3.1.2 – L’entrée en scène de la STN dans l’histoire de l’Encyclopédie

Repères chronologiques : 1768 - 1777
Dates Evénements
16 décembre 1768

25 juillet 1769

3 juillet 1776

31 août 1776

Décembre 1776
3 janvier 1777
14 janvier 1777
14 août 1776
Juillet 1777
Acquisition des droits de propriété sur l’Encyclopédie par Charles-Joseph Panckoucke.
Mémorandum de la STN à Panckoucke : la STN propose de publier l’Encyclopédie.
Panckoucke et la STN s’associent à part égale pour la réimpression de l’Encyclopédie.
Accord entre la STN et Panckoucke : « Addition au traité avec M. Panckoucke », adaptation du précédent contrat au plan Suard.
Prospectus de Joseph Duplain pour l’Encyclopédie in-quarto lyonnaise Plan d’attaque de Panckoucke et de la STN contre Duplain.
Traité de Dijon : association Duplain/Panckoucke Accord Panckoucke/Suard : le projet prend sa forme définitive.
Guerre commerciale : DuDuplain se rend à Genève pour enrayer le projet de publication d’une Encyclopédie Duplain pactise avec Jean-Marie Barret et Joseph-Sulpice Grabit à Lyon.

Les éditions européennes de l’ Encyclopédie

17 volumes de textes publiés de 1751 à 1765.

11 volumes de planches sortis entre 1762 et 1772.

Editeurs – Société formée le 18/10/1745 : Le Breton, David, Briasson, Durand.

Tirage prévu : 4 225 exemplaires.

Prix fixé à 280 livres – Prix réél : 980 livres.

4 volumes de texte in-folio et 1 volume de planches, publiés à Amsterdam en 1776 et 1777 + table analytique de 2 volumes.

Editeurs – Nouveau groupe d’associés et d’éditeurs par rapport à la 1re édition.

Tirage : 5 250 exemplaires.

Prix : 160 livres.

Réimpression de la 1re édition.

Tirage : 2 150 exemplaires.

Prix : 840 livres (vers 1777, la concurrence de l’édition in-quarto fait baisser le prix du marché à 700 livres).

Suit de près l’édition originale. Les éditeurs français considèrent cette publication illégale et essaient de l’empêcher de rentrer dans le royaume.

Tirage : 1 500 exemplaires.

Prix : 737 livres.

28 volumes dont 17 de texte.

Editeur : Ottaviano Diodati est soutenu par de riches notables, il obtient la protection politique du Sénat de Lucques auquel il dédie l’œuvre.

Dernière des impressions in-folio.

Tirage : 1 500 exemplaires.

Prix : 574 livres (sans le Supplément).

17 volumes in-folio, 8 volumes de planches in-folio.

33, dix-sept de textes, 5 de « Supplément », 11 de planches.

Editeur : Giuseppe Aubert, spécialiste de la littérature des Lumières + 3 riches bourgeois (dont l’abbé Serafini, fondateur de la bibliothèque) qui fournissent le capital. Le livre est dédié à Pierre Léopold, archiduc de Toscane.

2 éditions avec le Supplément fondu dans le texte original. Chaque série comporte 36 volumes de textes et 3 planches.

Prix : 344 livres au lieu de 1 400 pour l’in-folio (en raison de la concurrence de l’in-octavo, les derniers volumes se vendent 240 livres vers 1781).

Tirage : 8 525 exemplaires.

Editeur : Joseph Duplain sous le nom de Pellet de Genève, Panckoucke, STN, Clément Plomteux de Liège, Gabriel Regnault de Lyon.

Deux éditions séparées qui n’en forment qu’une seule, fondée sur deux campagnes de souscription.

36 volumes de textes, 3 volumes de planches.

Tirage : 5 500 ou 6 000 exemplaires.

Prix : 225 livres.

Editeurs : Sociétés typographiques alliées de Lausanne et de Berne.

Toutes les presses de tous les éditeurs réunis ont sorti environ 24 000 exemplaires de l’Encyclopédie avant 1789. Au moins 11 500 d’entre eux atteignent des lecteurs français et 7 257 des exemplaires français sont des in-quarto.

Amélioration de l’édition de Paris. L’éditeur conserve le classement alphabétique, ajoute des articles et retranche ceux qui lui paraissent inutiles. Il s’associe avec la STN et Pierre Gosse, libraire à La Haye.

Editeur : l’italien Fortunato Bartolomeo de Felice (élève des jésuites, franciscain mineur en 1744, prêtre en 1746). Il quitte l’Italie après une aventure sentimentale et une crise religieuse et arrive à Berne en 1757. Il abjure la religion catholique et part à Yverdon en 1762 où il fonde sa maison d’édition.

Prospectus lancé en 1778 par le libraire Devéria de Liège, qui annonce une Encyclopédie rangée par ordre des matières, dans laquelle sont fondus tous les suppléments. Projet récupéré par Panckoucke, qui obtient le 20 juin 1780, le privilège général (pour quarante années) pour l’impression et la vente de l’édition.

