3.2.1 – Le « Coin » à Vaise

Pierre Duplain achète une maison de campagne le 12 juillet 1732 à Claude-César Ferrary, seigneur des domaines du Bouchoux, Saint-Georges, Villette, conseiller du Roi et Chevalier d’honneur au siège présidial de Bourg, qui demeure rue du Mail, paroisse de Saint-Michel d’Ainay 413 . Cette maison est composée de deux corps de logis qui se prolongent par un jardin, un verger et un « bois de charme », le tout clos de murs. Située à Vaise au lieu dit Le Coin, la propriété est bordée par la route de L’Arbresle, par le chemin allant à Ecully, par la maison du Sieur Boulay et celle des religieuses du monastère de Sainte-Elizabeth des Deux Amants. Le prix de l’ensemble des bâtiments s’élève à quatre mille cinq cents livres. Les meubles, estimés à deux mille livres, comprennent :

‘La cuve, le pressoir et tous les meubles meublants, tableaux, baterie de cuisine, vaisselle, ustanciles tans de menage que d’agriculture, orangers et autres plantes ligneuses avec leurs caisses et pots, tonneaux, bennes, une chaise roulante. Et généralement tout ce qui est dans ladite maison et clos apartenant audit sieur vendeur, sans aucune réserve que de ce qui peut apartenir au fermier où cultivateur.’

