L’Affaire Fauche

Samuel Fauche, bien qu’associé de la STN, continue à commercer pour son propre compte. Début 1772, il achète et distribue, contre l’avis de ses associés, des exemplaires d’un recueil d’anecdotes scandaleuses sur la cour de France, le Gazetier cuirassé de Théveneau de Morande. Alors que les associés imaginent que l’affaire est close, elle est relancée en mai. Pierre-Jacques Duplain fait dédouaner et contrôler un ballot de livres qui arrive de Neuchâtel à la chambre syndicale de Lyon. A l’intérieur se trouvent cinquante exemplaires du Gazetier cuirassé, que Duplain n’a pas commandé. Il arrive à prouver son innocence auprès des autorités locales et ne manque pas de manifester son mécontentement auprès de la STN 629 . Après cet incident s’ensuit une longue procédure de séparation qui se termine le 1er mai 1773, par le renvoi de Samuel Fauche de la Société.

En 1777, Abram Bosset de Luze apporte son aide à la direction de la STN et permet ainsi à celle-ci de consolider son assise financière. En février 1779, Jean-Elie Bertrand disparaît prématurément. Mme Bertrand, « cultivée, d’un esprit supérieur », va jouer un rôle important dans la maison. Sa correspondance montre que cette femme digne de confiance est parfaitement au courant des activités de la Société 630 .

Nous n’allons pas rentrer dans le détail de la production de la STN. La liste des ouvrages qu’elle a produit est recensée par Michael Schmidt dans l’ouvrage, L’Edition neuchâteloise au siècle des Lumières : la Société typographique de Neuchâtel (1769-1789) 631 . Le recensement est effectué d’après les volumes de la « Banque des ouvriers » (jusqu’en 1783) ainsi que les « Carnets des papiers », les « Rencontres du magasin » et diverses correspondances. D’autres vérifications relevant de la bibliographie matérielle doivent être apportées, car tout ouvrage comportant l’adresse de la STN ou de Neuchâtel ne sort pas nécessairement des presses de la STN. La notoriété de la Société incite d’autres imprimeurs à contrefaire leurs éditions. Le point de départ de ce travail a été la liste de John Jeanprêtre de 1940. Deux titres ont attiré notre attention : Bibliothèque philospophique du législateur, du politique, du jurisconsulte ou Choix des meilleurs discours… de J.P. Brissot de Warville, A Berlin… A Paris… à Lyon, chez Grabit & Rosset, 1782-1785 ; De la vérité ou Méditations sur les moyens de parvenir à la vérité dans toutes les connoissances humaines du même auteur… et se vend à Lyon : chez Grabit & Rosset, 1782 632 . Ces deux ouvrages montrent que Rosset et Grabit se sont associés à Lyon entre 1782 et 1785.

Notons deux de ses entreprises de grande envergure : l’édition in-quarto de l’ Encyclopédie (1778-1781) et les Dictionnaires des arts et métiers (1779-1783).

L’activité de la STN diminue dans les années 1780 à la suite de la fermeture progressive du marché français, pour finalement disparaître à la veille de la Révolution française. La STN a souffert de la concurrence et de la surabondance des contrefaçons. A l’automne 1784, elle affiche un énorme découvert de cent soixante quinze mille livres. L’atelier ferme ses portes en 1789, une partie du matériel est racheté par Abraham-Louis Fauche-Borel (fils de Samuel). Le commerce de la librairie se poursuit jusqu’en 1798, trois années après la mort d’Ostervald.

Notes
629.

Schlup Michel, Ibid, pp. 76-77

630.

Schlup Michel, Ibid, p. 80

631.

Schlup Michel, Ibid, pp. 236-285

632.

Schmidt Michael, La STN et la librairie française : un survol de documents » in L’Edition neuchâteloise au siècle des Lumières : la Société typographique de Neuchâtel (1769-1789), Neuchâtel, Bibliothèque publique et universitaire, 2002, pp. 269-270