Prévisions initiales : 36 volumes, 24 de texte et 12 de planches in-folio ou 144 volumes in-octavo. En 1832 : 157 volumes de texte, 53 contenant 5 943 planches (gravées sous la direction de Bernard)

D’après Robert Darnton, L’Aventure de l’Encyclopédie , Paris, Librairie académique Perrin, pp. 60-63 et L’Enclyclopédie de Madeleine Pinault, PUF, 1993, pp. 103-123

Dès sa création, la STN s’est intéressée à l’impression de l’Encyclopédie, elle sollicite des interlocuteurs sur le territoire français susceptibles de devenir les acteurs de l’Aventure. Ils agissent à la fois à découvert en adressant, le 25 juillet 1769, un mémorandum à Charles-Joseph Panckoucke, alors le plus puissant des éditeurs français/

‘L’Encyclopédie, traversée en France dans son origine, encore aujourd’hui arrêtée par les mêmes obstacles, ne pourra peut-être jamais être publiée dans le royaume avec la liberté nécessaire. Le public, avide de connaître les sentiments des divers savants de l’Europe, attend avec impatience que cet ouvrage destiné à instruire les hommes soit imprimé sans aucune gêne […] Il reste un moyen infaillible d’éviter les oppositions que l’on a lieu de craindre dans le royaume et de procurer à l’ouvrage toute la supériorité qu’il peut avoir. La Société typographique nouvellement établie à Neuchâtel en Suisse et dirigée par un certaine nombre de gens de lettres, offre de se charger de l’impression pour le compte de Messieurs les libraires de Paris 721  ;’

Mais elle agit aussi en sous main comme dans ce courrier à Jean-Frédéric Perregaux 722 , Neuchâtelois, alors financier à Paris :

‘Nous savons que l’interdiction lancée contre la première édition de l’Encyclopédie en France n’a pu être levée par les libraires qui viennent d’en annoncer une seconde. Nous leur offrons nos presses dans le mémoire que vous trouverez ici et que nous vous prions de bien vouloir communiquer à M. Panckoucke. 723 .’

Finalement, après plusieurs années de négociations, la STN attend le moment propice pour se lancer et Panckoucke règle les derniers contretemps du lancement de l’Edition de Genève (1771-1776), en dissolvant l’association du deuxième in-folio. Le 3 juillet 1776, les deux parties s’associent à parts égales pour la réimpression de l’Encyclopédie. Il s’agit de la première alliance de la STN de l’histoire de l’Encyclopédie. Mais rapidement, face aux trois cents volumes non vendus de l’Edition de Genève, Panckoucke doute de la rentabilité de ce projet. Il se dirige peu à peu vers l’idée d’une refonte plutôt qu’une réimpression. Il convainc son beau-frère l’académicien Antoine Suard, de persuader d’Alembert et Condorcet de diriger l’entreprise avec lui. Les trois hommes rédigent le mémoire qui présente les grandes lignes du plan. Si ce mémoire a disparu, les éléments essentiels restent dans les correspondances avec la S.T,N. Robert Darnton les a identifiés :

Suard, d’Alembert et Condorcet, épaulés par une équipe de philosophes, sont chargés de recomposer l’œuvre originale de A à Z. Cette entreprise est chère à Panckouke qui l’avait envisagée depuis son acquisition des droits de propriété sur l’ouvrage, le 16 décembre 1768. A ce moment-là, il fait appel à Diderot afin que celui-ci plaide auprès des autorités françaises la cause d’une édition entièrement remaniée, la précédente n’étant pas satisfaisante. Celui-ci accepte d’écrire un mémoire sur les imperfections de l’ouvrage sur lequel il a travaillé pendant vingt ans.

‘L’Encyclopédie fut un gouffre, où ces espèces de chiffonniers jetèrent pêle-mêle une infinité de choses mal digérées, bonnes, mauvaises, détestables, vraies, fausses, incertaines et toujours incohérentes et disparates 725 .’

Le mémoire n’a pas l’effet escompté auprès des autorités, qui refusent la refonte. En 1776, Panckoucke réutilise le mémoire pour convaincre la STN. Le projet retenu, celui qui est réalisable, consiste à réimprimer le texte original avec un Supplément dans lequel les erreurs et les omissions seraient corrigées. Il prend sa forme définitive dans le contrat signé entre Panckoucke et Suard, le 14 août 1776. Suard et ses associés sont chargés de réécrire le texte, en incorporant à la nouvelle édition une partie des matériaux rassemblés pour le Supplément, pour certains articles de l’Encyclopédie d’Yverdon de Félice et pour le Dictionnaire de la langue française que Suard se propose d’écrire. Panckoucke exige de Suard des livraisons régulières au rythme de trois volumes par an, à partir du 1er mai 1777. Le 31 août 1776, la STN signe un accord, Addition au traité avec M. Panckoucke, adaptant leur précédent contrat au plan Suard 726 . Les actions de l’entreprise sont divisées en douzièmes : STN cinq douzièmes, Panckoucke trois douzièmes, autres libraires quatre douzièmes. La machine qui gère cette gigantesque entreprise s’ébranle, les premiers pas sont prometteurs.

Notes
721.

Darnton Robert, L’Aventure de l’Encyclopédie, Op. cit., pp. 64-65

722.

Il sera l’un des fondateurs de la Banque de France en 1800

723.

Darnton Robert, L’Aventure de l’Encyclopédie, Op. Cit., p. 67

724.

Darnton Robert, L’Aventure de l’Encyclopédie, Op. Cit., p. 73

725.

Darnton Robert, L’Aventure de l’Encyclopédie, Op. Cit., p. 74

726.

Darnton Robert, L’Aventure de l’Encyclopédie, Op. Cit., p. 84