La famille Paganucci a été étudiée par Paul Feuga, ses recherches retranscrites en partie dans l’article Jean Paganucci (1723-1797) essai de biographie d’un dignitaire, compagnon de Willermoz. Elle est est originaire de Livourne en Toscane 330 où Jacques exerce le métier de marchand à la fin du XVIIe siècle. Son fils Bernardin migre à Lyon où il s’installe, rue de la Gerbe comme marchand gantier et parfumeur. Son activité est certainement liée à celle de son beau-père marchand parfumeur gantier également 331 . Il a deux filles dont la première, Fleurie (1725-1728) meurt très jeune, la seconde Françoise (1727-1810) épouse Aimé Poivre, négociant rue des Quatre Chapeaux. Aimé a pour cousin l’explorateur Pierre Poivre 332 , et comme neveu Pierre Sonnerat, explorateur des mers de Chine 333 . Jean 334 est le seul garçon de la famille Paganucci (1723-1797). Bernardin meurt en 1740 (la même année que Marcellin Duplain) à l’âge de cinquante ans. L’inventaire après décès de son magasin et de ses papiers donne des indications précieuses sur son activité. Dans sa boutique, on note des bombonnes de parfums fabriqués à Grasse et l’on dénombre cinq mille six cent soixante-quatre paires de gants de même que des peaux, ce qui montre qu’il est fabriquant tout en revendant les marchandises de gantiers grenoblois 335 . De l’analyse de ses papiers, on peut retenir qu’il est locataire principal de sa maison et qu’il « tient les comptes de marchands-fabriquants, en qualité de teneur de livres » 336 .
Jean ne devient pas maître fabricant en étoffes de soie d’or et d’argent bien qu’il ait été reçu compagnon 337 à l’âge de dix-neuf ans, il ne continue pas le commerce de gantier parfumeur de ces parents 338 . Il s’engage dans le métier de teneur de livres, expert comptable, dirions-nous de nos jours. En 1751, il épouse Anne 339 Grabit 340 installée à Lyon depuis trois ans où elle a ouvert un commerce de « Modes, de nouveautés et d’ouvrages d’agrément » en association avec la fille d’un receveur des coches d’Avignon 341 . En 1768, à la suite de la réquisition du prévôt des marchands, il vérifie et certifie dix années de comptabilité de l’Hôtel Dieu. En 1785, associé à son fils Aimé, ils ouvrent un bureau de liquidation des faillis pour venir en aide aux créanciers ou aux veuves et orphelins dont le chef de famille est décédé en activité. Afin de recouvrer ses créances, son fils parcourt l’Europe : la Hollande, Londres, Hambourg… Après thermidor, Jean est expert pour dresser les bilans de reprise des commerces séquestrés.
Parallèlement à ses activités professionnelles, il travaille à la rédaction d’un ouvrage qui « assure avec plaisir les connaissances les plus nécessaires aux Commerçants recueillis dans un livre commode & qu’on peut manier & transporter aisement » 342 . Il est publié sous le titre du Manuel historique, géographique et politique des négociants ou Encyclopédie portative de la théorie et de la pratique du commerce. Ce livre est réalisé avec la participation de « négociants instruits qui ont parlé de ce qu’ils savoient, & de ce qu’ilsavoient bien » 343 . Ce livre paraît sans nom d’auteur 344 , il est imprimé par Jean-Marie Bruyset en 1762 345 auquel il cède ses droits le 9 novembre 1761. L’ouvrage de deux mille cent vingt-cinq pages en trois tomes est un dictionnaire de neuf mille cinq cents articles qui décrit les pays et les villes avec leurs monnaies, leurs unités de mesure, leurs ressources et leurs besoins, les droits de douane, et les traités de commerce qui régissent leurs échanges commerciaux. A travers cet ouvrage, J. Paganucci fait œuvre d’économiste se plaçant dans la mouvance des encyclopédistes 346 .
