D. L’observation directe

Á défaut de pouvoir réellement nous immerger au sein du corps, nous avons, d’une part, tenté de multiplier les occasions d’observation dans les lieux ouverts de rencontres du corps, tels que les assemblées générales de l’association ou les colloques et événements organisés par elle. Ces occasions d’observation nous ont permis de récolter d’utiles informations et elles nous ont offert l’opportunité de rencontrer des personnalités du corps, de nous faire reconnaître par certains interviewés, bref d’apparaître de plus en plus familière à certains membres du corps des Ponts. Outre ces occasions variées mais limitées dans le temps, nous avons mis en place deux protocoles d’enquête par observation directe parmi les élèves du corps, au sein de la formation initiale. La première de ces enquêtes s’est déroulée en septembre 2003, durant deux semaines complètes, à l’ENPC à Marne-la-Vallée. Nous y avons suivi deux types d’enseignement, organisés chacun durant une semaine : le « séminaire de communication » et le « séminaire de simulation de gestion d’entreprise », destinés aux « deuxième année » de l’École. Nous souhaitions voir comment se déclinait concrètement ce type d’enseignement et quel type de rôle les élèves y étaient encouragés à jouer 193 . Nous nous sommes, chaque fois, entretenue avec les enseignants 194 , sur l’histoire de la création de leur cours, leurs objectifs pédagogiques, leur perception des élèves (et notamment ceux du corps), etc. La deuxième enquête par observation directe s’est quant à elle déroulée entre septembre 2004 et janvier 2005. De manière néanmoins discontinue, sur une durée d’environ deux mois et demi en tout, nous avons suivi une partie de la nouvelle formation du corps en intégrant le mastère d’action publique (MAP) 195 auprès des élèves de la première promotion du corps fusionné. Nous avons en particulier assisté aux cours de « sociologie », de « philosophie politique », de « performance des administrations », et de « décision publique en avenir incertain et controversé ». Nous avons également chaque fois rencontré les enseignants concernés. Notre intégration au sein de la promotion du corps nous a également permis de participer aux activités périphériques, telles que les « réunions-métiers » destinées à faire connaître des métiers potentiels aux élèves qui rentraient dans la vie professionnelle une fois le MAP terminé, ou telles que les réunions avec le chargé de mission du corps ou le directeur de cabinet du ministre de l’Équipement. Elle nous a, enfin, donné l’occasion de partager avec les élèves des moments de sociabilité dans le cadre d’activités plus ludiques (dîners, soirées, etc.). En dépit de l’intérêt qu’aurait représenté une telle enquête, nous n’avons pas souhaité faire une ethnographie du mastère d’action publique. L’observation directe a été guidée par nos interrogations sur la réforme et orientée par deux centres d’intérêt précis : le premier étant lié à la nature du ou des rôle(s) pour lesquels étaient (potentiellement) formés les élèves et les conceptions de l’action publique véhiculées au sein des enseignements, et le deuxième tenait au rapport des élèves au corps des Ponts et avec le ministère de l’Équipement. L’observation directe est chronophage mais elle permet de se familiariser avec le terrain, de rencontrer de nouveaux acteurs et, aussi, de gagner en légitimité. Le fait d’avoir obtenu les autorisations pour accéder en ces lieux, d’être au contact des élèves du corps − qui font l’objet d’une grande attention à la fois au sein du Ministère, à la DPS, mais également au sein de l’association − et, enfin, d’être le témoin de ce qui a constitué un événement au sein du corps (en tout cas pour les représentants concernés par la réforme) − la création d’une formation dévolue aux hauts fonctionnaires des Ponts et Chaussées − nous a, semble-t-il, apporté une légitimité accrue aux yeux des acteurs que nous rencontrions et qui souhaitaient dès lors avoir notre avis sur la question.

Notes
193.

Sur ce type de questionnement, cf. respectivement : GEORGAKAKIS Didier, « Comment enseigner ce qui ne s'apprend pas. Rationalisations de la "communication de masse" et pratiques pédagogiques en école privée », Politix, n°29, premier trimestre 1995, pp.158-185 et SCHNABEL Virginie, « Élites européennes en formation… », Politix, op. cit., 1998, pp.33-52.

194.

Nous avons pu interroger le responsable et les deux intervenants du cours de « simulation de gestion d’entreprise » ainsi que le responsable et neuf des treize enseignants de l’équipe pédagogique du cours de « communication » qui organise le contenu des ateliers de la semaine.

195.

Il s’agissait, bien entendu, d’une observation non participante, condition sur laquelle reposait l’accord du directeur du MAP.