La maison est payée au comptant « en especes d’or et d’argent ». Pierre reprend à sa charge le jardinier Claude Montagny ainsi que sa femme Anne Groupillon avec lesquels il signe un bail de six ans à compter du 28 novembre 1732 414 . La principale tâche du jardinier est d’entretenir l’orangeraie, charge à lui de sortir et de rentrer les arbres sous la serre, de servir une assiette de fruits chaque jour à la table du maître lorsqu’il est présent dans la maison. Il entretient également la vigne, les parterres de fleurs et le jardin potager afin de fournir [à Pierre] « les herbages qui lui seront nécessaires avec deux bottes d’asperges et deux douzaines d’artichaux ». Les pigeons sont nourris par le fermier mais réservés à la table du maître. Il emploie ensuite Claude Germain à partir du 19 septembre 1748 pour un bail de neuf ans à raison de deux cent-vingt livres par an. Ses taches sont les mêmes que le jardinier précédent. Claude Germain attelle la « chaise roulante » pour les déplacements de ses maîtres, de leurs amis et de leurs domestiques, ce qui rapporte dix sols par voyage au conducteur 415 . Ce deuxième jardinier ne reste que trois années au service de Pierre, il est remplacé par Jean Desperon et sa femme Marie Coste à partir du 7 septembre 1751 toujours pour un période de neuf ans 416 . César Maigret et sa femme Jeanne Raton signent un bail de neufans, le 23 août 1760 pour deux cent quarantes livres par an, ils sont toujours présent dans la maison 417 à la mort de Pierre en 1768 418 . Madeleine Bruyset continue d’entretenir la maison, en voici la description en 1768 419 . Les maîtres occupent le rez de chaussée et le premier étage, les domestiques vivent au second. La salle à manger s’ouvre sur le jardin. Une table sur pied pliant et une petite table peinte sont entourées de trois chaises, neuf fauteuils en fayard et d’un banc couvert de velours. Une fontaine posée sur un pied et sa cruche en étain. Un buffet de chêne à deux portes recouvert d’une nappe toile de Venise sur laquelle sont une carafe et ses trois verres. A l’intérieur une bourse en peau garnie de jetons, de fiches et de contrats. Une cheminée au pied de laquelle sont posés deux chenets à pomme de cuivre et une petite marmite. Deux miroirs, un fusil de chasse et dix livres d’histoire dépareillés. Une porte à deux battants ouvre sur la cuisine, quatre chandeliers en étain et un chandelier sur pilon bois sont entreposés là en attendant d’éclairer les différentes pièces de la maison. Le coin réservé à la préparation des repas se compose de deux tables, une « à l’antique », l’autre pliante en sapin, de cinq chaises en tilleul paillées, d’un fauteuil « à l’antique » couvert en toile. Le buffet en sapin à quatre portes renferme la vaisselle : deux écuelles, un huilier en étain, quatre cuillères étain, neuf couteaux de table aux manches de bois, six fourchettes, trois douzaines et demi d’assiettes plates, deux plats ovales, deux saladiers, quatre tasses à café et leur soucoupe en terre, douze gobelets en verre et trois cantines en verre blanc. Côté service, les ustensiles d’entretien de la cheminée : deux caisses à charbon en sapin, deux chenets, une pincette , un porte poêle, un grill, un garde cendre ; des ustensiles de ménage et de cuisine : un fer à repasser, un porte mouchette, une mouchette, une boite à sel en bois, une soucoupe, un couvercle et son écuelle en étain, un couvercle blanc sur une casserole en cuivre et un entonnoir. La petite souillarde attenante à la cuisine est équipée de deux rayons en sapin en forme de buffet et trois autres rayons en bois : un chauffe lait, un bassin à eau en cuivre, un égouttoir, une râpe à sucre, deux passoires, une lanterne en fer blanc, deux pochons en étain, deux poêles à frire, quatre marmites, un lèche frite, une poche à brûler le café, un tripier, une casserole en cuivre, un crochet à viande, un baquet en bois, trois cruches, trois terrines et douze pièces en terre de fayence. Nous nous rendons au premier étage dans une première chambre qui donne sur le jardin. Le mobilier est constitué par deux lits à colonne en noyer équipés, une armoire en noyer avec quatre portes et trois tiroirs, un fauteuil « à l’antique » en noyer recouvert de tapisserie, une chaise en forme de fauteuil, deux chaises recouvertes de paille, un tabouret, un coffre en bois, une table recouverte d’un tapis. Dans l’armoire, du linge de maison : dix-huit chemises toile de ménage, vingt-six serviettes, neuf nappes façon Venise, quatre tabliers de laine, onze essuies main en toile. Dans une autre chambre prenant son entrée par la première, un bois de lit en noyer équipé, cinq chaises en noyer recouvertes de toile, six tabourets pliants, deux guéridons, sur l’un desquels est posée une cassette. Dans une commode à trois tiroirs sont entreposés des vêtements de Madeleine. Un miroir et deux tableaux aux cadres dorés sont suspendus aux murs. La pièce se prolonge par un cabinet contenant une petite couchette en noyer équipée. La dernière chambre du premier étage est celle des sœurs Duplain. Elle doit être spacieuse pour pouvoir contenir trois lits à colonne en noyer, onze chaises, deux fauteuils en bois, un fauteuil recouvert de tapisserie, un pupitre en sapin. Aux murs, sont disposés quatre estampes, quatre tableaux et un miroir. Nous voilà de retour dans la cour de la maison où se trouve un cuvier contenant un pressoir en mauvais état garni de ses roues, la contenance de la cave est de trente ânées. Dans l’écurie se trouve une charrette remplie de bois à brûler. Les éléments de valeur du jardin sont constitués par des pieds d’orangers en pots et des plantes rares.

La maison le « Coin » n’existe plus actuellement mais nous l’avons localisée très précisément. Le « Coin » se trouvait contiguë à la terre des dames religieuses du monastère de Sainte-Elizabeth des Deux Amants. Or un extrait d’un acte notarial de Marie-Anne du Faisant nous donne les informations suivantes

‘Les soussignés dame Marie Anne du Faisant, veuve de Messire Jean de la Martinière,… héritière de droit de Dame Anne Sorlin, sa mère, qui estoit héritière sous bénéfice d’inventaire de noble François du Faisant, avocat au Parlement d’une part et Dame Mère Marguerite de Jésus, supérieur, Mère Marie Catherine des Anges, vicaires, Mère Marie Elizabeth, Mère Marie du Sauveur et mère Marie Agnès du Sauveur, toutes trois discrètes, faisant tant pur elles que pour les autres dames religieuses composant le monastère de Sainte Elisabeth dite des Amants, établi en cette ville, près la porte de Veize…. 420

