Pierre-Jacques Duplain à la STN, 13/1/1773 - STN, ms 1205

147.

L’affaire est relatée dans la deuxième partie du chapitre 2, l’Offre éditoriale des Duplain en France et en Europe