3) Les données sensibles des démissions de la fonction publique

Afin de compléter la description et la tentative d’objectivation des rapports du corps au Ministère et à l’État, nous souhaitons procéder à une analyse relative aux démissions de la fonction publique. D’après les calculs de l’association professionnelle, il y aurait aujourd'hui entre cent trente-sept et deux cent vingt 465 IPC en activité qui n’appartiendraient plus au corps (soit 7% à 11% de l’effectif total du corps). Ceux-ci n’étant pas comptabilisés en tant que tels par le ministère de l’Équipement, on ne dispose pas d’autres données permettant d’analyser l’évolution de cet effectif dans le temps.

Les informations que nous avons collectées nous renseignent sur les démissions en sortie d’École. Á ces effectifs, nous avons ajouté ceux qui relèvent de la « mise en disponibilité pour suivi de conjoint ». Comme nous l’avons mentionné, les règles de gestion du corps des Ponts n’autorisent la position de disponibilité qu’à partir du troisième poste. Or, il existe une dérogation à cette règle qui permet la disponibilité de droit dès la sortie d’École, « pour suivre son conjoint lorsque celui-ci est astreint à établir sa résidence habituelle, à raison de sa profession, en un lieu éloigné du lieu d'exercice des fonctions du fonctionnaire 466  ». Cette dérogation offre un arrangement entre le chargé de mission − qui est notamment jugé par le directeur du Personnel et sa hiérarchie sur sa gestion des « sorties d’École » et doit veiller à éviter de trop nombreuses sorties du corps − et l’élève pour lequel la position de disponibilité est plus confortable et permet de retarder un choix qui serait définitif. Le taux de démission est ainsi présenté comme « la hantise des chargés de mission [du corps] 467  » et « un point essentiel sur lequel [ils sont] jugés 468  ». La possibilité d’une dérogation aurait par conséquent permis, dans les années précédentes, de « masquer » des démissions qui survenaient une fois la période autorisée de disponibilité écoulée. C’est en tout cas ce que rapportent dans les entretiens les trois chargés de mission que nous avons interrogés, dont l’un d’eux explique :

‘« Z [un ancien chargé de mission] aussi avait eu un pic mais toutes les situations ne rentraient pas forcément dans les stat’ et, du coup, beaucoup de démissions avaient été masquées. Maintenant on n’est plus dans cette manière de gérer avec des démissions masquées par des mises en dispo’ pour suivi de conjoint par exemple. Mais on assumait mal cela à l’époque. Et là j’ai fait un peu de tri mais avec ce type de méthode, on continue à gérer des gens qui ne travailleront en fait jamais pour les services de l’État 469  ! »’

L’affaire est entendue parmi les élèves qui tentent ainsi de profiter d’une situation avantageuse offerte par l’administration, avec la perspective « d’aller faire fortune ailleurs » :

‘« Il y a des suivis de conjoint qui sont des démissions déguisées. Les élèves ils tentent leurs chances quoi ! […] Des vraies démissions pures et dures, y’en a eu plus de dix il y a quelques années, parce qu’il y avait cette idée d’aller faire fortune ailleurs et puis, aussi, cette inadéquation entre les rêves, les attentes du corps et les perspectives, avec des postes proposés qui étaient très terre-à-terre 470 . »’

Il semblerait en effet que les IPC qui ont bénéficié de cette dérogation dans le passé ne soient pas retournés à son terme servir l’État, et encore moins le ministère de l’Équipement, ce qui permet au chargé de mission d’être pessimiste sur les retours éventuels de ces ingénieurs :

‘« […] il est clair qu’il ne s’agit que d’un report du problème dans le temps. […] Il est difficile de reprendre un poste au service de l’État après avoir démarré sa carrière dans le privé. Il est probable qu’in fine, l’on aboutisse à des démissions à l’issue de ces disponibilités familiales 471 . »’

La direction du Personnel a ainsi instauré un contrôle plus rigoureux des demandes, afin de s’assurer du projet de retour du postulant :

‘« Ces disponibilités ont pu permettre de résoudre des situations individuelles autrement que par la démission, tout en s’assurant de la bonne foi de l’agent et de son réel désir de tenir ses engagements vis-à-vis de l’État. Face à l’accroissement de ce type de demandes, nous avons pu craindre des tentatives de détournement de cette forme de disponibilité (qui, par ailleurs, n’entame pas le “quota” d’années possibles en disponibilité pour convenances personnelles). Nous avons donc accru la rigueur de notre examen de ces demandes : le problème familial a-t-il bien été le fait déclencheur, et ne sert-il pas à “habiller” un projet professionnel hors administration française ?… 472  »’

