B. La réforme comme « fidélisation » au ministère de l’Équipement

La légitimation a posteriori de la fusion témoigne des enjeux symboliques de sa mise en mots et laisse percevoir, derrière la sémantique modernisatrice, d’autres dimensions de la réforme. Un autre aspect mérite d’être abordé par l’étude de l’argumentaire des représentants du ministère de l’Équipement dans les négociations, et ce qu’il révèle des intérêts de l’administration dans la réforme. Comme nous avons eu l’occasion de le montrer au cours du chapitre précédent, la création du nouveau corps intervient dans un contexte de forte autonomisation du corps des Ponts et Chaussées vis-à-vis de sa tutelle. Cette situation va servir d’argument aux représentants du Ministère pour défendre le projet d’une revalorisation statutaire du corps des Ponts. Il s’agit de rendre le corps attractif, notamment par rapport au secteur privé, afin d’éviter le départ des jeunes IPC. L’argument de la « modernisation » de l’État et de la nécessaire implication des hauts fonctionnaires pour la mener à bien, est avancé par les promoteurs de la fusion pour encourager la « mobilisation » des cadres, dont nous verrons qu’elle est synonyme d’avantages statutaires. Au-delà de ces arguments brandis par les représentants du Ministère pour négocier et défendre les articles du projet de statut, la fusion apparaît comme l’occasion de renforcer le lien qui unit le ministère de l’Équipement à son principal corps d’encadrement supérieur. La configuration des trois autres corps, le profil, les métiers et le positionnement de leurs membres permettent en effet d’envisager un lien plus étroit entre le nouveau corps et sa tutelle, lien qui sera, en outre, renforcé par la rédaction de nouvelles dispositions statutaires pensées en vue d’enrayer l’autonomisation des ingénieurs des Ponts et Chaussées par rapport à sa tutelle, et au service public en général.