Jean est d’un caractère doux et tranquille 347 , Delandine le dit modeste, savant et intègre 348 . Il possède des connaissances très variées, a pour ami le jurisconsulte Prost de Royer, l’abbé Rozier, l’abbé Raynal à qui il communiquait des documents intéressants pour une histoire philosophique 349 . Cet homme issu « d’une famille renommée pour sa probité » embrasse la maçonnerie 350 . Paganucci est intronisé par le Frère Jean-Antoine Hébert à une date inconnue et reçoit les patentes de la Loge des Vrais Amis le 10 mars 1761. L’année suivante, il participe à la création de la Grande-Loge de Lyon qui réunit les vénérables des Vrais Amis, de l’Amitié et de la Parfaite Amitié. Il s’agit d’une tentative de Willermoz pour regrouper les loges lyonnaises et s’affranchir de la tutelle parisienne, Paganucci sera son compagnon fidèle durant trente-deux ans (1759-1791) 351 . A la veille de la Révolution alors que Lyon sombre dans le marasme économique ambiant, une « Société philanthropique pour le soulagement des pauvres » (1789) est créée sous l’égide du Consulat pour distribuer deux cent mille livres de subsides. Paganucci souscrit la contribution minimum de quarante-deux livres, donne une paire de boucles d’argent et offre un local pour l’organisation de la collecte de son quartier 352 . A la suite de la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 qui met fin à toutes associations, Paganucci met en œuvre son idéal dans la Société philanthropique ou de bienfaisance chrétienne. Il en sera le président, assisté de l’abbé Rozier, des négociants Jean Braun et Louis Henry, et de l’homme de lettres, Charles Mathon de la Cour. A la fin du siège, contraint de fuir la ville il s’exile pendant seize mois et regagne son domicile au début de l’année 1795 où il fait lever les scellés de son appartement, quai Saint-Antoine le 2 février. Le 23 mars 1797, un décadi, jour d’élection locale, Paganucci préside le bureau de vote de son quartier dans une salle basse du bâtiment des Jacobins… et prend froid. Le 4 avril à minuit, âgé de soixante-quatorze ans, il meurt « d’un rhume catharal, victime de la confiance publique et de son zèle à remplir les fonctions où elle l’avait placé » 353 .
Comme nous venons de le voir, la famille Paganucci accueille la famille Grabit à Lyon. Outre Anne, qui s’installe rue Mercière, son frère François, marchand épicier, ouvre une boutique place Bellecour (il demeure rue du Charbon blanc, paroisse de Saint-Nizier en 1771 354 ). Un deuxième frère, Joseph-Sulpice vient faire son apprentissage de libraire rue Mercière. Les Grabit sont originaires de Saint-Geoire-en-Valdaine en Isère où leur père, Pierre 355 , assure la charge de notaire royal à Pont de Beauvoisin comme l’avait fait leur grand-père Antoine 356 , la succession est assurée par le fils aîné, Pierre-Daniel (né 1724). Joseph-Sulpice est l’un des onze enfants qui nous intéresse. Il semble avoir un visage agréable, long et gravé, des cheveux châtains sur un front découvert, des yeux gris bleu, un nez bien fait, une bouche moyenne qui surmonte un menton rond 357 . Il entre en apprentissage à l’âge de dix-neuf ans chez les frères Duplain en 1755 358 . Cinq ans plus tard, il se rend à Grenoble pour s’associer à Joseph Cuchet, un membre de sa famille, puis il est reçu libraire en 1766. L’année suivante, il épouse Anne-Marie Puy avec laquelle il aura une fille Blanche. Puis il s’installe à Grenoble, comme libraire, rue du Palais, paroisse de Saint-Hugues 359 . En 1771, se présente l’opportunité d’acheter le fonds de librairie de Madeleine Bruyset, veuve de Pierre Duplain. Après la vente 360 , Madeleine a conservé les « livres de raison » qui, hélas, ne sont pas parvenus jusqu’à nous. Le « livre de raison » est un journal manuscrit sur lequel le propriétaire note les différents comptes de son entreprise mais également des commentaires personnels, des éléments qui permettent de retracer la vie du propriétaire, on peut dire qu’il s’agit d’un « journal de bord ». Il loue les locaux des Duplain dans la maison des chanoines réguliers de Saint-Antoine qui comprend un magasin, un arrière magasin contigu et un petit cabine attenant pour cinq cents livres par an. Ainsi que les sept arcs et demi contigus, loués par les Révérends pères Cordeliers de Saint-Bonnaventure pour cent vingt livres par an. Le fonds de librairie est vendu cinquante deux mille quatre cents livres ce qui est bien peu par rapport à l’estimation de 1763 (quatre-vingt dix mille livres). Le frère de Joseph-Sulpice se porte caution 361 . le commerce se trouve rue Mercière n° 8, dans le local des frères Duplain.
