Pièce maîtresse : Les Cahiers de l’Abbé Duret

La famille Duret 1623 (1722-1794) est lyonnaise depuis quatre générations 1624 . Pierre Duret, bachelier en Sorbonne, revêtu des ordres mineurs en 1744, est ordonné prêtre à Lyon le 20 décembre 1749. Menant une existence confortable au séminaire Saint-Irénée où il n’est pas tenu d’enseigner, il dispose d’un appartement et de domestiques, ce qui lui permet d’avoir une vie sociale tout en vivant au séminaire. N’ayant pas de ministère à exercer, il occupe ses loisirs dans la constitution d’une bibliothèque (il possède près de 10 000 volumes), parcourt les salons durant l’hiver et les châteaux à la belle saison, ceci jusqu’à la Révolution. Il s’intéresse particulièrement à cette période révolutionnaire sans toutefois prendre parti. Il est, malgré tout, condamné à mort et guillotiné le 7 janvier 1794 parce qu’il a été dénoncé pour avoir plus de 100 000 livres de biens, « ce qui est supérieur à la réalité », affirme Paul Feuga 1625 .

Les Nouvelles générales et particulières de Lyon, ou Chroniques de l’abbé Duret, sont la réunion de quatre vingt-sept cahiers manuscrits de douze à vingt-huit folios chacun. Chaque cahier couvre une période de deux à quatre mois. Il subsiste, 1 573 folios recto et verso, souvent annotés dans la marge et dont les notes sont parfois insérées entre les lignes de la note précédente. Le premier cahier commence le 23 mai 1761, le dernier s’achève en juillet 1792. L’ensemble est incomplet, le premier cahier porte le numéro six; on observe des lacunes en 1761, 1762, 1763, 1765, 1768 et 1773 ; rien ne subsiste de la fin de 1776 à l’année 1779. L’abbé Duret n’écrit que pour lui, ses annotations, d’une écriture très difficile à déchiffrer, en style télégraphique se suivent sans transition, sans logique particulière 1626 .

Les sujets abordés dans ces écrits sont très divers. Il relate des informations sur les familles lyonnaises (relations, intrigues, dots, héritages…), sur les grands travaux architecturaux (travaux Perrachiens), le développement des manufactures, les Jésuites, sur les événements lyonnais importants (l’envol du ballon des frères Montgolfier) comme sur les faits divers les plus anodins (les remèdes de bonne femmes, les recettes de cuisine…). Notons qu’il y a peu d’informations sur la musique, la peinture et la sculpture qui ne semblent pas faire partie de ses occupations ou préoccupations.

Quelle valeur donner à ces écrits ? Paul Metzger n’accorde pas de crédit aux écrits de l’abbé, « S’il faut en croire un contemporain [abbé Duret], à la vérité peu intelligent et, semble-t-il aussi brouillon dans son esprit que dans son journal, qu’il oublie simplement de dater 1627 . Le Catalogue des lyonnais dignes de mémoire, mentionne …un espèce de journal qu’il rédigeait pour son propre usage, et qui peut être utile à consulter pour l’histoire de son temps ». Quant à Jacques Pernetti, il adresse sa « reconnaissance » à l’abbé « pour les quelques recherches qu’il [lui] a communiquées dans la rédaction des Recherches pour servir à l’histoire de Lyon ».

Nous adoptons le point de vue de Paul Feuga qui retient l’appellation de « cahiers » que nous donnerons à ces écrits (et non un journal intime rédigé et structuré) utiles à l’historien davantage pour vérifier des sources existantes que pour en trouver de nouvelles, bien que cela soit quelques fois le cas. Afin de rendre son utilisation plus aisée, les Chroniques ont été retranscrites par Paul Feuga qui a également constitué un index nominal et thématique d’environ trois mille entrées. Les Chroniques ne sont qu’une partie de l’œuvre de l’abbé. Voici l’inventaire des cahiers de l’abbé, tel que l’a dressé Paul Feuga.