Non seulement le contrôle sur l’accès à ce type de position administrative a-t-il été plus sévère, mais le chargé de mission est également parti en quête des IPC ayant bénéficié d’une mise à disposition pour suivi de conjoint. Son récit vient corroborer ses suppositions selon lesquelles peu d’entre eux avaient l’intention de régulariser leur situation auprès du Ministère et de l’État 473 .

Encadré n°8 : Quelques cas de « passagers clandestins »
Note du chargé de mission du corps sur les démissions 474  :
« Nous mettons en garde les intéressés sur le fait que, dès que leur contrainte familiale cesse (retour en France), ils doivent tenir leur engagement et prendre un premier poste au service de l’État. Nous n’avons pas encore beaucoup de reculs sur ces cas individuels. Il est important d’accroître notre rigueur dans la gestion de ces situations et le suivi des agents.
Exemple : [Z] (sortie ENPC 2000) a été mise en disponibilité familiale jusqu’en 2003. Elle est rentrée en France en 2002, mais ne s’est manifestée qu’à l’échéance de sa disponibilité nous allons régulariser la dernière année en disponibilité pour convenances personnelles, et lui demandons de prendre un poste au service de l’État.
Il faut s’assurer que les IPC qui ne respectent pas ces règles, et ne tiennent pas leur engagement au service de l’État, soient conduits très rapidement à une radiation.
Exemple : Éviter que quelques années après sa sortie d’École, un IPC engagé dans une activité professionnelle privée ne soit toujours pas radié, ce qui lui permet de ne pas avoir encore été sollicité par l’X pour le remboursement de sa “ pantoufle”… »
Entretien auprès du chargé de mission du corps des Ponts 475  :
« J’ai passé un temps fou à essayer de localiser ces personnes qui partent dans la nature et je peux vous dire que pour retrouver un ingénieur qui est parti travailler au bout du monde en entreprise privée, c’est une véritable enquête policière ! […] J’utilise des outils pratiques comme “polytechnique.org” et là j’essaie de retrouver leurs coordonnées, s’ils se déclarent. Alors là, ça donne lieu à des mails savoureux [rires] !! Ou bien parfois même je passe par papa, maman ! “Oui, bonjour je cherche à joindre votre fils ou votre fille… !!” [rires] Et puis on a des surprises aussi. Certains qui ont pris une dispo’ pour suivi de conjoint car leur conjoint est parti à l’étranger et qu’on retrouve dans les bureaux parisiens d’une grande multinationale alors qu’ils étaient supposés être à Shanghai ! Là il faut discuter avec eux pour rétablir leur situation administrative, la mettre à jour, savoir depuis quand ils sont rentrés à Paris, et cætera. Et puis je mets les choses au point : “Soit tu reviens sur un poste État, soit tu démissionnes !” Généralement, d’ailleurs, ils démissionnent, mais ça prend des mois et des mois pour chaque cas. C’est compliqué, faut passer en commission de déontologie, et cætera. […] J’ai fait pas mal le ménage mais il doit m’en rester encore quelques-uns. En fait, il ne faut pas les perdre de vue, il faut les suivre à la trace, surtout les cas un peu particuliers ! »

Á la fin des années quatre-vingt dix, les responsables du ministère de l’Équipement ont déploré une augmentation des démissions des jeunes IPC :

‘« Le corps des Ponts fait ainsi le constat d’une demande croissante de démission en sortie de l’École nationale des Ponts et Chaussées avant même de prendre le premier poste : pas de démission pour la sortie 1997, 2 démissions pour chacune des sorties 1998 et 1999 et 5 démissions pour la sortie 2000 (sur un recrutement externe annuel de 30) 476 . »’

Dans le cadre des négociations sur la fusion le directeur du Personnel, qui représente le ministère de l’Équipement dans les réunions interministérielles, a avancé des chiffres inquiétants :

‘« Le ministère de l’Équipement indique que sur trente recrutements dans les corps issus de l’École Polytechnique, on constate quatre démissions en moyenne 477 . »’ ‘« [Le ministère de l’Équipement] fait observer que sur trente polytechniciens, une dizaine renonce dès le début de carrière à servir l’État 478 . » ’