Les publications 362 de Joseph-Sulpice Grabit ont été produites durant la période 1767 à 1793, elles mériteraient une étude plus approfondie. Cependant nous notons que pendant les deux premières années d’activité, il publie les Discours de Joseph-Michel-Antoine Servan, avocat général au Parlement de Grenoble. Voici quelques unes des causes défendues, Discours sur une déclaration de grossesse (1774), sur la Cause du comte de*** et la Dlle***, chanteuse d’opéra (1772), sur les Mœurs (1774), sur L’administration de la justice criminelle (1774). Un factum de Marie-Louise Bon et du comte Louis-François de La Baume de Suze (1772). Par la suite, il organise deux ventes de livres en 1777 363 et 1784 364 . En 1790, il publie le Catalogue des livres qui se trouvent chez Grabit, libraire 365 . La production de livres en son nom est faible, notons deux ouvrages réservés à l’enseignement, la Grammaire françoise simplifiée par M Domergue (1782) et la Méthode abrégée et facile pour apprendre la géographie de l’abbé A. Le François (1789). A partir de 1790, Grabit publie les quatre derniers titres : L’Homme de désir, par l’auteur des Erreurs et de la vérité (Louis-Claude de Saint-Martin, 1790), La Nouvelle Héloïse, ou Lettres de deux amans, habitans d’une petite ville au pied des Alpes (Jean-Jacques Rousseau, 1793), L’Accord de la religion et de la liberté, discours prononcé dans plusieurs clubs de cette ville et dédié à M. Lamourette, évêque du département de Rhône-et-Loire par M. l’abbé Barthelemi (1791), Motifs présentés à l’assemblée nationale, pour imposer sur les étoffes de l’Inde, un droit d’entrée proportionné à l’intérêt des manufacture françaises (sd).
Il commerce avec les libraires Martin 366 et Marguilan Nava 367 de Lisbonne, en témoignent les différentes procurations retrouvées dans les actes notariés lyonnais. En 1775, il est en litige avec Catherine-Michelle Chauchat veuve de Nicolas Dessaint et Louis Cellot, libraires à Paris 368 . En 1778, il essaie de récupérer le paiement des libraires Robert et Gauthier de Bourg-en-Bresse 369 .
Au moment de la crise de Varennes, il prend partie contre la Révolution. La municipalité lyonnaise, qui considère les prêtres insermentés comme autant de fauteurs de contre Révolution, a fermé la porte des Eglises non paroissiales où ils officient. Des visites domiciliaires sont lancées chez l’abbé Rousset de Saint-Eloi où l’on trouve des papiers qui témoignent de sa vive hostilité contre Lamourette et de la satisfaction avec laquelle il a accueilli la nouvelle fuite du roi 370 . En juillet 1791, une perquisition est menée chez Grabit par l’officier municipal Vingtrinier et le commissaire de police Mathieu, qui amène à la découverte dans la soupente dépendante de la cuisine 371 , de soixante-douze exemplaires de la Dénonciation aux Français catholiques des moyens employés par l’Assemblée nationale pour détruire en France la religion catholique d’Henri Audaniel 372 . Cet écrit incite à la désobéissance aux lois et au meurtre des législateurs. Grabit est arrêté et déféré à l’accusateur public. L’abbé Duret relate l’affaire en quelques mots
‘Les demoiselles Michalet ou Michalon, marchandes de dentelles, menées à l’hotel de ville pour avoir distribué un catéchisme sur le schisme. L’une couche à la cave, l’autre au charbonnier. L’abbé Alion prêtre…et l’abbé Thibanet, clerc de Saint-Nizier, fugitifs l’un et l’autre mais dénoncés à l’accusateur public. Le Sr Grabit arrêté comme imprimeur 373 .’En Août, une saisie de manuscrits séditieux est effectuée chez l’abbé Regny, notamment la « conduite des curés » mais aussi un pouvoir pour célébrer, confesser et prêcher délivré par l’abbé Courbon, à titre de vicaire général du diocèse de Lyon 374 . Il sera finalement relâché. En 1796, un certificat 1796 375 mentionne encore Grabit comme libraire, rue Mercière, 18. En 1807, il se retire de la librairie pour vivre de ses rentes et meurt en 1817 376 .
Ce nom s’orthographie Paganucci à l’origine, puis il prend une forme plus moderne, Paganucy
Mariage Pagannuci/Boucher, 3/4/1723, - ADR 3E8008
Mariage Pagannuci/Boucher, 4/4/1723 – AMLyon, Saint-Nizier
Botaniste et intendant
Qui a pour famille maternelle, les Lassause, des négociants en cours d’accession à la noblesse par l’échevinage - Feuga Paul, Jean Paganucci (1723-1797) essai de biographie d’un dignitaire, compagnon de Willermoz, p. 23
Annexe 3, vol. 2, p. 52
Feuga paul, Op. Cit.
