Le départ de Lyon

Nous nous interrogeons, Joseph a-t-il aimé son métier de libraire ? Si l’on en croit un article qu’il écrit sous le nom du « Comte de B*** », dans un numéro du journal du 27 juillet 1789, il n’admettait pas la forme que ce métier prenait, bien qu’il en ait grandement profité :

‘Les maîtrises, les Jurandes, ainsi que les privilèges doivent être abolis dans tout le Royaume, sans excepter aucun état, ni aucune profession. C’est au talent seul qu’est dû la liberté de l’exercer. La permission d’ouvrir un magasin dans nos villes doit être absolument gratuite, parce que celui qui se dévoue à un état pour gager de l’argent n’est pas dans le cas d’en dépenser 189 .’ ‘Le privilège en matière de librairie, est comme tous les autres privilèges, un attentat au droit naturel.
Armé du « parchemin despotique » le Libraire met le public à contribution, il nuit aux progrès des sciences, en fixant à ses livres des prix arbitraires & exagérés… Un livre imprimé appartient à celui qui l’a acheté. Il a sans contredit le droit d’en multiplier les copies & plus il réussit à les multiplier, plus il est utile à la société en propageant les découvertes. Il faut que chacun ait la liberté de publier ses pensées, de copier celles des autres, de les développer, de les corriger, d’instruire le public, & pour cet effet, chacun doit avoir le droit de faire des Gazettes, de composer des mercures, de publier des journaux. Du choc des opinions naîtront infailliblement la lumière & l’instruction 190 .’

Il donne un traitement particulier aux libraires parisiens :

‘Comme Paris est le siège des Académies, le rendez-vous de tous les Gens de lettres, il n’y a de privilégiés que les Libraires de Paris, & de cette maniere tous leurs confreres de province sont réduits à la triste condition de revendeurs ; d’ailleurs, toutes les fois qu’un homme est privilégié, & qu’il ne craint point la concurrence, il s’endort sur son « parchemin », il ne va point au-devant de l’acheteur, il n’étend point ses affaires, & de là la langueur du commerce ; la diminution dans la consommation de nos papiers, & dans les labeurs nécessaires à entretenir nos ouvriers 191 .’

En Novembre 1780, le choix de Joseph Duplain est fait, il quitte Lyon pour n’y jamais revenir et renonce à tout jamais au métier de libraire dont son père le croyait si capable d’exercer. Le Roy avertit la STN :

‘M. Duplain a absolument quitté toutes affaires, je lui ai fait passer l’article et votre lettre ou vous le rapellez et il me charge de vous répondre qu’il est devenu tout a fait étranger à la librairie a laquelle il renonce pour toujours 192 .’
Notes
189.

Lettres à M. le Comte de B****, 27/7/1789

190.

Lettres à M. le Comte de B***, 27/7/1789

191.

Lettres à M. le Comte de B***, 27/7/1789

192.

Lettre de Le Roy à la STN, 29/1/1784 - STN, ms 1175