D’après nos calculs, et en prenant en considération les IPC qui ont bénéficié d’une « mise en disponibilité pour suivi de conjoint », l’ensemble oscille généralement entre un à deux ingénieurs, voire trois maximum par an, pour les sorties d’École de 1991 à 1997 479 . La médiocre fiabilité des données, dont la gestion dépend des chargés de mission successifs, nous incite à la prudence. C’est à partir de 1998 que débutent ce qu’un chargé de mission nomme, dramatiquement, « les années noires 480  ». Le chiffre s’élève en effet à cinq pour les promotions affectées en 1998 et en 1999, il monte à dix (dont huit démissions) en 2000 et à cinq en 2001, pour finalement se tarir.

C’est dans la promotion affectée en 2007, nous aurons l’occasion d’y revenir, que le niveau des démissions a soudainement grimpé, en cours de scolarité, avant même que la troisième année (le MAP) n’ait commencé. Pour l’instant, la promotion en voie d’affectation compte dix ingénieurs en moins, qui ont tous démissionné pour travailler au sein de banques. Le chargé de mission déplore des « démissions en masse 481  » quand l’association professionnelle dénonce un « record historique 482  ». Au-delà des raisons habituellement avancées pour expliquer les démissions de hauts fonctionnaires, telles que la faiblesse des traitements, l’absence de proposition intéressante dans la fonction publiqueou le goût pour un autre type de responsabilité 483 , c’est la « politique très agressive de recrutement 484  » qui sévit dans le secteur privé qui est notamment mise en cause 485 . Dans une note de 1998, la DGAFP évoque déjà cette stratégie des entreprises qui viennent débaucher les hauts fonctionnaires jeunes, invités à faire carrière dans le privé :

‘« [C’est le] nouveau comportement des entreprises, plus promptes à recruter de jeunes cadres à haut potentiel qu’à offrir des occasions de pantouflage à des fonctionnaires rompus aux techniques de la gestion publique 486 . »’

C’est également le discours du chargé de mission qui cherche à expliquer ces multiples départs qui le placent dans une position délicate :

‘« On va se trouver confrontés à une dynamique du marché privé qui recrute à corps et à cris des profils jeunes en particulier X, et surtout Ponts, car on a une formation très reconnue dans le domaine de la Finance ! […] Je crois que de toute façon, c’est mon analyse, on ne fait pas le poids face au marché privé et de la banque en particulier, là en ce moment. Les IPC en cours de deuxième poste aussi ils sont recrutés par les banques. J’ai fait un point avec un collègue à Bercy et ça se vit aussi dans d’autres corps 487 . »’

Les entreprises privées seraient enclines à recruter des cadres de plus en plus jeunes dans la mesure où elles exigent une expérience préalable dans le secteur privé pour l’accession à des postes à hautes responsabilités 488 . Le phénomène de rajeunissement de l’âge des hauts fonctionnaires lors de leur départ vers le secteur privé s’observe d’ailleurs depuis plusieurs années dans les corps administratifs 489 . Nous aurons l’occasion de mettre plus précisément en évidence quelques-uns des facteurs qui ont contribué à ce mouvement démissionnaire dans les chapitres qui suivent. Nous pouvons néanmoins faire d’ores et déjà l’hypothèse que la restriction des postes à destination du ministère de l’Économie et des Finances ouverts aux IPC en sortie d’École a sans doute encouragé un certain nombre d’élèves à accélérer leur départ programmé dans le secteur privé. Dans une note faisant le point sur les affectations de la promotion sortie en 2004, le chargé de mission évoque en effet les « déçus de Bercy » :

‘« Comme les années précédentes, il y a moins d’affectations à Bercy que d’élèves dont c’était le voeu prioritaire. Cela ne se traduit pas au final par un mouvement de démission marqué comme cela a pu être le cas les années précédentes, même si la tension sur ces sujets a été constante durant l’ensemble du processus, et devient de plus en plus difficile à “gérer” par le chargé de mission. Les “déçus” de Bercy se sont “repliés” sur des postes à composante économique à l’Équipement, ou à la DGAC, par exemple, et sur des postes à l’international voire même en DDE. Un seul élève est actuellement dans un processus de recherche dans le privé qui pourrait aboutir à une démission avant l’été 490 . »’

