Pierre-Jacques, juré du tribunal Révolutionnaire

Le 9 mars 1793, les députés Tallien et Bentabole, de retour d’une tournée dans les sections parisiennes, évoquent, les premiers, l’idée de la création d’un tribunal Révolutionnaire :

‘On nous a observé [déclare Bentabole] que les citoyens n’étaient dégoûtés de partir que parce qu’on s’est aperçu qu’il n’y a pas une justice réelle dans la République, qu’il fallait que les traîtres et les conspirateurs fussent punis. Ils ont demandé qu’il y eût un tribunal dont on soit sûr…Il est nécessaire, il est indispensable. La Convention le doit établir, et si cela ne l’établit pas, c’est le moyen de dégoûter tous les bons citoyens 1444 .’

Le lendemain après des discours enflammés, la Convention décide la création d’un « tribunal extraordinaire Révolutionnaire », l’homme clé en est Fouquier-Tinville. Le nouveau tribunal s’installe dans l’ancienne « Grande Chambre » du Parlement de Paris (aujourd’hui « Première Chambre » du palais de justice de Paris). Les marques de la monarchie sont supprimées au profit d’un décor sobre et austère, des tables sont disposées autour de la salle. Comme seuls décors, au mur est accrochée la Déclaration des droits de l’homme et deux bustes sont posés sur des consoles de plâtres, celui de Lepeletier de Saint-Fargeau et de Brutus. Autour de la salle sont installés plusieurs rangs de gradins destinés aux accusés plus une grande palissade « à hauteur de poitrine » destinée à contenir le public 1445 . Le tribunal jugera toute entreprise contre-Révolutionnaire, tout attentat contre l’unité, l’indivisibilité, la liberté, l’égalité de la République 1446 . Voici les articles de sa création :

‘Art. 1. Il sera établi à Paris un Tribunal criminel extraordinaire, qui connaîtra de toute entreprise contre-Révolutionnaire contre la liberté, l’unité, etc.
Art II. Le Tribunal sera composé d’un jury et de cinq juges qui dirigeront l’instruction.
Art III. Les juges ne pourront rendre aucun jugement s’ils ne sont au moins au nombre de trois.
Art IV. Celui des juges qui aura été le premier élu présidera ; et en cas d’absence il sera remplacé par le plus ancien d’âge.
Art. V. Les juges seront nommés par la Convention nationale…
Art VI. Il y aura auprès du tribunal un accusateur public et deux adjoints ou substituts nommés par la Convention nationale…
Art VII. Il sera nommé dans la séance de demain, par la Convention nationale, douze citoyens du département de Paris et des quatre départements qui l’environnent, qui rempliront les fonctions de juré, et quatre suppléants du même département qui remplaceront les jurés en cas d’absence, de récusation ou de maladie. Les jurés rempliront leurs fonctions jusqu’au 1er mai prochain, et il sera pourvu par la convention à leur remplacement et à la formation d’un jury pris entre les citoyens de tous les departements…’

Fouquier-Tiville est nommé accusateur public à la suite du refus de Faure de prendre ce poste. Seul deux juges acceptent leur nomination, Montané et Foucault qui déclarent « il nous faut du sang ; le peuple veut du sang » 1447 . Sur vingt-quatre jurés, quatorze refusent le poste offert sous divers prétextes : santé, âge, fonctions. La Convention décide alors très illégalement que dix jurés seraient suffisants. Pierre-Jacques sera de ceux-là 1448 , il est dit ancien juré le 31 juillet 1793. Fouquier fait prêter serment à tous les membres du tribunal « de faire observer les lois ou de mourir à leur poste en les défendant » 1449 . Avec l’établissement du tribunal, la Terreur achève de s’installer. Le Comité de salut public composé de neuf membres se substitue au Comité de défense générale créé le 1er janvier 1793.

Notes
1444.

Fayard Jean-François, La Justice Révolutionnaire, Paris, Robert Laffont, 1987, p. 28

1445.

Ibid, pp. 34-35

1446.

Benoît Bruno, Op. Cit., p. 49

1447.

Jacotey Marie-Louise, Le Tribunal Révolutionnaire au service de la Terreur », Langres, Dominique Guéniot, 1995, p. 44

1448.

Engerand, Fernand, Op. Cit., p. 41

1449.

Jacotey Marie-Louise, Op. Cit., p. 44