2.1 - Situation économique de la France

Le système absolutiste s’organise autour d’un homme, le roi qui a les traits d’un personnage sans grandeur, Louis XVI, dont l’image royale si elle est compromise n’est pas sérieusement remise en cause à la veille de 1789 1065 . La centralisation monarchique est très poussée, le conseil du roi se subdivise en sections : le conseil d’Etat ou d’en haut (politique étrangère et grandes questions de gouvernement), le conseil des dépêches (rapports avec l’administration locale), le conseil des finances, le conseil privé ou des parties (cour d’exception ou d’évocation des causes que le roi se réserve). Louis XVI a évincé le « triumvirat » (Terray, Maupeou, d’Aiguillon) qui a proposé la voie française d’un certain despotisme éclairé. Il n’a pas soutenu non plus son ministre Turgot (1774-1776) qui apportait au pouvoir une inspiration novatrice, celle des physiocrates. Il le remplace par le banquier genevois Necker « éclairé », mais plus habile qu’ « inspiré », écrit Michel Vovelle 1066 .

‘Il avait fallu que la pression des nécessités fût grande, en 1776, quelques mois après la chute de Turgot, pour qu’on appelle à la direction des finances royales un étranger, ministre-résident de la république de Genève à Paris, fort pour tout titre de sa réussite dans la banque, protestant, lié par surcroît, au travers du salon de sa femme, au milieu des Encyclopédistes 1067 .’

Quelques années avant l’arrivé de Joseph à Paris, Necker est évincé pour avoir tenté de faire « pour la première fois, des affaires de l’Etat une chose commune ». Ses révélations sur les dépenses et les recettes du royaume furent un geste publicitaire plus que politique, elle révélaient à l’opinion le poids disproportionné des dépenses de la cour. Calonne succède à Necker en cette année 1783. Dans ce contexte, quelle place devons-nous donner à Joseph-Benoît Duplain de Sainte-Albine ? Est-ce un financier, manieur d’argent professionnel de l’Etat, spécialiste des emprunts et de la finance publique. Ou bien un banquier, de « type moderne » qui commence à se tourner vers le public des rentiers dont il gère les capitaux. Ou peut-être le négociant 1068 bien décrit par Savary dans son manuel du Parfait négociant 1069 , ouvrage publié à Lyon en 1697, par un lointain ancêtre de Joseph, Jacques Lions 1070  ?

Notes
1065.

Vovelle Michel, La Chute de la monarchie : 1787-1792, Paris, éditions du Seuil, 1999, p. 38

1066.

Ibid, p. 97

1067.

Furet François, Ozouf Mona, Dictionnaire critique de la Révolution française, Paris, Flammarion, 1988, p.307

1068.

Catégorie qui commence aux petits marchands urbains ou ruraux, en passant par des « marchands » proprement dits pour terminer par le « négociant »

1069.

On peut fixer autour de 100 000 livres en capital le seuil au-delà duquel le marchand se transforme en négociant - Vovelle Michel, La Chute de la monarchie : 1787-1792, Paris, éditions du Seuil, 1999, p. 68

1070.

Savary, Jacques, Le Parfait négociant, ou Instruction générale pour ce qui regarde le commerce, Lyon, Jacques Lyons, 1697