Certes, les démissions comportent des avantages du point de vue du corps dans la mesure où la présence d’IPC dans des établissements bancaires prestigieux concoure à sa réputation et renforce son prestige collectif, mais également dans la mesure où les départs définitifs permettent, en réduisant les effectifs du corps et en évitant des retours massifs en période de récession économique, d’accélérer les carrières publiques et l’accès aux grades supérieurs des ingénieurs en poste 491 . Néanmoins, les démissions n’apparaissent comme un réel avantage dans la gestion des corps que lorsqu’elles sont le fait d’ingénieurs avancés dans leurs carrières 492 . Quand elles interviennent avant même l’affectation de l’ingénieur, les démissions sont considérées comme un élément négatif. C’est en effet au début de leur carrière que les IPC sont les plus présents au sein du ministère de l’Équipement et permettent à la fois de remplir des espaces professionnels vacants, de « tenir des places », et de participer au prestige de leur tutelle dont il compose, nous le verrons précisément, le corps « dominant ». Enfin, le Ministère a également besoin de recruter de jeunes ingénieurs pour remplir des missions plus techniques, « dans les cœurs de métier 493  », abandonnés par les plus anciens.

En résumé, les ingénieurs des Ponts et Chaussées travaillent de moins en moins pour le ministère de l’Équipement, et notamment ses filières déconcentrées, et cette désaffection se fait au profit du secteur privé vers lequel les ingénieurs se dirigent de plus en plus jeunes et de manière davantage définitive qu’auparavant 494 .

Notes
465.

Selon les sources utilisées, dont les données diffèrent. Respectivement : AIPC, « Où sont, où vont les IPC ? », op. cit., 2006 ; AIPC, « Le nouveau corps des Ponts », Assemblée générale de l’AIPC, mai 2002 (cf. le document reproduit en annexe).

466.

Article 47c du décret n°85-986 du 16 septembre 1985 modifié, op. cit.

467.

Entretien auprès d’un ancien chargé de mission du corps des Ponts, Nanterre, le 28 avril 2003.

468.

Idem.

469.

Entretien auprès du chargé de mission du corps des Ponts, La Défense, le 26 février 2007.

470.

Entretien auprès d’un jeune ingénieur des Ponts et Chaussées, promotion X97, Paris, le 15 novembre 2002.

471.

Note du chargé de mission du corps des Ponts, objet : « Éléments sur les démissions de jeunes IPC en sortie d’École », janvier 2004. Source : DPS, archives personnelles.

472.

Idem.

473.

Cf. l’extrait d’entretien reproduit dans l’encadré qui suit.

474.

Note du chargé de mission du corps des Ponts, op. cit., janvier 2004. Source : DPS, archives personnelles.

475.

Entretien auprès du chargé de mission du corps des Ponts, La Défense, le 26 février 2007.

476.

DPS, « Compétition accrue entre le secteur public et le secteur privé pour le recrutement des cadres supérieurs », « Dossier relatif à la fusion des X », réunion interministérielle du 3 novembre 2000, 19 octobre 2000. Source : DPS, documents internes.

477.

Secrétariat général du gouvernement, réunion interministérielle, objet : « Fusion des corps du ministère de l’équipement, des transports et du logement issus de l’École Polytechnique », le 8 novembre 2000, compte rendu, p.3. Source : DPS, documents internes.

478.

Secrétariat général du gouvernement, réunion interministérielle, objet : « Fusion des corps supérieurs d’ingénieurs du ministère de l’équipement, des transports et du logement », le 6 avril 2001, compte rendu, p.3. Source : DPS, documents internes.

479.

Rappelons que les démissions en sortie d’École et les demandes de disponibilité pour suivi de conjoint sont le fait des IPC issus du concours externe, qui sont environ vingt-cinq à trente par an.

480.

Entretien auprès d’un ancien chargé de mission du corps des Ponts, Nanterre, le 28 avril 2003.

481.

Conversation avec le chargé de mission du corps du corps des Ponts, La Défense, le 2 mars 2007.

482.

AIPC, note confidentielle, « Ingénieurs élèves des Ponts et Chaussées de la promotion 2008 », janvier 2007. Source : AIPC, archives personnelles.

483.

