A. Une réforme en trompe-l’œil

Le discours promotionnel de la réforme en direction des ministères qu’il s’agit de convaincre et, plus largement, dans l’intention d’afficher une justification officielle de la fusion, nous semble présenter un double aspect. La réforme, telle qu’elle est mise en récit, est présentée comme une évolution « modernisatrice », dans la mesure où elle permet d’accroître les « synergies » des quatre corps, d’augmenter leur « efficacité » et de faire bénéficier l’État d’économies substantielles. Or, ces mots, par lesquels les responsables du ministère de l’Équipement disent la réforme, visent à la fois à la rendre légitime et acceptable par les interlocuteurs interministériels, et à masquer ses véritables enjeux, autour desquels vont se cristalliser l’ensemble des négociations statutaires. D’une part, tout se passe comme si, se plaçant sous les auspices des recommandations « modernisatrices » du gouvernement, les hauts fonctionnaires du corps des Ponts et Chaussées vantaient leur projet et le protégeaient en même temps des fourches caudines de la Fonction publique et du Budget. Ainsi la rhétorique « modernisatrice » apparaît-elle comme un langage à visée persuasive, dans lequel il conviendrait de traduire les projets de réforme pour leur donner une chance d’aboutir. D’autre part, la revendication d’une posture « modernisatrice » permet d’insuffler une visée plus globale à la fusion, en lui octroyant l’onction de l’intérêt général. Dès lors, les gains statutaires dont elle est à l’origine apparaissent non plus comme une fin en soi mais comme les moyens par lesquels le « nouveau » corps des Ponts et Chaussées entend, par cette réforme, faire preuve d’« utilité publique ».