Chroniques de l’abbé Duret
Cahier Date d’ouverture Nombre de folios
Manuscrit 5423 - Bibliothèque municipale de Lyon
Cahiers 1 à 5 égarés
1 bis n° 6 1761 – 23 mai 12
1 ter n° 7 1761 – 16 juillet 12
Cahier 8 égaré
1 n° 9 1761 - décembre 12
2 n° 10 1762 – 19 février 12
3 n° 11 1762 - juin 12
4 n° 12 1762 – décembre 16
Cahiers égarés
6 1763 - août 28 [erreur de numérotation]
Cahiers égarés
5 1765 – sans date 22
Cahiers égarés
7 1766 - janvier 36
8 1766 - août 20
9 1767 - janvier 26
10 1767 - août 24
11 1768 - janvier 28
Cahiers égarés
12 1769 – 18 juin 34
13 1770 – février 24
14 1770 – fin août 26
15 1770 – milieu décembre 28
16 1771 – milieu juin 20
17 1771 - novembre 24
18 1772 - août 28
19 1773 - Janvier 24
20 1773 - juin 20
21 1773 - Septembre 24
Cahiers égarés
22 1774 – 6 juillet 16
23 1774 - Septembre 20
24 1774 – 21 décembre 22
25 1775 - mai 28
26 1775 - Septembre 22
27 1775 – 25 Décembre 20
28 1776 – 26 février 18
29 1776 – 23 Mai 20
Cahiers égarés de la fin de 1776 à 1779 inclus
Manuscrit 804 – Bibliothèque municipale de Lyon
Date d’ouverture Folios Nombre de folios
1780, 1e février 1-20 20
1780, 1e août 21-40 20
1780, octobre 41-60 20
1781, janvier 61-80 20
1781, 1e mai 81-99 20
1781, 9 août 100-119 20
1781, 10 novembre 120-141 20
1782, 10 avril 180-202 22 [cahier mal paginé]
1782, 4 août 149-159 18
1782, 22 novembre 160-179 20
[1783] 203-219 20
[1783]17 mars 220-235 16
[1783] 6 juin 236-251 20
[1783] 10 septembre 252-269 18
[1783] 31 octobre 270-289 20
Manuscrit 805 – Bibliothèque municipale de Lyon
Date d’ouverture Folios Nombre de folios
1784, 20 janvier 1-14 15
1784, 7 avril 15-28 14
1784, 8 juin 29-44 15
1784, 17 juillet 45-64 20
Octobre 65-84 20
1785, 20 janvier 85-100 16
1785, 16 mai 101-122 22
1786, 1e mars 123-146 24
1786, juillet 147-162 16
1786, 20 août 163-177 15
1786, 15 novembre 178-195 18
1787, 17 février 196-210 15
1787, mai 211-228 18
1787, juillet 229-242 14
1787, août 243-256 14
1787, 21 septembre 257-270 14
1787, 7 décembre 271-284 14
Manuscrit 806 – Bibliothèque municipale de Lyon
Date d’ouverture Folios Nombre de folios
1788, 3 février 1-13 14
1788, [fin] mars 14-38 25
1788, 4 juillet 39-52 14
1788, 1 juin 53-68 16
1788, 4 août 83-98 16
1788, 28/10 99-118 20
1789, février 119-131 13
1789, avril 132-145 14
1789, 20 juin 146-159 14
1789, 4 août 69-82 14 [cahier mal paginé]
1789, 29 décembre 160-174 15
1790, 16 février 175-190 16
1790, 5 mai 191-201 11
1790, 20 septembre 202-215 14 [1789 sur la couverture]
1790, 30 septembre 232-247 16
1791, février 248-261 14
1791, 13 mai 262-279 18
1791, 24 août 216-231 16 [cahier mal paginé, mention fausse sur la couverture : 1790]
1791, septembre 280-289 10
1791, 18 novembre 290-303 14
1792, 14 juin 304-315 12
Notes
1623.

La véritable orthographe, Durret, a été corrompue à la fin du XVIIIe siècle en celle plus répandue de Duret. In Feuga Paul, « Abbé de cour à la ville : chroniqueur pittoresque habitué des salons et des intrigues, l’abbé Duret raconte la vie lyonnaise à la fin de l’Ancien Régime », Gryphe, revue de la bibliothèque de Lyon, n° 4, 2002, p. 36

1624.

Pierre est le fils d’Antoine Duret, maître et marchand tireur d’or, et de Marie Giraud. Ibid, p. 36

1625.

Ibid, p. 36

1626.

Ibid, p. 37

1627.

Metzger Paul, Le Conseil Supérieur (1771-1774) et le Grand bailliage de Lyon (1788), Lyon, Rey, 1913, p. 369