Inventaire après décès Pagannuci, 14/4/1740 – ADR, BP 2152
Il entre en apprentissage à l’âge de 13 ans chez Etienne Millet
Il s’associe avec sa mère dans ce commerce jusqu’à la mort de celle-ci.
Annexe 3, vol. 2, p. 33
Mariage Paganucci/Grabit 18/2/1751- ADR 3E3067
Anne va vendre sa boutique et se consacrer à l’éducation de leurs onze enfants
Manuel historique, géographique et politique des négociants ou Encyclopédie portative de la théorie et de la pratique du commerce, Lyon, J.M. Bruyset, 1762, 3 vol. – Avertissement du libraire
Ibid
« Nous ne nommons pas l’Auteur : il suffira qu’on sache qu’elles sont [pages] d’un homme éclairé, qui a passé sa vie dans l’étude des principes du Commerce »
« Notre ami le Sr. Paganucci nous a fait exposer qu’il désireroit faire imprimer & donner au pubic un ouvrage de sa composition qui a pour titre Manuel des Négocians, &c. le 21/9/1761 »,in Manuel historique, géographique et politique des négociants ou Encyclopédie portative de la théorie et de la pratique du commerce, Lyon, J.M. Bruyset, 1762, 3 vol – Privilège du Roi
Feuga Paul, Jean Paganucci (1723-1797) essai de biographie d’un dignitaire, compagnon de Willermoz, p. 24
Almanach de la ville de Lyon, 1796
Feuga Paul, Un pré-encyclopédiste lyonnais , Jean Paganucci (17423-1797), p. 61
Feuga Paul, Un pré-encyclopédiste lyonnais , Jean Paganucci (17423-1797), p. 57
Almanach de la ville de Lyon, 1796
Feuga Paul, Jean Paganucci (1723-1797) essai de biographie d’un dignitaire, compagnon de Willermoz, p. 26
Ibid , p. 31
Chaudon et Delandine, Nouveau dictionnaire historique, Lyon, Bruyset, 1804
Vente de fond et librairie, 8/8/1771 - ADR, 3E4715
Annexe 3, vol. 2, p. 36
Annexe 3, vol. 2, p. 34
Passeport de Joseph-Sulpice Grabit, 11/1/1794 - AMLyon, I²70
Apprentissage Grabit, Duplain [Pierre et Benoît], 12/3/1755 – ADR, 3E4702
Vente de fond et librairie, 8/8/1771 - ADR, 3E4715
Annexe 28, vol. 2, p. 323
Vente de fond et librairie, 8/8/1771 - ADR, 3E4715
Annexe 9, vol. 2, p. 197
Catalogue des livres composant la bibliothèque de feu M. de Montmorillon, comte de Lyon, et de feu MM. S… et A..., Lyon, 1777, 110 p.
Vente de livres du 8 mars 1784
Catalogue des livres qui se trouvent chez Grabit, Libraire, grande rue Mercière, à Lyon, Lyon, 1790, 57 p.
Procuration Joseph-Sulpice Grabit, Boret & Martin libraires à Lisbonne, 31/1/1776 – ADR, 3E7076
Procuration Sr Joseph-Sulpice Grabit, Sssrs Marguillan nava et Cie, 14/7/1775 – ADR, 3E7076
Procuration en blanc Sr Joseph-Sulpice Grabit libraire, 25/10/1775 – ADR, 3E7076
Procusration en blanc Joseph-Sulpice Grabit, 25/3/1778 – ADR, 3E7077
Wahl Maurice, Les Premières années de la Révolution à Lyon : 1783-1792, Paris, Armand Colin & Cie, 1894, p.406
Extrait des minuttes du greffe du tribunal du district de la ville de Lyon à Messieurs les Juges au tribunal de district de la ville de Lyon, 27/7/1791 – AML, I2 22, pièce 141
Proces verbal du 25/7/1791, Lyon – ADR, 39L12
Abbé Duret, 1791, F. 275
Wahl Maurice, Op. Cit., p.406
Certificat pour Joseph-Sulpice Grabit, 25/7/1796 – AML, I3 89
Décès de Joseph-Sulpice Grabit, 9/3/1817 - AMLyon, 2E0175, Film 835, n° 1537