Une étude réalisée par le service régional de l’archéologie Rhône-Alpes en 1994 421 donne le nom de maison du Faisan à cette propriété religieuse. Cette propriété était constituée au XVIIIe siècle par une maison principale, un autre bâtiment (grange, écuries, étable) de l’autre côté d’une vaste cour, un pavillon, un lavoir couvert, un grand jardin avec bassin, un petit jardin, un verger, une saulzaye, des vignes, des prés et des terres labourables. On y entrait par un grand portail de pierre « en arcade » au sud. Une allé monumentale bordée d’une treille sur poteaux de pierre conduisait à la cour principale. Aujourd’hui, la maison du Faisant est cernée par les constructions récentes d’un quartier en expansion au pied du versant Nord de la colline de Fourvière, à proximité immédiate de la station de Métro Gorge de Loup. Il ne reste que l’habitation contre la station de métro, et le mur en partie ruiné du fond du bâtiment agricole, au pied des jardins de la colline. L’ancien verger, au sud de la maison, a fait place à un immeuble ; le mur de limite sud de la parcelle doit reprendre le tracé de l’enclos. La rue du Sergent Michel Berthet se superpose plus ou moins à cet endroit au chemin de Saint-Just à Vaise ; à partir de la maison le tracé actuel, en ligne droite vers la place Valmy, s’écarte du chemin ancien et traverse les terres du domaine.

Carte : Localisation de la « Maison du Faisan » à Vaise
Carte : Localisation de la « Maison du Faisan » à Vaise Site Mappy - http://www29.mappy.com/sidmIGS7ZKm/HDMn21w/CFGMA?csl=m1&fsl=m1&gsl=m1&msl=m1&ids=&xsl=1&posl=poi&recherche=0&show_poi=0&poi_rr=0.5&poi_rx=0.6&poi_ry=0.5&lr=0.5&flash=1&gb=&out=2&wnm1=place+valmy&wcm1=&nom1=&tnm1=lyon&pcm1=&tcm1=&a10m1=&xm1=&ym1=&csm1=4326&ccm1=250&brand=&gb =
Tableau : baux de location Duplain, 1732 – 1778
Date Loueur Locataire/Jardinier Lieu Localisation
1732 Pierre Duplain Claude Montagny et
Anne Groupillon
Le Coin à Vaise – Bail de six ans pour 200 livres annuelles 3E4686
1748 Pierre Duplain Claude Germain et
Sybille Tabard
Le Coin à Vaise – Bail de neuf ans pour 220 livres annuelles 3E4695
1751 Pierre Duplain Claude Montagny et
Anne Groupillon
Le Coin à Vaise – Bail de neuf ans pour 200 livres annuelles 3E4698
1760 Pierre Duplain César Maigret et
Jeanne Raton
Le Coin à Vaise – Bail de neuf ans pour 240 livres annuelles 3E4706
1775 Veuve Duplain Cezar Maigret et
Jeanne Raton
Le Coin à Vaise – Bail de neuf ans pour 230 livres annuelles 3E7076
1777 Joseph Duplain Clémence Bertrand Deux chambre au 2nd étage de la maison rue Royale, une tour et une cave – Bail de 6 ans pour 230 livres annuelles 3E7077
1778 Claude Valou Louis Rosset Prébende Saint-Sébastien à Saint-Just – Bail de 9 ans pour 400 livres annuelles 3E7077

Notes
413.

Acquisition Duplain, Ferrary, 12/7/1732 - ADR, 3E4686

414.

Ferme Duplain, Montagny, 28/11/1732 - ADR, 3E4686

415.

Bail à ferme Duplain, Germain, 19/9/1748 - ADR, 3E4695

416.

Bail à ferme Duplain, Desperon, 7/9/1751 - ADR, 3E4698

417.

Ferme du domaine Le Coin, Dame Magdeleine Bruyset Vve Duplain, les mariés Maigret et Raton, 16/1/1775 – ADR, 3E7076

418.

Bail à ferme Duplain, Maigret, 23/8/1760 - ADR, 3E4706

419.

Inventaire Duplain, Vve Duplain, 9/9/1768 – ADR, BP 2242

420.

Acte du 11/8/1728 – ADR, 8H345

421.

Arlaud, C., Rolland, M., Savay-Guerraz, S., Maison du Faisant, 55 rue Michel Berthet, Lyon Vaise, Service réginal de l’archéologie Rhône Alpes, association pour les fouilles archéologiques nationales, 1994