« [Á la Fonction publique,] ils se demandaient quel pouvait bien être notre intérêt à nous, corps des Ponts, élitiste et prestigieux, à vouloir nous fondre avec de tels petits corps. […] Ils n’en revenaient pas hein au départ, ça les heurtait, ils cherchaient la raison cachée 664 ! »
Rentrons à présent dans les coulisses de cette réforme statutaire. La célébration de la fusion des corps de l’Équipement dont le rapprochement est présenté a posteriori comme une évidence et un progrès pour la « modernisation » du service public mérite un examen plus approfondi. Or, la lecture des discours officiels ou du décret statutaire qui matérialise la réforme renseigne peu sur les intérêts des corps participants à la fusion, les stratégies qu’ils ont mises en œuvre pour en sortir renforcés, les négociations qui ont été à l’origine des principaux articles du nouveau statut. Seule l’analyse de la réforme en cours d’élaboration nous donne les clés permettant de comprendre ses enjeux réels. Trois dimensions de ce processus retiendront notre attention au cours de cette section. La première concerne la mise en récit de la fusion et l’usage du lexique « modernisateur ». Il apparaît, d’une part, comme une forte contrainte argumentative et un passage discursif obligatoire que le corps serait sommé d’emprunter pour espérer voir son projet aboutir. C’est, d’autre part, une ressource sémantique précieuse, le voile pudique de la « modernisation » donnant à la réforme une dimension d’utilité publique plaçant au second rang des avantages matériels indicibles (A.). La deuxième dimension a trait aux avantages que revêt une telle réforme pour les responsables du ministère de l’Équipement qui voient notamment dans cette fusion d’« utilité publique 665 » les intérêts de leur administration. La composition et la configuration du nouveau corps garantissent, en effet, une plus grande fidélité de ses membres à la tutelle (B.). La troisième porte, enfin, sur les effets concrets de la fusion sur les membres du nouveau corps, du point de vue des revalorisations statutaires dont ils ont bénéficié et qui ont été les principaux objets des négociations avec la direction du Budget, la direction générale de la Fonction publique et le cabinet du Premier ministre (C.)
Entretien auprès de l’ancien chargé de mission de la fusion, La Défense, le 12 février 2007.
Note du vice-président du CGPC, à l’intention du directeur du Personnel et des Services, objet : « Formation École des ponts », Paris, le 11 septembre 2000. Source : DPS, documents internes.