CARRÉ de MALBERG Nathalie, « Entre service de l’État et besoins du marché… » dans BARUCH Marc Olivier et DUCLERT Vincent (dir.), Serviteurs de l'État, op. cit., 2000, p.344.

484.

Conversation entre le chargé de mission et un de ses prédécesseurs, abasourdi à l’annonce du nombre des démissions pour l’année 2007, observation directe, La Défense, le 26 février 2007.

485.

Venant corroborer les propos du chargé de mission, L’Usine nouvelle titre deux mois plus tard : « Finance : Main basse sur les ingénieurs ». GARAULT Eric (coord.), L’Usine nouvelle, n°3052, 19-25 avril 2007, pp.69-80.

486.

DGAFP, « Note relative à l’encadrement supérieur », transmise au cabinet du Premier ministre puis diffusée lors de la réunion des directeurs chargés du Personnel, le 12 juin 1998, p.1. Source : DPS, documents internes.

487.

Entretien auprès du chargé de mission du corps des Ponts, La Défense, le 26 février 2007.

488.

BAUER Michel et COHEN Élie, Qui gouverne les groupes industriels ? Essai sur l'exercice du pouvoir du et dans le groupe industriel, Paris, Le Seuil, 1981.

489.

BODIGUEL Jean-Luc, Les anciens élèves de l'ÉNA, op. cit., 1978, p.133.

490.

Note du chargé de mission à l’intention du directeur du Personnel, des Services et de la Modernisation, Objet : « Sortie ENPC 2004. Point d’étape », La Défense, le 15 avril 2004, p.4. Source : DPS, archives personnelles.

491.

Cette affirmation mérite une rapide explication. La gestion du corps des Ponts et Chaussées reposait avant la fusion sur le principe du « pyramidage » qui imposait des pourcentages d’effectifs pour chaque grade, soit 10,5% d’ingénieurs généraux, 30,5% d’ingénieurs en chef et 59% d’IPC (article 6 modifié par le décret du 28 août 1964, titre I, Décret n°59-358 du 20février 1959). Or ce pyramidage serré créait des blocages dans la gestion du corps qui induisaient des délais importants pour passer dans le grade supérieur. Le principe même du modèle pyramidal reposait sur l’idée qu’une grande partie des IPC devaient, à terme, essaimer. Dans cette configuration, les départs en retraite, les départs en détachement et les mises en disponibilité permettaient d’améliorer les carrières quand les retours au contraire bloquaient à nouveau le système de gestion. Nathalie Carré de Malberg indique également que les démissions des Inspecteurs des Finances « favorisent les hauts de carrières publiques ». CARRÉ de MALBERG Nathalie, « Entre service de l’État et besoins du marché… » dans BARUCH Marc Olivier et DUCLERT Vincent (dir.), Serviteurs de l'État, op. cit., 2000, p.358. Précisons néanmoins que le « pyramidage » du corps était régulièrement amélioré par des « surnombres de gestion », accordés par des lettres de la direction du Budget qui permettent de déroger aux autorisations données par grade en loi de finances. Cela aboutit à une pyramide réelle des emplois qui n’est conforme ni aux statuts ni à la loi de finances. Ces lettres n’ont pas de valeur juridique et sont, selon la Cour des comptes, contraires à l’ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique aux lois de finances. Cf. Cour des comptes, « La fonction publique de l’État », Rapport au président de la République, avril 2001, pp.462-464.

492.

Comme nous aurons l’occasion de le voir dans le chapitre 2, les ralentissements dans les carrières intervenaient en particulier pour les ingénieurs candidats au grade d’ingénieur général. Les départs des jeunes avant même leur affectation n’avaient donc pas d’incidence sur leur déroulement de carrière.

493.

Si quelques postes sont prévus dans d’autres ministères, les premières affectations se font prioritairement sur ce type de postes. Sous-direction du développement professionnel, Charte de gestion, op. cit., p.7.

494.

Soulignons que le corps des Ponts et Chaussées a connu d’autres périodes où la progression des démissions en son sein était remarquable. Ce fut notamment le cas à la fin du dix-neuvième siècle. Le phénomène touchait néanmoins généralement des ingénieur âgés de plus de trente-cinq ans qui se dirigeaient en priorité vers les chemins de fer, les entreprises de travaux publics et l’industrie. Pour des détails chiffrés, cf. : CHAGNOLLAUD Dominique, Le premier des ordres, op. cit., 1991, p.242.