Affaire Fauche et l’exil de Pierre-Jacques

« Décrété d’arrestation » en 1772 pour importation de livres prohibés imprimés à Neuchâtel comme son cousin. Contrairement à son cousin Joseph, il est condamné et frappé d’une lettre de cachet. Nous n’avons que peu d’informations sur le motif de la condamnation de Pierre-Jacques. Il s’agirait d’une balle de livres expédiée par Fauche, l’associé de la STN, auquel il a joint « des livres contre notre présent gouvernement », écrit Pierre-Jacques. La balle aurait ensuite été contrôlée à cause de la « haine et la jalousie de ses confrères ». Il s’agirait d’une cabale organisée contre lui, le procureur général lui-même aurait « fait la cour » au chancelier pour le « sacrifier » ¹⁹⁷ . Quelques éléments sont néanmoins donnés par l’abbé Duret :

‘Visite faite par M. Pulignieu qui se fait accompagné de M. Périsse syndic chez M. Duplain fils de l’aîné sur deux lettres, une du Lieutenant de police de Paris qui disait savoir qu’il avait été expédié une feuille pour la Bretagne contenant des questions sur l’Encyclopédie, et correspondance, et puis M. le Chancelier qui se plaint amèrement de ce que les libraires de Lyon se donnent toutes sortes de licences et une liste des plus mauvais qui se déclarent ouvertement ou secrètement.’

Quant à la perquisition, nous savons, toujours grâce à l’abbé que :

‘La sentance y denommé. Trouvent en arrivant la maison investie, huit cavaliers, … n’avait pu échapper… de produire ses livres. Répond n’en avoir… montrer sa correspondance, ses lettres. Répond qu’il les brûle. On cherche jusque sous… mais avait été prévenu et tout avait été mis à l’écart. Fugitif car on lui avait conseillé de s’absenter, aurait été mis à la conciergerie avec les autres. Un colporteur en prison y sera trois mois au moins. Interrogé, mais n’a rien dit ¹⁹⁸ .’

Pierre-Jacques essaie bien de se tirer de ce mauvais pas, en faisant agir ses relations ou bien en se proposant de donner de l’argent aux uns et aux autres, rien n’y fait, la lettre de cachet ne peut être levée ¹⁹⁹ . La STN lui apporte son soutien ce qui le réconforte

‘[votre courrier] m’a consolé en partie de l’étourderie du Sr Fauche qui m’a causé le plus grand déplaisir et a failli m’occasionner le plus grand chagrin. Je suis charmé que vous n’approuvez pas sa conduite qui n’a pas été fort prudente dans cette occasion ²⁰⁰ .’

En août, le procureur général se présente à son domicile ²⁰¹ , contraint de fuir, « N’ayant pas jugé de me mettre la main dessus, j’ai pris le large  ²⁰² », il se prépare pour l’exil. Dès janvier son beau-frère Rosset signale à la STN qu’il n’est plus à Lyon ²⁰³ , lui donne les pleins pouvoirs, le 4 février 1773, pour que celui-ci vende son fonds ²⁰⁴ . Son beau-frère Louis Rosset ²⁰⁵ « est chargé de la régie » ²⁰⁶ de ses affaires lorsqu’il est absent ²⁰⁷ . Le 2 avril, Pierre-Jacques est à Paris ²⁰⁸ , le 22 mai, il s’est réfugié à Genève ²⁰⁹ . Le financement du voyage a probablement été réalisé par Pierre Bruyset Ponthus, avocat en parlement, ancien imprimeur libraire son grand oncle qui lui prête, en février 1773, sur six ans, la somme de sept mille quatre cents livres, contre une hypothèque de la maison des champs du Coin à Vaise qu’il possède avec sa sœur Andrée ²¹⁰ . Il est mis à contribution, dans son voyage forcé, pour recouvrer les créances de ses confrères, c’est le cas du libraire Teron de Genève pour Joseph-Sulpice Grabit  ²¹¹ , (procuration du 27 avril 1773 ²¹² ). Mais aussi pour le libraire Dessaint de Liège pour Madeleine Bruyset ²¹³ . Robert Darnton dans l’ Aventure de l’Encyclopédie prétend que la condamnation portait sur Joseph-Benoît ²¹⁴ , comme nous venons de le voir, il s’agit bien de son cousin Pierre-Jacques.